 Stanley L.Cohen
Stanley L.Cohen
Il est temps pour Israël d’accepter le fait suivant : en tant que 
peuple occupé, les Palestiniens ont le droit de résister – de toutes les
 manières possibles.
Il y a longtemps de cela, il avait été convenu que la résistance et 
même la lutte armée contre une force d’occupation coloniale n’étaient 
pas seulement reconnues par le droit international, mais précisément 
approuvées.
Conformément au droit international humanitaire, les guerres de 
libération nationale ont été expressément reconnues en tant que telles 
par l’adoption du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949, en tant que droit protégé et essentiel des peuples occupées à travers le monde.
Dans une évolution pleine de vitalité dans le droit humanitaire, il y
 a des décennies, l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGA) – une 
fois présentée comme la conscience collective du monde – a noté le droit
 des peuples à l’autodétermination, à l’indépendance et aux droits de 
l’homme.
En effet, dès 1974, la résolution 3314 de l’Assemblée Générale des Nations Unies [AGNU] a interdit aux États-membres « toute occupation militaire, même temporaire ».
Dans la partie la plus lourde de signification, la résolution a non 
seulement affirmé le droit « à l’autodétermination, à la liberté et à 
l’indépendance […] des peuples privés de ce droit, […] en particulier 
les peuples sous régimes coloniaux et racistes ou autres formes de 
domination étrangère », mais a noté le droit des peuples occupés « à 
lutter … et à chercher et obtenir un soutien » dans cet effort.
Le terme « lutte armée » a été intégré dans cette résolution sans 
définition précise, comme beaucoup d’autres qui ont précédé et qui ont 
maintenu le droit des populations indigènes à expulser un occupant.
Cette imprécision devait disparaître le 3 décembre 1982. Ce jour-là, 
la résolution 37/43 de l’Assemblée générale des Nations Unies a supprimé
 tout doute ou débat sur le droit légal des peuples occupés à résister 
aux forces d’occupation par tous les moyens reconnus. La résolution 
réaffirma « la légitimité de la lutte des peuples pour l’indépendance, 
l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la libération de la 
domination coloniale et étrangère, par tous les moyens disponibles, y 
compris la lutte armée ».
Israël se berce d’illusions
Bien qu’Israël ait tenté, à maintes reprises, de faire supprimer le 
sens dépourvu d’ambiguïté de cette résolution précise – et de placer 
ainsi son occupation d’un demi-siècle en Cisjordanie et à Gaza au-delà 
de son champ application – c’est un effort voué à l’échec et une 
illusion si on s’en tient au vocabulaire exigeant de la déclaration 
elle-même. 
Dans la partie la plus significative, l’article 21 de la résolution 
condamne fermement « les activités expansionnistes d’Israël au 
Moyen-Orient et le bombardement permanent des civils palestiniens, qui 
constituent un obstacle sérieux à la réalisation de l’autodétermination 
et de l’indépendance du peuple palestinien ». 
N’hésitant jamais à réécrire l’histoire, et cela bien avant la 
création des Nations Unies, les sionistes européens se considéraient 
comme un peuple sous occupation tandis qu’ils émigraient en Palestine.
En effet, 50 ans avant que l’ONU ne parle du droit à la lutte armée 
comme moyen de libération des peuples indigènes, les sionistes européens
 se sont attribués frauduleusement le même concept alors que l’Irgun, 
Lehi et d’autres groupes terroristes imposaient toute une décennie de 
chaos mortel.
Au cours de cette période, ils ont massacré non seulement des 
milliers de Palestiniens indigènes, mais ils se sont attaqués aussi à la
 police et au personnel militaire britanniques qui avaient longtemps 
maintenu une présence coloniale sur place.
Une histoire des attaques sionistes
Peut-être, alors que les Israéliens s’assoient pour pleurer la perte 
de deux de leurs soldats qui ont été abattus la semaine dernière à 
Jérusalem – dans ce que beaucoup considèrent comme un acte de résistance
 légitime – un retour d’un minimum de mémoire pourrait simplement 
replacer les événements dans leur contexte historique.
Il y a longtemps, traitant les Britanniques de force d’occupation dans « leur patrie », les sionistes ont ciblé la police britannique et les unités militaires sans la moindre pitié dans toute la Palestine et ailleurs.
Le 12 avril 1938, l’Irgun a assassiné deux policiers britanniques 
dans un attentat à la bombe dans un train à Haïfa. Le 26 août 1939, deux
 officiers britanniques ont été tués par une mine placée par Irgun à 
Jérusalem. Le 14 février 1944, deux agents de police britanniques ont 
été abattus lorsqu’ils ont tenté d’arrêter des gens qui avaient collé 
des affiches sur les murs de la ville d’Haïfa. Le 27 septembre 1944, 
plus de 100 membres de l’Irgun ont attaqué quatre postes de police 
britanniques, blessant des centaines d’officiers. Deux jours plus tard, 
un agent de police britannique de haut rang du Service du renseignement a
 été assassiné à Jérusalem.
Le 1er novembre 1945, un autre policier a été tué alors que cinq 
trains ont été l’objet d’attaques à la bombe. Le 27 décembre 1945, sept 
officiers britanniques ont perdu la vie dans une attaque à la bombe au 
siège de la police à Jérusalem. Entre le 9 et le 13 novembre 1946, les 
membres juifs « souterrains » ont lancé une série d’attentats à la bombe
 et aux mines antipersonnel dans les gares ferroviaires, dans 
les trains et les tramways, tuant 11 soldats et policiers britanniques 
et huit soldats arabes.
Quatre autres officiers ont été assassinés lors d’une autre attaque 
sur un quartier général de la police le 12 janvier 1947. Neuf mois plus 
tard, quatre policiers britanniques ont été assassinés lors d’une 
attaque de banque commise par l’Irgun et, trois jours plus tard, le 26 
septembre 1947, 13 autres agents étaient tués dans une autre attaque 
terroriste sur un poste de police britannique.
Ce ne sont que quelques-unes des nombreuses attaques dirigées par des
 terroristes sionistes contre la police britannique, considérés par la 
plupart des Juifs européens comme des cibles légitimes d’une campagne 
qu’ils ont qualifiée de « libération » contre une force d’occupation.
Tout au long de cette période, les terroristes juifs ont également 
entrepris d’innombrables attaques qui n’ont épargné aucune partie de 
l’infrastructure britannique et palestinienne. Ils ont frappé les 
installations militaires et policières britanniques, les bureaux du 
gouvernement et les navires, souvent avec des bombes. Ils ont également 
saboté les chemins de fer, les ponts et les installations pétrolières. 
Des dizaines de cibles économiques ont été attaquées, dont 20 trains 
endommagés ou faits dérailler, et cinq stations ferroviaires. De 
nombreuses attaques ont été menées contre l’industrie pétrolière, dont 
une, en mars 1947, sur une raffinerie de la Shell à Haifa qui a détruit 
quelque 16 000 tonnes de pétrole.
Des terroristes sionistes ont tué des soldats britanniques dans toute
 la Palestine, en utilisant tout type de pièges, des embuscades, des 
tireurs d’élite et des véhicules bourrés d’explosifs.
Une attaque, en particulier, résume le terrorisme de ceux qui – sans 
aucun support dans le droit international – n’ont vu aucune limitation à
 leurs efforts pour « libérer » un terrain sur lequel ils avaient en 
grande partie récemment émigré.
En 1947, l’Irgun a enlevé deux sous-officiers du Corps d’intelligence
 de l’armée britannique et menacé de les pendre si la condamnation à 
mort de trois de ses membres était maintenus. Lorsque les trois membres 
de l’Irgun ont été exécutés par pendaison, les deux sergents 
britanniques ont été pendus en représailles, et leurs corps remplis 
d’explosifs ont été laissés dans un bosquet d’eucalyptus.
En annonçant leur exécution, l’Irgun a déclaré que les deux soldats 
britanniques avaient été pendus après leur condamnation pour « activités
 criminelles anti-hébraïques » qui comprenaient : l’entrée illégale dans
 la patrie hébraïque et l’appartenance à une organisation terroriste 
criminelle britannique – connue sous le nom d’armée d’occupation – qui 
était « responsable de la torture, du meurtre, de la déportation et du 
refus du droit à la vie pour le peuple hébreu ». Les soldats ont 
également été accusés de possession illégale d’armes, d’espionnage 
anti-juif en civil et de projets hostiles prémédités contre les forces clandestines.
Bien au-delà des limites territoriales de la Palestine, à la fin des 
années 1946-1947, une campagne continue de terrorisme a visé les 
Britanniques. Des actes de sabotage ont été effectués sur les routes de 
transport militaires britanniques en Allemagne. Le Lehi a également 
essayé, sans succès, de lancer une bombe sur la Chambre des communes à 
partir d’un avion affrété en provenance de France et, en octobre 1946, 
il a attaqué à la bombe l’ambassade britannique à Rome. 
Un certain nombre d’autres engins explosifs ont été désamorcés dans 
et autour des cibles stratégiques à Londres. Quelque 21 lettres piégées 
ont été adressées, à plusieurs reprises, à des personnalités politiques 
britanniques de premier plan. Beaucoup de ces missives ont été 
interceptées, tandis que d’autres ont atteint leurs destinataires mais 
en étant identifiées comme tel avant qu’elles n’explosent.
Le prix élevé de l’autodétermination
L’autodétermination est une voie difficile et coûteuse pour les 
occupés. En Palestine, quelle que soit l’arme choisie – qu’il s’agisse 
de la parole, du stylo ou de l’arme à feu – il y a un prix très lourd à 
payer pour son utilisation.
Aujourd’hui, « dire la vérité face au pouvoir » est devenu un 
incantation magique de résistance populaire dans les cercles et les 
sociétés néolibérales. En Palestine, cependant, pour les occupés et les 
opprimés, c’est un chemin absolument sûr vers la prison ou la mort. 
Pourtant, pour des générations de Palestiniens dépouillés du moindre 
souffle d’air pouvant évoquer un sentiment de liberté, l’histoire 
enseigne qu’il n’y a tout simplement aucun autre choix.
Le silence est une capitulation. Se taire, c’est trahir tous ceux qui sont venus avant et tous ceux qui viendront après.
Pour ceux qui n’ont jamais ressenti le joug constant de l’oppression,
 ni l’ont vu de près, c’est une vision au-delà de la raison. 
L’occupation est lourde pour l’occupé, chaque jour, de toutes les 
manières, en limitant ce que vous êtes et ce que vous pouvez oser 
devenir.
La présence constante des barrages militaires, des armes à feu, des 
ordres, de la prison et de la mort sont des compagnons de voyage pour 
les occupés, que ce soit des nourrissons, des adolescents au printemps 
de la vie, des personnes âgées ou ceux piégés dans des limites 
artificielles de frontières sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle.
Aux familles des deux policiers druzes israéliens qui ont perdu la 
vie en essayant de contrôler un lieu qui ne leur appartenait pas, je 
transmets mes condoléances. Ces jeunes hommes, cependant, n’ont pas été 
perdus pour le bien d’une « résistance », mais volontairement sacrifiés 
pour une vicieuse occupation qui n’a aucune légitimité.
En fin de compte, s’il y a un deuil, ce doit être pour les 11 
millions d’occupés, en Palestine ou à l’extérieur, en tant que réfugiés 
apatrides, dépouillés d’une voix et de la moindre chance dans la vie, 
alors que le monde présente des excuses motivées en grande partie par 
les paquets cadeaux en retour qui portent l’étoile de David.
Il n’y a pas un jour sans que la gargouille sioniste ne surplombe un 
nourrisson palestinien enveloppé dans un linceul funèbre, privé de vie 
parce que l’électricité ou la liberté de mouvement sont devenus un 
privilège pervers qui soumet des millions d’otages aux caprices 
politiques de quelques-uns. Qu’ils soient israéliens, égyptiens, ou 
qu’il s’agisse de ceux qui osent se prétendre la direction politique 
palestinienne, la responsabilité des infanticides à Gaza est la leur, et
 à eux seuls.
« S’il n’y a pas de lutte, il n’y a pas de progrès »
Les trois jeunes hommes, cousins, qui ont volontairement sacrifié 
leur vie dans l’attaque contre les deux officiers israéliens à 
Jérusalem, ne l’ont pas fait comme un geste sans signification né du 
désespoir, mais plutôt comme une déclaration personnelle de leur fierté 
nationale, dans la lignée de beaucoup d’autres qui avaient compris que 
le prix de la liberté peut parfois signifier tout perdre.
Pendant 70 ans, il n’y a pas eu un jour sans la mort de jeunes femmes
 et hommes palestiniens qui, tragiquement, ont trouvé plus de dignité et
 de liberté dans le martyre que dans une vie soumise et passive 
contrôlée par ceux qui ont osé définir les paramètres de ce que serait 
leur vie.
Des millions d’entre nous dans le monde entier rêvons d’un meilleur 
temps et d’un meilleur lieu pour les Palestiniens … [pour qu’ils soient]
 libres de déployer leurs ailes, de se lever, de découvrir qui ils sont 
et ce qu’ils souhaitent devenir. Jusque-là, je ne pleurerai pas la perte
 de ceux qui arrêtent leur vol. Au lieu de cela, j’applaudis ceux qui 
osent lutter, osent gagner par tous les moyens nécessaires.
Il n’y a pas de magie à la résistance et à la lutte. Celles-ci 
transcendent le temps et le lieu et tirent leur sens et leur ardeur dans
 l’inclinaison naturelle qui nous conduit tous à vouloir être libres – 
libres de déterminer le déroulement de nos propres vies.
En Palestine, il n’existe pas une telle liberté. En Palestine, le 
droit international reconnaît les droits fondamentaux à 
l’autodétermination, à la liberté et à l’indépendance des occupés. En 
Palestine, cela inclut le droit à la lutte armée, si nécessaire.
Il y a longtemps, le célèbre abolitionniste Frederick Douglass, 
lui-même ancien esclave, écrivait sur ce qu’est la lutte. Ces mots ne 
résonnent pas moins aujourd’hui, en Palestine, qu’ils ne l’ont fait il y
 a 150 ans au cœur des plantations du sud des États-Unis :
« S’il n’y a pas de lutte, il n’y a pas de progrès. Ceux qui 
professent vouloir la liberté, et pourtant critiquent l’action, sont des
 hommes qui veulent des récoltes sans labourer le sol. Ils veulent de la
 pluie sans tonnerre et sans foudre. Ils veulent l’océan sans la peur du
 rugissement de ses eaux immenses. Cette lutte peut être morale, ou elle
 peut être physique, ou être à la fois morale et physique, mais elle 
doit être une lutte. Le pouvoir ne concède rien sans une exigence. Il ne
 l’a jamais fait et ne le fera jamais. »
 * Stanley L Cohen est un avocat et militant des droits de l’homme, spécialisé sur le Moyen-Orient et l’Afrique.
Article du même auteur.
20 juillet 2017 – Al Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah 
 
 
 
 
 
 

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