mardi 30 mai 2017

En 10 ans, 47 décès liés aux violences policières, aucun fonctionnaire en prison

Maxime Grimbert        

En 10 ans, 47 hommes désarmés sont morts à la suite d'une intervention musclée des forces de l’ordre. Streetpress a enquêté sur ces 47 dossiers pour un résultat accablant : aucun policier ou gendarme impliqué n'a jamais fini en prison. 

Tribunal correctionnel de Marseille, 3 mars 2017 - « On est forcément déçus », se lamente l’avocate de la défense. Elle estime que Xavier Crubezy, le policier qui vient d’être condamné à 6 mois de prison avec sursis, aurait dû être relaxé. Il ne fera pourtant pas appel. Fin 2010, Mustepha Ziani blesse un autre résident de son foyer de travailleur. Quand la police débarque, il s’est retranché dans sa chambre.
Les forces de l’ordre vont le chercher, flash-ball au poing. Xavier Crubezy, tir une cartouche de flash-ball dans le thorax Mustepha Ziani. Un tir effectué à moins de 5 mètres, alors que l’administration exige une distance minimale de 7 mètres, et qui sera responsable de la mort de Mustepha. La décision est exceptionnelle. En 10 ans, au moins 47 hommes désarmés sont décédés après avoir subis des violences des forces de l’ordre. Seul trois affaires ont abouti à la condamnation d’un fonctionnaire. Jamais de prison ferme, uniquement du sursis.

Des techniques dangereuses

En 2016, la très sérieuse Action chrétienne pour l’abolition de la torture (ACAT) publiait un rapport ravageur sur les violences policières. Joint par StreetPress, Pierre Motin de l’Acat, précise :
« On ne considère pas que chaque décès lié à une intervention de la police doit être suivi de sanctions, précise l’ACAT. Certains décès sont causés par un usage nécessaire et proportionné de la force. Mais ce n’est pas toujours le cas. »
Un procureur de la République évoque, sous couvert d’anonymat, les carences du système judiciaire. Lorsqu’un policier tue une personne par balle par exemple, « la démarche [du ministère public] ne consiste qu’à déterminer s’il y a eu, oui ou non, légitime défense. Si oui, on en déduit l’irresponsabilité pénale du fonctionnaire » :
« Dans beaucoup de ces dossiers, [l’agent] aurait pu faire autrement. Mais légalement, ce n’est pas notre rôle de condamner cela. »
Il complète en reconnaissant que la justice ne met jamais en cause le fonctionnement de l’institution policière et ses méthodes. En la matière, l’Acat pointe particulièrement du doigt l’usage de techniques, comme le placage ventral et d’armes dangereuses, comme le taser, ayant causé plusieurs décès.

47 morts, 3 condamnés, aucun policier en prison

Comment avoir une vue d’ensemble ? StreetPress a épluché la presse, appelé les parquets, recontacté les avocats, les familles ou les proches pour recenser les victimes et faire le point sur les suites judiciaires données à ces dossiers.
Selon notre enquête, plus d’un tiers des procédures (16 sur 47) ont abouti à un classement sans-suite, un non-lieu ou un acquittement des fonctionnaires. L’essentiel des dossiers, 28, sont encore en cours. Et donc 3 condamnations à des peines de prison assorties de sursis. Un ultime constat ressort de cette recension : sans plainte, avec constitution de parti-civil déposée par un proche, l’affaire est très souvent close après une enquête des plus sommaires.
Du militant écologiste Rémi Fraisse au sans-papier sans histoires Babacar Guèye, en passant par des petits délinquants et des personnes souffrant de troubles psychiatriques, StreetPress a voulu redonner un visage à ces morts. On vous raconte leurs histoires.

Article en totalité sur streetpress.com

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