Dans la cuve d’un réacteur nucléaire, la pression est énorme. Mais
probablement encore inférieure aux pressions que doivent recevoir
actuellement et depuis de longs mois les cinq commissaires de l’ASN (autorité de sûreté nucléaire) et particulièrement son patron Pierre-Franck Chevet. Et plus encore avec un Premier ministre ancien lobbyiste d’Areva…
C’est en effet sur ces hauts fonctionnaires que pèse la très, très
lourde responsabilité de valider ou non les pièces essentielles que sont
le fond et le couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville.
Le fond semble pouvoir passer l’exam, en étant aussi généreux que les
examinateurs du bac, mais il n’en est pas de même du couvercle de la
cuve qui, en l’état actuel des choses, n’offre pas la sûreté de
fonctionnement nécessaire dans le temps et devrait être très
régulièrement vérifié et même changé. C’est une pièce complexe pourvue
de nombreux orifices à travers lesquels passent les tuyauteries assurant
le fonctionnement du réacteur.
Quel est, en clair, le problème ? La cuve est le récipient dans
lequel se passe la réaction nucléaire. C’est une pièce cylindrique de 11
mètres de hauteur, de 7 mètres de diamètre, avec un fond et un
couvercle (calotte) soudés. Elle ne doit en aucun cas se rompre sous
peine de catastrophe genre Tchernobyl ou Fukushima. L’acier qui la
compose se doit donc de répondre à des critères métallurgiques précis.
Le forgeage de la calotte a été achevé en octobre 2006 à l’usine
Areva du Creusot, le fond en décembre 2007. Mais des tests menés par
Areva ont révélé, fin 2014, que l’acier n’était pas suffisamment
homogène et que les pièces présentaient à certains endroits de fortes
concentrations de carbone. « Pour les fabriquer, Areva a recouru à
une technique de forgeage récente qui utilise un lingot d’acier de
carbone très lourd, jusqu’à 160 tonnes, expliquait à Reporterre Thierry Charles, directeur général adjoint de l’IRSN chargé de la sûreté nucléaire, en novembre dernier. Or,
un lingot en train de refroidir ressemble à un fondant au chocolat : le
cœur reste coulant plus longtemps que l’extérieur. Et le carbone migre
préférentiellement dans la phase liquide. » (lien)
Ce phénomène a modifié les propriétés mécaniques de l’acier. En
conséquence, les pièces ont échoué aux tests de résilience, qui mesurent
la capacité de l’acier à encaisser un choc sans se rompre en cas de
choc de température chaud ou froid : la calotte de l’EPR a obtenu un
résultat moyen de 52 joules et minimal de 36 joules, au lieu des
60 joules minimum imposés par la réglementation. Pire, ces valeurs sont
« très largement inférieures à ce qu’on aurait pu espérer du matériau
s’il avait été conforme […] pour une résilience attendue de
220 joules », indique dans une note
le physicien nucléaire Gérard Gary, directeur de recherche émérite
ex-CNRS rattaché au laboratoire de mécanique des solides de l’École
polytechnique.
Le choix qui se présente aux commissaires de l’ASN est dans le genre terrible !
A – Ils cèdent aux pressions des nucléocrates et valident la cuve de
l’EPR. Et s’il y a un accident ? Je ne voudrais pas être dans la tête de
ces gens… Parce que - eux - savent les conséquences d’un Tchernobyl ou
d’un Fukushima sur Manche. Évacuation de centaine de milliers de
personnes, stérilisation pour des millénaires de vastes étendues
agricoles, arrêt total de toute activité industrielle, saccage évident
du tourisme, etc. Une catastrophe humaine et écologique dont la région
et même la France ne se relèveraient pas.
Il peut aussi ne rien se passer moyennant une surveillance permanente… sauf impondérables.
B – Ils refusent de céder à toutes pressions et refusent donc la cuve
en l’état. Et c’est la fin de l’EPR à Flamanville, l’annulation du
contrat de deux EPR avec les Anglais, des dédommagements gigantesques
avec les Finlandais et avec les Chinois, etc... C’est la ruine de la
filière nucléaire française. Une catastrophe industrielle et financière.
Que croyez-vous qu’il va se passer ? Que va-t-on éviter, le risque de
catastrophe humaine et écologique ou la certitude d’une catastrophe
industrielle et financière ? La réponse est dans la question.
Les industriels ont déjà englouti 10,5 milliards dans cette
réalisation d’un autre âge. Plutôt que d’interrompre le projet le temps
de réaliser tous les tests et de s’assurer de la bonne tenue des pièces
défectueuses, EDF et Areva se sont dépêchés de poursuivre les travaux,
mettant ainsi l’ASN devant le fait accompli.
Aux dernières nouvelles les « experts » ont ménagé la chèvre et le
chou et trouvé une cote mal taillée avec un régime d’exception :
autorisation de mise en route de l’EPR mais avec contrôles renforcés, à
la charge d’EDF et d’Areva et obligation de changer le couvercle de la
cuve d’ici 2 024. Autrement dit, c’est l’aveu que cette pièce n’est pas
conforme, donc que l’EPR est dangereux. Une commande pour un autre
couvercle aurait déjà été passée… au Japon. Ben voyons. Et bonjour le
boulot pour dessouder et remplacer une telle pièce en milieu qui sera
alors hautement radioactif. De la konnerie à l'état pur. Ou de
l'enfumage car ce couvercle douteux ne sera vraisemblablement jamais
changé.
En d’autres temps, une décision politique courageuse a été prise par
les politiques, celle d’arrêter Super Phénix, un monstre
hyper-dangereux. Soit dit en passant, la déconstruction du monstre dure
depuis 25 ans est n'est pas prête d'arriver au bout. Avec des masses de
déchets hautement radioactifs pour des milliers d'années et stockés dans
une simple piscine…
Mais à l’heure actuelle, depuis la loi « TSN » de 2006, le pouvoir
politique n’a plus la possibilité de fermer des réacteurs pour des
raisons autres que sécuritaires. La fermeture d’une centrale dépend
exclusivement de la décision de l’exploitant et de l’ASN. Bonjour la
démocratie…
La France fait dès à présent figure de dinosaure ringard en Europe
avec son industrie du passé ! Nous gaspillons des montagnes de pognon à
maintenir en place un parc de centrales nucléaires dépassées, vieilles,
devenues très dangereuses comme l’a révélé Fukushima. Nous construisons à
coups de milliards toujours plus nombreux un EPR ringard puisque
n’étant que le prolongement technologique même pas amélioré des
centrales existantes. Tout le pognon que notre pays jette dans le
gouffre du nucléaire ne serait-il pas plus utile en matière d’éoliennes,
de photovoltaïque, de géothermie, d’économie d’énergie, de bâtiments à
bilan énergétique neutre, etc... ! Toutes matières neuves, d’avenir,
pourvoyeuses d’emplois et de devises à l’exportation. C’est le choix
qu’ont fait les Allemands depuis des années. Et nous nous essoufflerons à
leur courir après dans l’avenir à cause de la lâcheté de gouvernants
inféodés au lobby des nucléocrates…
Quant à nos techniciens nucléaires, ils ne seraient pas pour autant
au chômage : leur expertise, leurs compétences seront nécessaires pour
déconstruire dans le monde toutes ces centrales obsolètes.
Eh ! Hulot, ça se digère bien les couleuvres ?
agoravox.fr
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