Il est temps pour Israël d’accepter le fait suivant : en tant que
peuple occupé, les Palestiniens ont le droit de résister – de toutes les
manières possibles.
Il y a longtemps de cela, il avait été convenu que la résistance et
même la lutte armée contre une force d’occupation coloniale n’étaient
pas seulement reconnues par le droit international, mais précisément
approuvées.
Conformément au droit international humanitaire, les guerres de
libération nationale ont été expressément reconnues en tant que telles
par l’adoption du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949, en tant que droit protégé et essentiel des peuples occupées à travers le monde.
Dans une évolution pleine de vitalité dans le droit humanitaire, il y
a des décennies, l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGA) – une
fois présentée comme la conscience collective du monde – a noté le droit
des peuples à l’autodétermination, à l’indépendance et aux droits de
l’homme.
En effet, dès 1974, la résolution 3314 de l’Assemblée Générale des Nations Unies [AGNU] a interdit aux États-membres « toute occupation militaire, même temporaire ».
Dans la partie la plus lourde de signification, la résolution a non
seulement affirmé le droit « à l’autodétermination, à la liberté et à
l’indépendance […] des peuples privés de ce droit, […] en particulier
les peuples sous régimes coloniaux et racistes ou autres formes de
domination étrangère », mais a noté le droit des peuples occupés « à
lutter … et à chercher et obtenir un soutien » dans cet effort.
Le terme « lutte armée » a été intégré dans cette résolution sans
définition précise, comme beaucoup d’autres qui ont précédé et qui ont
maintenu le droit des populations indigènes à expulser un occupant.
Cette imprécision devait disparaître le 3 décembre 1982. Ce jour-là,
la résolution 37/43 de l’Assemblée générale des Nations Unies a supprimé
tout doute ou débat sur le droit légal des peuples occupés à résister
aux forces d’occupation par tous les moyens reconnus. La résolution
réaffirma « la légitimité de la lutte des peuples pour l’indépendance,
l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la libération de la
domination coloniale et étrangère, par tous les moyens disponibles, y
compris la lutte armée ».
Israël se berce d’illusions
Bien qu’Israël ait tenté, à maintes reprises, de faire supprimer le
sens dépourvu d’ambiguïté de cette résolution précise – et de placer
ainsi son occupation d’un demi-siècle en Cisjordanie et à Gaza au-delà
de son champ application – c’est un effort voué à l’échec et une
illusion si on s’en tient au vocabulaire exigeant de la déclaration
elle-même.
Dans la partie la plus significative, l’article 21 de la résolution
condamne fermement « les activités expansionnistes d’Israël au
Moyen-Orient et le bombardement permanent des civils palestiniens, qui
constituent un obstacle sérieux à la réalisation de l’autodétermination
et de l’indépendance du peuple palestinien ».
N’hésitant jamais à réécrire l’histoire, et cela bien avant la
création des Nations Unies, les sionistes européens se considéraient
comme un peuple sous occupation tandis qu’ils émigraient en Palestine.
En effet, 50 ans avant que l’ONU ne parle du droit à la lutte armée
comme moyen de libération des peuples indigènes, les sionistes européens
se sont attribués frauduleusement le même concept alors que l’Irgun,
Lehi et d’autres groupes terroristes imposaient toute une décennie de
chaos mortel.
Au cours de cette période, ils ont massacré non seulement des
milliers de Palestiniens indigènes, mais ils se sont attaqués aussi à la
police et au personnel militaire britanniques qui avaient longtemps
maintenu une présence coloniale sur place.
Une histoire des attaques sionistes
Peut-être, alors que les Israéliens s’assoient pour pleurer la perte
de deux de leurs soldats qui ont été abattus la semaine dernière à
Jérusalem – dans ce que beaucoup considèrent comme un acte de résistance
légitime – un retour d’un minimum de mémoire pourrait simplement
replacer les événements dans leur contexte historique.
Il y a longtemps, traitant les Britanniques de force d’occupation dans « leur patrie », les sionistes ont ciblé la police britannique et les unités militaires sans la moindre pitié dans toute la Palestine et ailleurs.
Le 12 avril 1938, l’Irgun a assassiné deux policiers britanniques
dans un attentat à la bombe dans un train à Haïfa. Le 26 août 1939, deux
officiers britanniques ont été tués par une mine placée par Irgun à
Jérusalem. Le 14 février 1944, deux agents de police britanniques ont
été abattus lorsqu’ils ont tenté d’arrêter des gens qui avaient collé
des affiches sur les murs de la ville d’Haïfa. Le 27 septembre 1944,
plus de 100 membres de l’Irgun ont attaqué quatre postes de police
britanniques, blessant des centaines d’officiers. Deux jours plus tard,
un agent de police britannique de haut rang du Service du renseignement a
été assassiné à Jérusalem.
Le 1er novembre 1945, un autre policier a été tué alors que cinq
trains ont été l’objet d’attaques à la bombe. Le 27 décembre 1945, sept
officiers britanniques ont perdu la vie dans une attaque à la bombe au
siège de la police à Jérusalem. Entre le 9 et le 13 novembre 1946, les
membres juifs « souterrains » ont lancé une série d’attentats à la bombe
et aux mines antipersonnel dans les gares ferroviaires, dans
les trains et les tramways, tuant 11 soldats et policiers britanniques
et huit soldats arabes.
Quatre autres officiers ont été assassinés lors d’une autre attaque
sur un quartier général de la police le 12 janvier 1947. Neuf mois plus
tard, quatre policiers britanniques ont été assassinés lors d’une
attaque de banque commise par l’Irgun et, trois jours plus tard, le 26
septembre 1947, 13 autres agents étaient tués dans une autre attaque
terroriste sur un poste de police britannique.
Ce ne sont que quelques-unes des nombreuses attaques dirigées par des
terroristes sionistes contre la police britannique, considérés par la
plupart des Juifs européens comme des cibles légitimes d’une campagne
qu’ils ont qualifiée de « libération » contre une force d’occupation.
Tout au long de cette période, les terroristes juifs ont également
entrepris d’innombrables attaques qui n’ont épargné aucune partie de
l’infrastructure britannique et palestinienne. Ils ont frappé les
installations militaires et policières britanniques, les bureaux du
gouvernement et les navires, souvent avec des bombes. Ils ont également
saboté les chemins de fer, les ponts et les installations pétrolières.
Des dizaines de cibles économiques ont été attaquées, dont 20 trains
endommagés ou faits dérailler, et cinq stations ferroviaires. De
nombreuses attaques ont été menées contre l’industrie pétrolière, dont
une, en mars 1947, sur une raffinerie de la Shell à Haifa qui a détruit
quelque 16 000 tonnes de pétrole.
Des terroristes sionistes ont tué des soldats britanniques dans toute
la Palestine, en utilisant tout type de pièges, des embuscades, des
tireurs d’élite et des véhicules bourrés d’explosifs.
Une attaque, en particulier, résume le terrorisme de ceux qui – sans
aucun support dans le droit international – n’ont vu aucune limitation à
leurs efforts pour « libérer » un terrain sur lequel ils avaient en
grande partie récemment émigré.
En 1947, l’Irgun a enlevé deux sous-officiers du Corps d’intelligence
de l’armée britannique et menacé de les pendre si la condamnation à
mort de trois de ses membres était maintenus. Lorsque les trois membres
de l’Irgun ont été exécutés par pendaison, les deux sergents
britanniques ont été pendus en représailles, et leurs corps remplis
d’explosifs ont été laissés dans un bosquet d’eucalyptus.
En annonçant leur exécution, l’Irgun a déclaré que les deux soldats
britanniques avaient été pendus après leur condamnation pour « activités
criminelles anti-hébraïques » qui comprenaient : l’entrée illégale dans
la patrie hébraïque et l’appartenance à une organisation terroriste
criminelle britannique – connue sous le nom d’armée d’occupation – qui
était « responsable de la torture, du meurtre, de la déportation et du
refus du droit à la vie pour le peuple hébreu ». Les soldats ont
également été accusés de possession illégale d’armes, d’espionnage
anti-juif en civil et de projets hostiles prémédités contre les forces clandestines.
Bien au-delà des limites territoriales de la Palestine, à la fin des
années 1946-1947, une campagne continue de terrorisme a visé les
Britanniques. Des actes de sabotage ont été effectués sur les routes de
transport militaires britanniques en Allemagne. Le Lehi a également
essayé, sans succès, de lancer une bombe sur la Chambre des communes à
partir d’un avion affrété en provenance de France et, en octobre 1946,
il a attaqué à la bombe l’ambassade britannique à Rome.
Un certain nombre d’autres engins explosifs ont été désamorcés dans
et autour des cibles stratégiques à Londres. Quelque 21 lettres piégées
ont été adressées, à plusieurs reprises, à des personnalités politiques
britanniques de premier plan. Beaucoup de ces missives ont été
interceptées, tandis que d’autres ont atteint leurs destinataires mais
en étant identifiées comme tel avant qu’elles n’explosent.
Le prix élevé de l’autodétermination
L’autodétermination est une voie difficile et coûteuse pour les
occupés. En Palestine, quelle que soit l’arme choisie – qu’il s’agisse
de la parole, du stylo ou de l’arme à feu – il y a un prix très lourd à
payer pour son utilisation.
Aujourd’hui, « dire la vérité face au pouvoir » est devenu un
incantation magique de résistance populaire dans les cercles et les
sociétés néolibérales. En Palestine, cependant, pour les occupés et les
opprimés, c’est un chemin absolument sûr vers la prison ou la mort.
Pourtant, pour des générations de Palestiniens dépouillés du moindre
souffle d’air pouvant évoquer un sentiment de liberté, l’histoire
enseigne qu’il n’y a tout simplement aucun autre choix.
Le silence est une capitulation. Se taire, c’est trahir tous ceux qui sont venus avant et tous ceux qui viendront après.
Pour ceux qui n’ont jamais ressenti le joug constant de l’oppression,
ni l’ont vu de près, c’est une vision au-delà de la raison.
L’occupation est lourde pour l’occupé, chaque jour, de toutes les
manières, en limitant ce que vous êtes et ce que vous pouvez oser
devenir.
La présence constante des barrages militaires, des armes à feu, des
ordres, de la prison et de la mort sont des compagnons de voyage pour
les occupés, que ce soit des nourrissons, des adolescents au printemps
de la vie, des personnes âgées ou ceux piégés dans des limites
artificielles de frontières sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle.
Aux familles des deux policiers druzes israéliens qui ont perdu la
vie en essayant de contrôler un lieu qui ne leur appartenait pas, je
transmets mes condoléances. Ces jeunes hommes, cependant, n’ont pas été
perdus pour le bien d’une « résistance », mais volontairement sacrifiés
pour une vicieuse occupation qui n’a aucune légitimité.
En fin de compte, s’il y a un deuil, ce doit être pour les 11
millions d’occupés, en Palestine ou à l’extérieur, en tant que réfugiés
apatrides, dépouillés d’une voix et de la moindre chance dans la vie,
alors que le monde présente des excuses motivées en grande partie par
les paquets cadeaux en retour qui portent l’étoile de David.
Il n’y a pas un jour sans que la gargouille sioniste ne surplombe un
nourrisson palestinien enveloppé dans un linceul funèbre, privé de vie
parce que l’électricité ou la liberté de mouvement sont devenus un
privilège pervers qui soumet des millions d’otages aux caprices
politiques de quelques-uns. Qu’ils soient israéliens, égyptiens, ou
qu’il s’agisse de ceux qui osent se prétendre la direction politique
palestinienne, la responsabilité des infanticides à Gaza est la leur, et
à eux seuls.
« S’il n’y a pas de lutte, il n’y a pas de progrès »
Les trois jeunes hommes, cousins, qui ont volontairement sacrifié
leur vie dans l’attaque contre les deux officiers israéliens à
Jérusalem, ne l’ont pas fait comme un geste sans signification né du
désespoir, mais plutôt comme une déclaration personnelle de leur fierté
nationale, dans la lignée de beaucoup d’autres qui avaient compris que
le prix de la liberté peut parfois signifier tout perdre.
Pendant 70 ans, il n’y a pas eu un jour sans la mort de jeunes femmes
et hommes palestiniens qui, tragiquement, ont trouvé plus de dignité et
de liberté dans le martyre que dans une vie soumise et passive
contrôlée par ceux qui ont osé définir les paramètres de ce que serait
leur vie.
Des millions d’entre nous dans le monde entier rêvons d’un meilleur
temps et d’un meilleur lieu pour les Palestiniens … [pour qu’ils soient]
libres de déployer leurs ailes, de se lever, de découvrir qui ils sont
et ce qu’ils souhaitent devenir. Jusque-là, je ne pleurerai pas la perte
de ceux qui arrêtent leur vol. Au lieu de cela, j’applaudis ceux qui
osent lutter, osent gagner par tous les moyens nécessaires.
Il n’y a pas de magie à la résistance et à la lutte. Celles-ci
transcendent le temps et le lieu et tirent leur sens et leur ardeur dans
l’inclinaison naturelle qui nous conduit tous à vouloir être libres –
libres de déterminer le déroulement de nos propres vies.
En Palestine, il n’existe pas une telle liberté. En Palestine, le
droit international reconnaît les droits fondamentaux à
l’autodétermination, à la liberté et à l’indépendance des occupés. En
Palestine, cela inclut le droit à la lutte armée, si nécessaire.
Il y a longtemps, le célèbre abolitionniste Frederick Douglass,
lui-même ancien esclave, écrivait sur ce qu’est la lutte. Ces mots ne
résonnent pas moins aujourd’hui, en Palestine, qu’ils ne l’ont fait il y
a 150 ans au cœur des plantations du sud des États-Unis :
« S’il n’y a pas de lutte, il n’y a pas de progrès. Ceux qui
professent vouloir la liberté, et pourtant critiquent l’action, sont des
hommes qui veulent des récoltes sans labourer le sol. Ils veulent de la
pluie sans tonnerre et sans foudre. Ils veulent l’océan sans la peur du
rugissement de ses eaux immenses. Cette lutte peut être morale, ou elle
peut être physique, ou être à la fois morale et physique, mais elle
doit être une lutte. Le pouvoir ne concède rien sans une exigence. Il ne
l’a jamais fait et ne le fera jamais. »
* Stanley L Cohen est un avocat et militant des droits de l’homme, spécialisé sur le Moyen-Orient et l’Afrique.
Article du même auteur.
20 juillet 2017 – Al Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
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