Le drapeau tricolore ornant conserves et produits alimentaires dissimule
souvent d'autres provenances. Mais les États généraux de l'alimentation
ignorent cette pratique.
Tout en déployant de plus en plus de cartes tricolores et de « made in
France » sur leurs emballages et dans leurs gondoles, les super et
hypermarchés, tout comme les industriels de la bouffe, rivalisent
d’astuce pour dissimuler les tromperies sur les produits proposés aux
consommateurs. Il s'agit pourtant un délit puni par la loi sur la
consommation du 1er août 1905 (modifiée en 1993), qui prévoit de grosses amendes voire de la prison pour toute tromperie «
sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la
composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ».
Comme le diable se cache toujours dans les détails, le consommateur
qui veut comprendre doit chercher, sur les emballages, les étiquettes
rédigées en lettres minuscules, souvent en orange sur un fond rouge,
pour découvrir la réalité de ce « made in France ». La première méfiance
commence avec les mentions, en bien plus gros caractères, « Cuisiné en France », « Fabriqué en France » ou « Élaboré en France ».
Ces indications (légales !) ne signalent que le lieu d’installation de
l’usine, mais permettent de dissimuler que les produits composant le
plat cuisiné, les gâteaux ou la conserve sont tous ou partiellement de
provenances plus ou moins lointaines.
Comme ce « cassoulet toulousain » de Carrefour sur la boîte duquel,
avec d’excellentes lunettes ou une loupe, il est possible de déchiffrer « porcs origine UE » complété par la mystérieuse formule « et autres ingrédients de diverses origines ». Une formulation aussi hypocrite que celle du « Parmentier de canard » Tino qui, loin de la proclamation « cuisiné dans le Sud-Ouest » indique que la viande provient de « divers pays de l’UE ».
Sans autres précisions. Tant pis pour ceux qui ne devineront pas que
cela signifie qu’elle est originaire de l’un ou de plusieurs des 28 pays
de l’Union européenne. Même imprécision pour la « terrine de canard au
poivre vert » de la marque de distributeur de Carrefour.
L'indication géographique protégée est une farce
Les obligations légales de l’« indication géographique protégée »
(IGP), garantissant (théoriquement) la provenance d’une région, sont
souvent détournées selon le même principe puisqu’il suffit qu’un jambon
soit salé dans la région de Bayonne pour que le porc d’origine provenant
des élevages industriels de Bretagne soit « naturalisé » bayonnais. Le
même procédé détourne la provenance de la viande de salaison de Lyon ou
plus systématiquement encore les charcuteries corses. Bien entendu, ces
détournements pénalisent les ateliers artisanaux et les paysans qui
voient les produits industriels mal identifiés supplanter les rares
élevages de qualité, sans que le consommateur en soit conscient. Qui,
autre exemple, peut savoir que seul un camembert DE Normandie est
authentique et au lait cru alors que la mention « fabriqué en Normandie »
n’offre aucune garantie et peut avoir été élaboré avec du lait en
poudre venu de n’importe où ?
Mystérieux ingrédients
Les madeleines pur beurre de la marque de distributeur Auchan
arborent un drapeau tricolore mais un astérisque discret renvoie à la
mention « produit fabriqué à partir d’ingrédients d’origine France et hors de France ».
Le consommateur, comme pour d’autres aliments, n’en saura pas plus.
Comme pour les haricots lingots aux saucisses de Toulouse de marque
Larnaudie, dont la viande, qui représente 18 % du poids total (autre
tromperie), est signalée comme « origine UE ». Aussi trompeur que des
escargots de Bourgogne dont on découvre en caractères minuscules qu’il
s’agit de Helix lucorum dont le consommateur ignorera en général qu’il s’agit d’un gastéropode que l’on ne trouve qu’en Turquie et en Bulgarie…
Avertissement de l'association Foodwatch
Dans un communiqué publié il y a quelques jours, l’association
Foodwatch a épinglé quelques-unes de ces arnaques classiques en
signalant que les cornichons Charles Christ « conditionnés dans le Loir-et-Cher et cueillis à la main » venaient en fait d’Inde.
De gondole en gondole, en examinant les produits estampillés France,
souvent avec un drapeau tricolore, on découvre que des centaines de
boîtes et d’emballages trompent les consommateurs. Mais il ne semble pas
que les États généraux de l’alimentation, qui ont commencé la semaine
dernière et se prolongeront jusqu’à la fin de l’année, aient prévu de
mettre de l’ordre dans les procédés et les étiquettes. Elles semblent
simplement s’intéresser aux moyens d’organiser les rapports entre les
grandes coopératives agricoles, la grande distribution et les
industriels de l’alimentation. Lesquels s’alarment de voir un nombre
grandissant de consommateurs se passer de leurs intermédiaires et en
accusent un étiquetage trop contraignant !
PS : Et le long des routes des vacances, il faut aussi se méfier des
étals de fruits et de légumes « en direct de la ferme » qui proviennent
en fait des marchés de gros et des importations. Un chapeau de paille ne
suffit pas à faire le paysan… mais permet d’exploiter des vendeurs qui
n’ont pas le choix.
politis.fr

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