De Tanis ou Thèbes à Versailles, l’histoire balbutie.
Balayé Jupiter.
Rarement discours présidentiel devant la représentation nationale avait
à ce point tenu des oripeaux de l’antique. Et ce qui se voulait être le
discours sur l’état de l’union de Pharaon a plus ressemblé aux
prophéties du grand-prêtre adressées à ses fidèles, à coups de jugements
lapidaires, menaces et autres mises à l’index. La puissance du règne de
Pharaon et l’ésotérisme au service de sa réalisation matérielle :
Tout-en-Macron.
Qui a écouté le discours de M. Macron l’a entendu s’adresser
exclusivement aux parlementaires issus de ses rangs. Ignorée la
représentation nationale, M.Macron ne s’est adressé qu’aux siens comme
si une partie était le tout. Ce choix n’est pas fortuit et participe
d’une stratégie de soumission de l’Assemblée en lui imposant une
homogénéité qu’elle n’a pas. À son corps défendant, il a en cela validé
le choix de celles et ceux qui ont préféré laisser la chaise vide plutôt
que d’être phagocyté en direct et in situ.
Mais le message va plus loin : en s’adressant exclusivement aux
parlementaires de La République en marche ! comme s’ils représentaient
l’Assemblée toute entière, M. Macron a nié la diversité du Parlement et
ce faisant le peuple lui-même. La contestation ne saurait être autorisée
quand il s’agit d’ingérer l’ensemble de l’existant. M. Macron a même
osé aller plus loin : il veut extirper la conflictualité qui crée la
conscience en chaque individu pour le rendre servile et soumis,
identifiant en l’individu « complexe » une source de danger : « les forces adverses continuent d’être puissantes, dans les têtes. En chacun de nous, il y a un cynique qui sommeille ». Chez macron, c’est la pensée même des individus qui doit être dirigée. Pharaon a cédé l’autel au grand-prêtre.
Mais l’exercice du pouvoir temporel n’était jamais loin, fait
d’injonctions et de menaces : après l’appel vendredi du porte-parole du
gouvernement Christophe Castaner à « ne pas chercher à affaiblir » la
ministre du travail, c’était aujourd’hui au tour de M. Macron de jeter
déjà un voilà pudique sur la notion de probité, appelant à « changer
d’état d’esprit » et faire cesser la chasse aux corrompus. La
République exemplaire se soustrait aux yeux des témoins…
Quant au projets de Pharaon, le nouveau consiste en retrouver la
pureté supposée de l’ancien : le CESE ? revenir à ses fondements.
L’Union européenne ? Revenir à l’esprit des pères fondateurs. Nouvelle
politique et vieilles idées dépoussiérées, comme si la perversion réelle
ou supposée apparue en cours de route n’était pas contenue dans l’objet
initial. L’idéalisme est une pensée à oeillères…
Pareil révisionnisme historique est aussi à l’oeuvre quand M. Macron
s’aventure dans une lecture de la Grande Révolution. Faisant resurgir un
conflit dichotomique entre Jacobins-Girondins, il le tranche
abruptement sans chercher à unifier le pays. Sa tâche n’apparaît que
trop : chercher à déconstruire l’histoire révolutionnaire de notre pays
et trancher à rebours de ce qu’ a été la suite de l’histoire. Il faut
dire que la pensée jacobine ayant été le berceau de la recherche de
l’articulation entre la souveraineté populaire et la représentativité
démocratique, on comprend que M. Macron s’en méfie.
Pharaon n’est pas digne des mortels et, à défaut de pouvoir supporter
une interview le 14 juillet qui supposerait la contradiction, il
préfère déclamer en solo.
Chacun-e aura noté que la retransmission
télévisée sur la chaîne du service public s’est interrompue sitôt le
discours du maître prononcé, faisant fi des commentaires des groupes
représentés, ou pour le dire plus simplement, ramenant ceux-ci au rang
de faire valoir du monarque. Les apparitions de Pharaon ont ces codes
que le Grand-Prêtre organise : au XXIème siècle, c’est Tout-en-Macron.
François Cocq
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