vendredi 7 octobre 2016

Un Buisson plein d’épines

Olivier Cabanel   

Alors que Sarközi tente de transformer l’incendie en incident, la publication du livre de Buisson vient de mettre en danger la candidature de l’ex-président aux primaires LR, déjà fragilisée par les multiples affaires juridiques qui le menacent.

Ce n’est pas une nouveauté, les chefs d’état s’aperçoivent souvent trop tard qu’ils sont entourés de femmes et d’hommes de confiance prêts à les trahir à la première occasion, Hollande vient d’en faire la cruelle expérience... et Sarközi est en train de faire la même.
Pour bien comprendre les décisions que prendra l’ex-président, il faut découvrir quels en ont été les moteurs.
Il est persuadé qu’à l’instar de Mitterrand, lequel, selon lui, a commis un « acte transgressif » lorsqu’il a imposé l’abolition de la peine de mort, contre l’avis d’une majorité de français, il doit à son tour commettre cet acte transgressif et ce sera le serpent de mer de « la crise identitaire », donnant naissance peu après à un ministère, celui de l’immigration et de l’identité nationale.
Mais quelles sont les principales révélations que nous propose Patrick Buisson dans son « La cause du peuple  » ?
La 1ère se situe en mars 2006 lors des violentes manifestations contre le CPE, alors que Sarközi, ministre de l’intérieur, a décidé un coup bas pour nuire à De Villepin, en se mettant en valeur en même temps.
La tactique est simple, voire simpliste.
Il donne l’ordre de ne pas intervenir contre ceux qu’ils nomment les « racailles » : « nous avions pris la décision de laisser les bandes de blacks et de beurs agresser les jeunes blancs aux invalides, tout en informant les photographes de Paris Match (...) l’opinion ne retiendrait qu’une chose : des hordes sauvages étaient entrées dans Paris  ». lien
Cette courte vidéo illustre bien ce qui s’est passé.
 Il était prévu que, dans un 1er temps, les casseurs puissent s’ébrouer sans intervention de la police : « on les laissera faire leurs courses chez Darty et à Go Sport » avait intimé Buisson, puis la police interviendra et Nicolas Sarközi apparaitra sur les lieux « fier de montrer aux termes d’un scénario réglé au millimètre pour les caméras de télévision, à quel point il maitrisait la situation face à un 1er ministre englué dans un affrontement mortifère avec la jeunesse  ».
Bien évidemment, en haut lieu on crie au mensonge, mais un autre son de cloche vient d’être donné par un CRS qui témoigne : « les unités mobilisées progressent « trop lentement », il faut des heures pour passer la rue Saint Dominique puis la rue de l’Université (...) en tant que responsable de l’armurerie, moi qui pensais ne pas chômer pour ravitailler en grenades mp7 mes collègues, je suis au chômage technique. Pas une grenade n’est lancée, pas une. Des consignes ont été données ». lien
La même manipulation a été réalisée à plusieurs reprises, comme l’avait démontré un certain Morice, qui, sur ce site, avait à l’époque tout compris comme on peut le lire dans cet article.
Il avait démontré comment Sarközi, quelques mois avant l’élection de 2007, avait construit une manipulation criminelle, destinée à améliorer son image, afin de le faire grimper dans les sondages...puis à le faire élire.
Et en effet, comme l’avait relevé Morice, « au soir du 1er tour de l’élection présidentielle, le sondage TNS Sofres dit de « sortie des urnes » indique que ce qui avait le plus influencé le vote des électeurs de Sarközi était mentionné par 43% d’entre eux, le choc de la gare du Nord », dixit Emmanuel Todd.
Le rédacteur, après avoir murement réfléchi durant 5 années avait parfaitement décrypté ce qu’il faut bien appeler une manipulation, lorsque des émeutes avaient éclaté à la Gare du Nord, lui permettant de gagner la présidentielle.
En proposant sur ce site en 2011, un article intitulé « sarko le pompier pyromane  », j’avais deviné, comme beaucoup, quelle était déjà la stratégie de l’ex-président.
Une autre révélation concerne le Front National.
Patrick Buisson raconte ce qui s’est passé entre les 2 tours de la présidentielle 2007 :
« Appelle Le Pen, (dixit Sarko) demande lui ce qu’il veut. Faut-il que je le reçoive ? (...) un 1er contact est pris le 23 avril. le samedi suivant, Buisson porte un message au président du FN : le candidat Sarközi s’engage, s’il devient président, à assurer une représentation équitable des minorités dans les 2 assemblées (...) devant la possibilité que Le Pen n’obtienne pas les fameuses 500 signatures, il donne pour instruction à Alain Marleix, le spécialiste des élections au parti, de faire remonter une cinquantaine de signatures d’élus au candidat Le Pen et à lui seul  ».
En 2005 il affirmait déjà avec ses proches : « les valeurs du Front National sont celles de tous les Français  », et quand, entre les 2 tours François, Fillon évoquera dans les échos « l’incompatibilité des valeurs entre le FN et la droite républicaine », ses propos seront désavoués par Sarközi. lien
Mais ne faut-il pas s’interroger face à ce qu’écrit l’ex-conseiller présidentiel, quand il affirme que son ancien « patron » lui avait glissé un jour : « je vais te dire ce qui nous différencie des autres, c’est que toi et moi, on est des mauvais garçons ».
L’ex conseiller nous raconte aussi ce que pense son patron de certains cadres de l’UMP : « Xavier Bertrand ? C’est un méchant. 10 ans à essayer de placer des assurances en Picardie, 10 ans à taper aux portes et à se prendre des râteaux, ça a de quoi vous rendre méchant pour le restant de vos jours »... « Cet abruti d’Estrosi qui a une noisette dans la tête  ».
Il raconte aussi pourquoi il tenait tant à ce que DSK soit son adversaire : « il n’aime pas les femmes, mais le sexe. Faites moi confiance, j’ai de quoi le faire exploser en plein vol ».
Alors bien sûr, face à cette avalanche de révélations, le clan Sarkö tente d’éteindre l’incendie, dénonçant sans preuves, un tissu de mensonge, à l’instar de Brice Hortefeux qui « dénonce l’inanité d’affirmations invérifiables » ou de Valérie Pécresse qui évoque une « manipulation », évoquant « un coté voyeur et insincère, un déballage » tout comme Laurent Wauquiez qui parle d’un « tissu de racontars, de pseudo-conversations privées, d’un règlement de compte sans intérêt  ». lien
Il reste maintenant à savoir quel sera l’impact de la publication de ce livre pour l’élection 2017, et sans lire dans le marc de café, on peut tout de même imaginer que les retombées seront assez néfastes pour l’ex-président.

Comme dit mon vieil ami africain : « si en te baignant tu as échappé au crocodile, prend garde au léopard qui te guette sur la berge  ».

agoravox.fr

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