Une heure supplémentaire chaque jour sans électricité à Gaza,
et ce sera le signal : des roquettes Qassam. Israël, une fois encore
sera la victime, et le massacre commencera.
Israël et Gaza ne sont pas face à une nouvelle guerre, ils ne
prennent pas la direction d’une autre “opération” ou d’un “round” de
plus. Cette terminologie trompeuse est destinée à induire en erreur et à
faire taire les derniers scrupules de conscience.
Ce qui est en cause actuellement, c’est le risque d’un nouveau
massacre dans la Bande de Gaza. Contrôlé, mesuré, pas trop massif, mais
malgré tout c’est bien d’un massacre qu’il s’agit. Quand des officiers,
des politiciens et des commentateurs israéliens parlent du “prochain round”, ils parlent du prochain massacre.
Il n’y aura pas de guerre à Gaza, parce qu’il n’y a personne à Gaza
pour combattre contre l’une des armées équipées des armements les plus
puissants au monde, et cela même si le commentateur des questions
militaires à la télévision, Alon Ben David, affirme que le Hamas est capable d’aligner quatre divisions.
Il n’y aura pas davantage la moindre bravoure (israélienne) à Gaza,
car il n’y a aucune bravoure à attaquer une population sans défense.
Et, bien entendu, il n’y aura ni moralité ni justice à Gaza, car il n’y a
ni moralité ni justice dans le fait de se lancer à l’assaut d’une cage
scellée pleine de prisonnier qui n’ont même aucun endroit vers où fuir,
s’ils en avaient la possibilité.
Donc, appelons un chat un chat : c’est bien d’un massacre qu’il
s’agit. Et c’est de cela qu’ils parlent actuellement en Israël. Qui est
pour un massacre, et qui est contre ? Serait-il “ bon pour Israël ” ?
Contribuera-t-il à sa sécurité et à ses intérêts, ou pas ?
Provoquera-t-il la perte du pouvoir par le Hamas, ou non ? Sera-t-il
favorable aux intérêts électoraux du Likoud ou pas ? Israël a-t-il le
choix ? Bien entendu que non !
Toute attaque contre Gaza se soldera par un massacre. Rien ne peut le
justifier, parce qu’un massacre est injustifiable. Nous devons donc
nous demander : sommes-nous pour un nouveau massacre à Gaza ou non ?
Les pilots sont déjà à l’échauffement sur les routes, tout comme les
artilleurs et les femmes soldats qui manipulent des joysticks [pour
piloter à distance les drones de l’armée – NDLR]. Une heure
supplémentaire chaque jour sans électricité à Gaza, et ce sera le signal
: des roquettes Qassam. Israël, cette fois encore sera la victime, et
des millions d’Israéliens se réfugieront dans des abris une fois de
plus. “Nous sommes sortis de Gaza et regardez comment ils nous
récompensent. Oh ! le Hamas, ces assoiffés de guerre, les plus cruels
d’entre eux tous…”.
Mais quel autre moyen reste-t-il à Gaza pour rappeler au monde son
existence et sa détresse inhumaine, hormis les roquettes Qassam ? Ça
fait trois ans qu’ils étaient tranquilles, et voilà qu’ils sont les
sujets d’une recherche menée conjointement par Israël et l’Autorité
Palestinienne [de Ramallah] : une grande expérience menée sur des
cobayes humains. Est-ce qu’une heure d’électricité par jour suffit pour
une existence humaine ? Peut-être que dix minutes seraient suffisantes ?
Et qu’arrive-t-il à des humains sans électricité du tout ?
L’expérience est en cours, les scientifiques retiennent leur souffle.
Quand la première roquette tombera-t-elle ? Quand le massacre
commencera-t-il ?
Il sera plus affreux que les deux précédents, parce que l’histoire
nous apprend que chaque “opération” israélienne à Gaza est pire que la
précédente. L’opération “ Plomb durci ” (fin 2008-début 2009) a causé
1.300 morts palestiniens, dont 430 enfants et 111 femmes, alors que
l’opération “ Bordure protectrice ” (durant l’été 2014) s’est soldée par
2.200 morts, dont 366 enfants (180 d’entre eux étaient des nourrissons
ou des tout petits) et 247 femmes.
Bravo pour l’augmentation du nombre de victimes. Notre force grandit d’une “ opération ” à la suivante. Avigdor Lieberman
a promis que cette fois ce sera une victoire décisive. En d’autres
termes, le massacre sera cette fois plus horrifiant que tous les
précédents, si du moins il est possible de prendre au sérieux quoi que
ce soit qui sorte de la bouche de ce Ministre de la Défense.
Il ne sert à rien de s’étendre longuement sur les souffrances des
habitants de Gaza : tout le monde s’en fiche, en tout état de cause.
Pour les Israéliens, Gaza était et reste un nid de terroristes. Il n’y à
là-bas personne qui leur ressemble.
L’occupation est finie, ha ha ha. Tous les résidents de Gaza sont des
meurtriers. Ils construisent des “tunnels terroristes” au lieu
d’inaugurer des usines high-tech. Enfin, comment expliquez-vous que le
Hamas n’ait pas développé Gaza ? Comment osent-ils ? Comment se fait-il
qu’ils n’ont pas construit une industrie en état de siège, une
agriculture en prison et de la haute technologie dans une cage ?
Ce sont là les mensonges que nous racontons à propos de Gaza. Et
encore un autre mensonge que nous racontons : nous allons renverser le
pouvoir du Hamas. Or, tout à la fois c’est impossible et Israël ne le
souhaite pas.
Le nombre des morts clignote, comme d’habitude, sur nos écrans ; sans
plus avoir de signification pour quiconque. Des centaines d’enfants
massacrés, qui peut imaginer une chose pareille ? Le siège n’est pas un
siège, et même l’idée d’une seule heure de coupure de l’alimentation en
électricité à Tel Aviv dans la chaleur étouffante de l’été ne provoquer
pas le moindre soupçons d’empathie envers ceux qui vivent sans
électricité du tout, à une heure de Tel Aviv.
Alors, continuons à vaquer à nos affaires – la Gay Pride Parade, les
réductions pour l’accès au logement des jeunes familles, l’instituteur
pédophile… Et quand des Qassam tomberont, nous ferons semblant d’être
abasourdis, et dans le cadre de notre sacro-sainte autovictimisation nos
bons pilotes prendront leur envol à l’aube, en route vers le prochain
massacre.
Traduction : Luc Delval
Gideon Levy, “le journaliste le plus haï d’Israël”, est un chroniqueur et membre du comité de rédaction du quotidien Haaretz.
Il a obtenu le prix Euro-Med Journalist en 2008, le prix Leipzig Freedom en 2001, le prix Israeli Journalists’ Union en 1997, et le prix de l’Association of Human Rights in Israel en 1996. Il est l’auteur du livre The Punishment of Gaza, qui a été traduit en français : Gaza, articles pour Haaretz, 2006-2009, La Fabrique, 2009.
Il a obtenu le prix Euro-Med Journalist en 2008, le prix Leipzig Freedom en 2001, le prix Israeli Journalists’ Union en 1997, et le prix de l’Association of Human Rights in Israel en 1996. Il est l’auteur du livre The Punishment of Gaza, qui a été traduit en français : Gaza, articles pour Haaretz, 2006-2009, La Fabrique, 2009.
Pour la Palestine
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