mercredi 5 juillet 2017

Pharaon et grand-prêtre : Tout-en-Macron

Françoiq Cocq         

De Tanis ou Thèbes à Versailles, l’histoire balbutie.

Balayé Jupiter. Rarement discours présidentiel devant la représentation nationale avait à ce point tenu des oripeaux de l’antique. Et ce qui se voulait être le discours sur l’état de l’union de Pharaon a plus ressemblé aux prophéties du grand-prêtre adressées à ses fidèles, à coups de jugements lapidaires, menaces et autres mises à l’index. La puissance du règne de Pharaon et l’ésotérisme au service de sa réalisation matérielle : Tout-en-Macron.
Qui a écouté le discours de M. Macron l’a entendu s’adresser exclusivement aux parlementaires issus de ses rangs. Ignorée la représentation nationale, M.Macron ne s’est adressé qu’aux siens comme si une partie était le tout. Ce choix n’est pas fortuit et participe d’une stratégie de soumission de l’Assemblée en lui imposant une homogénéité qu’elle n’a pas. À son corps défendant, il a en cela validé le choix de celles et ceux qui ont préféré laisser la chaise vide plutôt que d’être phagocyté en direct et in situ.
Mais le message va plus loin : en s’adressant exclusivement aux parlementaires de La République en marche ! comme s’ils représentaient l’Assemblée toute entière, M. Macron a nié la diversité du Parlement et ce faisant le peuple lui-même. La contestation ne saurait être autorisée quand il s’agit d’ingérer l’ensemble de l’existant. M. Macron a même osé aller plus loin : il veut extirper la conflictualité qui crée la conscience en chaque individu pour le rendre servile et soumis, identifiant en l’individu « complexe » une source de danger : « les forces adverses continuent d’être puissantes, dans les têtes. En chacun de nous, il y a un cynique qui sommeille ». Chez macron, c’est la pensée même des individus qui doit être dirigée. Pharaon a cédé l’autel au grand-prêtre.
Mais l’exercice du pouvoir temporel n’était jamais loin, fait d’injonctions et de menaces : après l’appel vendredi du porte-parole du gouvernement Christophe Castaner à « ne pas chercher à affaiblir » la ministre du travail, c’était aujourd’hui au tour de M. Macron de jeter déjà un voilà pudique sur la notion de probité, appelant à « changer d’état d’esprit » et faire cesser la chasse aux corrompus.  La République exemplaire se soustrait aux yeux des témoins…
Quant au projets de Pharaon, le nouveau consiste en retrouver la pureté supposée de l’ancien : le CESE ? revenir à ses fondements. L’Union européenne ? Revenir à l’esprit des pères fondateurs. Nouvelle politique et vieilles idées dépoussiérées, comme si la perversion réelle ou supposée apparue en cours de route n’était pas contenue dans l’objet initial. L’idéalisme est une pensée à oeillères…
Pareil révisionnisme historique est aussi à l’oeuvre quand M. Macron s’aventure dans une lecture de la Grande Révolution. Faisant resurgir un conflit dichotomique entre Jacobins-Girondins, il le tranche abruptement sans chercher à unifier le pays. Sa tâche n’apparaît que trop : chercher à déconstruire l’histoire révolutionnaire de notre pays et trancher à rebours de ce qu’ a été la suite de l’histoire. Il faut dire que la pensée jacobine ayant été le berceau de la recherche de l’articulation entre la souveraineté populaire et la représentativité démocratique, on comprend que M. Macron s’en méfie.
Pharaon n’est pas digne des mortels et, à défaut de pouvoir supporter une interview le 14 juillet qui supposerait la contradiction, il préfère déclamer en solo.

Chacun-e aura noté que la retransmission télévisée sur la chaîne du service public s’est interrompue sitôt le discours du maître prononcé, faisant fi des commentaires des groupes représentés, ou pour le dire plus simplement, ramenant ceux-ci au rang de faire valoir du monarque. Les apparitions de Pharaon ont ces codes que le Grand-Prêtre organise : au XXIème siècle, c’est Tout-en-Macron.

François Cocq

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