Ramzy Baroud
Israël, qui a joué un rôle précaire dans la guerre syrienne depuis
2011, est furieux de découvrir que le conflit ne tourne pas comme il
voudrait.
La guerre syrienne de six ans passe à une nouvelle étape, peut-être
la dernière. Le régime syrien consolide son emprise sur la plupart des
zones urbanisées, tandis que l’État islamique (EI) perd rapidement du
terrain – et partout.
Les zones évacuées par le groupe militant rapidement disloqué sont à
investir. Il y a de nombreuses régions très contestées voulues par le
gouvernement de Bashar al-Assad à Damas et par ses alliés d’une part, et
par les divers groupes d’opposition anti-Assad et leurs partisans,
d’autre part.
Avec l’EI en grande partie vaincu en Irak – avec un taux de victimes
extrêmement élevé de 40 000 tués rien que dans Mossoul – les parties
belligérantes se déplacent vers l’ouest. Les milices chiites, revigorées
par la victoire irakienne, ont poussé vers l’ouest jusqu’à la frontière
entre l’Irak et la Syrie, s’unissant avec des forces loyales au
gouvernement syrien de l’autre côté de la frontière.
Parallèlement, les premiers pas d’un cessez-le-feu permanent portent
leurs fruits, si l’on fait la comparaison avec de nombreuses tentatives
mise sen échec dans le passé.
Suite à un accord de cessez-le-feu entre les États-Unis et la Russie
le 7 juillet lors de la réunion du G-20 à Hambourg en Allemagne, trois
provinces du sud-ouest de la Syrie – bordant la Jordanie et les Hauts du
Golan occupés par Israël – sont maintenant relativement calmes.
L’accord sera probablement étendu ailleurs.
Le gouvernement israélien a clairement fait savoir aux États-Unis
qu’il n’est pas content de l’accord, et le Premier ministre israélien,
Benjamin Netanyahu, a fait son maximum pour saboter le cessez-le-feu.
Les pires craintes de Netanyahou sont peut-être en train de se
concrétiser : une solution politique en Syrie qui permettrait une
présence permanente de l’Iran et du Hezbollah dans le pays.
Dans les premières phases de la guerre, une telle possibilité
semblait éloignée. L’évolution de la situation dans le violent combat en
Syrie rendait la discussion tout à fait vaine.
Mais les choses ont maintenant changé.
Malgré les assurances du contraire, Israël a toujours été impliqué
dans le conflit de la Syrie. Les affirmations répétées d’Israël selon
lesquelles « il maintient une politique de non-intervention dans la
guerre civile en Syrie » ne servent qu’à tromper les médias américains
qui veulent bien l’être.
Non seulement Israël a été impliqué dans la guerre, mais il n’a eu
aucun rôle positif et n’a jamais aidé en quoi que ce soit les réfugiés
syriens.
Des centaines de milliers de Syriens ont péri dans cette guerre sans
merci. Des villes et villages en grand nombre ont été totalement
détruits et des millions de Syriens transformés en réfugiés.
Alors que le Liban, pays petit et pauvre, a accueilli plus d’un
million de réfugiés syriens, tous les pays de la région et de nombreux
pays à travers le monde ont également accueilli des réfugiés syriens.
Sauf Israël.
Même une proposition symbolique du gouvernement d’accueillir 100 orphelins syriens a finalement été abandonnée.
Cependant, la nature de la participation israélienne en Syrie
commence à changer. Le cessez-le-feu, l’influence croissante de la
Russie et la position incohérente des États-Unis ont obligé Israël à
redéfinir son rôle.
Un signe des temps ont été les fréquentes visites de Netanyahu à
Moscou, afin de défendre auprès du rusé président Vladimir Poutine les
intérêts d’Israël.
Alors que Moscou pousse ses pions avec précaution, contrairement à
Washington il ne considère pas les intérêts israéliens comme
primordiaux. Quand Israël a abattu un missile syrien à l’aide d’un autre
missile en mars dernier, l’ambassadeur israélien à Moscou a été
convoqué pour être réprimandé.
La punition d’Israël est arrivée quelques jours seulement après que
Netanyahu ait visité Moscou et « ait précisé » à Poutine qu’il voulait
« empêcher tout accord en Syrie qui laisserait ‘l’Iran et ses relais
avec une présence militaire’ en Syrie ».
Depuis le début du conflit, Israël voulait apparaître comme s’il
avait le contrôle de la situation, du moins en ce qui concerne le
conflit dans le sud-ouest de la Syrie. Il a bombardé des cibles en Syrie
comme bon lui semblait, et a maintenu des contacts réguliers avec
certains groupes d’opposition.
Dans des commentaires récents adressés à des responsables européens,
Netanyahu a admis avoir fait bombarder des convois iraniens des dizaines
de fois en Syrie.
Mais sans un plan commun israélo-américain, Israël est en train
d’apparaître comme un parti faible. Faisant très tardivement cette
constatation, Israël en est devenu de plus en plus frustré. Après des
années de lobbying, l’administration Obama a refusé de considérer les
objectifs d’Israël en Syrie comme l’élément moteur de la politique de
son gouvernement.
À défaut d’obtenir le soutien du président nouvellement élu Donald
Trump, Israël essaie maintenant de développer sa propre stratégie.
Le 18 juin, le Wall Street Journal a rapporté qu’Israël fournissait
une « aide secrète » aux rebelles syriens, sous la forme d’une « aide
financière et humanitaire ».
Le New York Times a signalé, le 20 juillet, de grandes expéditions
d’aide israélienne qui « devraient donner une« lueur d’espoir » aux
Syriens.
Inutile de dire que donner de l’espoir aux Syriens n’est pas une
priorité israélienne… Mis à part les fréquents bombardements et le refus
d’héberger des réfugiés, Israël a occupé les hauteurs du Golan syrien
en 1967 et a annexé illégalement le territoire en 1981.
L’objectif d’Israël est plutôt d’infiltrer le sud de la Syrie pour
créer une zone tampon face à l’Iran, le Hezbollah et d’autres forces qui
lui sont hostiles.
Sous l’appellation « Opération de bon voisinage », Israël s’active à
établir des liens avec divers chefs de tribus et groupes influents dans
cette région.
Pourtant, le plan israélien semble être une tentative fragile de
rattrapage, alors que la Russie et les États-Unis, en plus de leurs
alliés régionaux, semblent converger sur un accord indépendant des
objectifs d’Israël ou même de ses problèmes sécuritaires.
Les responsables israéliens sont en colère et se sentent
particulièrement trahis par Washington. Si les choses continuent à aller
dans cette direction, l’Iran pourrait bientôt avoir un chemin assuré
reliant Téhéran à Damas et à Beyrouth,
Le chef du Conseil de sécurité nationale israélien, Yaakov Amidror, a
averti lors d’une récente conférence de presse que son pays était prêt à
attaquer seul l’Iran en Syrie.
En rejetant avec véhémence le cessez-le-feu, Amidror a déclaré que
l’armée israélienne « interviendrait et détruirait toutes les tentatives
pour construire des infrastructures (iraniennes permanentes) en
Syrie ».
Les déclarations tout aussi menaçantes de Netanyahu lors de sa visite
européenne soulignent également la frustration croissante ressentie à
Tel-Aviv.
Cela contraste nettement avec les jours où les néoconservateurs à
Washington voyaient le Moyen-Orient à travers un prisme qui, en grande
partie sinon entièrement, était conforme aux volontés israéliennes.
Le célèbre document de stratégie préparé par un groupe d’étude
américain dirigé par Richard Perle en 1996 est de peu d’utilité
maintenant, car la situation régionale n’est plus façonnée par un seul
pays ou deux.
Le document intitulé « Rupture nette : une nouvelle stratégie pour
sécuriser le domaine » présentait un monde arabe hostile sous la
domination des États-Unis et d’Israël.
Un court moment, Tel Aviv a cru que Trump amènerait un quelconque changement à l’attitude américaine.
Il y a eu en effet un court moment d’euphorie en Israël lorsque
l’administration Trump a bombardé la Syrie. Mais la nature limitée de la
frappe a bien montré que les États-Unis n’avaient aucun plan pour un
déploiement militaire massif comme en Irak en 2003.
L’excitation initiale a finalement été remplacée par le cynisme
exprimé par ce titre dans le moniteur : « Netanyahu préviens Trump en ce
qui concerne la Syrie ».
En 1982, en profitant des conflits sectaires, Israël a envahi le
Liban et installé un gouvernement dirigé par ses alliés. Ces jours sont
révolus depuis longtemps.
Alors qu’Israël reste fortement militarisé, la région elle-même a changé et Israël n’est plus seul à détenir toutes les cartes.
En outre, la remise en question du leadership mondial des États-Unis
sous la présidence Trump rend le duo israélo-américain moins pertinent.
Sans alliés alternatifs assez influents pour remplir le vide, Israël
se retrouve, pour la première fois, avec des options très limitées.
Avec le retour déterminé de la Russie au Moyen-Orient et la retrait
décidé par les États-Unis, le résultat de la guerre civile en Syrie est
aujourd’hui quasi évident. Et certes, ce n’est pas la « nouvelle Syrie »
qu’Israël avait espérée.
* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest. Visitez son site personnel.
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27 juillet 2017 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah-
Chronique de Palestine
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