En 10 ans, 47 hommes désarmés sont morts à la suite d'une intervention
musclée des forces de l’ordre. Streetpress a enquêté sur ces 47 dossiers
pour un résultat accablant : aucun policier ou gendarme impliqué n'a
jamais fini en prison.
Tribunal correctionnel de Marseille, 3 mars 2017 - « On est forcément déçus »,
se lamente l’avocate de la défense. Elle estime que Xavier Crubezy, le
policier qui vient d’être condamné à 6 mois de prison avec sursis,
aurait dû être relaxé. Il ne fera pourtant pas appel. Fin 2010, Mustepha
Ziani blesse un autre résident de son foyer de travailleur. Quand la
police débarque, il s’est retranché dans sa chambre.
Les forces de l’ordre vont le chercher, flash-ball au poing. Xavier
Crubezy, tir une cartouche de flash-ball dans le thorax Mustepha Ziani.
Un tir effectué à moins de 5 mètres, alors que l’administration exige
une distance minimale de 7 mètres, et qui sera responsable de la mort de
Mustepha. La décision est exceptionnelle. En 10 ans, au moins 47 hommes
désarmés sont décédés après avoir subis des violences des forces de
l’ordre. Seul trois affaires ont abouti à la condamnation d’un
fonctionnaire. Jamais de prison ferme, uniquement du sursis.
Des techniques dangereuses
En 2016, la très sérieuse Action chrétienne pour l’abolition de la torture (ACAT) publiait un rapport ravageur sur les violences policières. Joint par StreetPress, Pierre Motin de l’Acat, précise :
« On ne considère pas que chaque décès lié à une intervention de la police doit être suivi de sanctions, précise l’ACAT. Certains décès sont causés par un usage nécessaire et proportionné de la force. Mais ce n’est pas toujours le cas. »
Un procureur de la République évoque, sous couvert d’anonymat, les
carences du système judiciaire. Lorsqu’un policier tue une personne par
balle par exemple, « la démarche [du ministère public] ne consiste
qu’à déterminer s’il y a eu, oui ou non, légitime défense. Si oui, on en
déduit l’irresponsabilité pénale du fonctionnaire » :
« Dans beaucoup de ces dossiers, [l’agent] aurait pu faire autrement. Mais légalement, ce n’est pas notre rôle de condamner cela. »
Il complète en reconnaissant que la justice ne met jamais en cause
le fonctionnement de l’institution policière et ses méthodes. En la
matière, l’Acat pointe particulièrement du doigt l’usage de techniques,
comme le placage ventral et d’armes dangereuses, comme le taser, ayant
causé plusieurs décès.
47 morts, 3 condamnés, aucun policier en prison
Comment avoir une vue d’ensemble ? StreetPress a épluché la presse,
appelé les parquets, recontacté les avocats, les familles ou les proches
pour recenser les victimes et faire le point sur les suites judiciaires
données à ces dossiers.
Selon notre enquête, plus d’un tiers des procédures (16 sur 47) ont abouti à un classement sans-suite, un non-lieu ou un acquittement des fonctionnaires. L’essentiel des dossiers, 28, sont encore en cours. Et donc 3 condamnations à des peines de prison assorties de sursis.
Un ultime constat ressort de cette recension : sans plainte, avec
constitution de parti-civil déposée par un proche, l’affaire est très
souvent close après une enquête des plus sommaires.
Du militant écologiste Rémi Fraisse au sans-papier sans histoires
Babacar Guèye, en passant par des petits délinquants et des personnes
souffrant de troubles psychiatriques, StreetPress a voulu redonner un
visage à ces morts. On vous raconte leurs histoires.
Article en totalité sur streetpress.com
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