mardi 8 août 2017

Le nouveau projet de Netanyahu : se débarrasser des Palestiniens d’Israël

Marzuq Al-Halabi

La proposition de Netanyahu de retirer la citoyenneté à des dizaines de milliers de citoyens arabes est encore un autre coup bien étudié destiné à délier Israël de sa responsabilité quant au sort de sa population autochtone. 
L’idée d’échanges de territoires ou de population, en tant que partie d’un accord avec les Palestiniens sur le statut final, n’est pas nouvelle. Beaucoup l’ont proposée antérieurement, soit comme partie d’un effort sincère de résolution du conflit, soit comme une façon de dissimuler un transfert de population. Une nouvelle proposition présentée par le Premier Ministre Netanyahu serait de transférer les villages arabes du Wadi Ara — contigus au Nord de la Cisjordanie — à l’Autorité Palestinienne, en échange de l’annexion des colonies à Israël. Une réponse typique dans le style de Bibi à des questions politiques importantes.
L’on peut rejeter la proposition en tant que tentative faite par le premier ministre pour apaiser la population israélienne, au vu des obsèques collectives faites aux trois hommes de Umm al-Fahm (dans la région du Wadi Ara) qui ont tué, il y a deux semaines, deux policiers de la Police des Frontières à Al-Aqsa — une action, qui à leurs yeux pouvait avoir valeur de billet pour le ciel, mais qui a eu pour conséquence un cauchemar de violence, de confusion, et d’embarras. Il est possible que Netanyahu, étant donné son opposition à son ministre Tzahi Hanegbi (1), n’a pas voulu menacer les Palestiniens — même ceux d’Israël — d’une troisième Nakba, et s’est donc décidé pour la voie plus sophistiquée des échanges territoriaux, par laquelle Israël renoncera à la souveraineté sur la région du Wadi Ara (appelée aussi “ Le Triangle”), comprenant Umm al-Fahm.
L’idée de Netanyahu doit être envisagée en tant que partie de sa recherche d’un exutoire des tensions actuelles, et en tant que partie du débat public sur un accord sur le statut final et d’un éventail d’idées “créatives” qui ouvriront la voie pour sortir de l’actuel match nul stratégique entre Israël et les Palestiniens : les Juifs ne peuvent pas faire disparaître les Palestiniens, tandis que les Palestiniens ne peuvent pas revenir dans leur paradis perdu en éjectant de Palestine les croisés sionistes. J’ai tendance à la considérer comme une autre idée israélienne dont le but est de venir à bout de ce match international, sous l’angle de la réalité démographique entre le fleuve et la mer.
En fonction de l’évolution de la politique israélienne depuis l’assassinat du Premier Ministre Yitzhak Rabin en 1995, on peut établir avec certitude que les élites de droite d’Israël ne veulent pas d’une participation palestinienne supplémentaire à la vie politique israélienne. Ceci est devenu d’autant plus clair depuis qu’ils sont arrivés au pouvoir.
La Droite considère tout acte — qu’il soit politique ou juridique — qui fait allusion à une reconnaissance entière de la citoyenneté des Palestiniens ou à leur possible rôle-charnière dans la vie politique, l’identité citoyenne, la paix, et la guerre, comme une demande d’intervention pour changer l’orientation vers l’exclusion.
Beaucoup de croisades populistes de la droite contre la Cour Suprême d’Israël se sont produites dans la foulée de décisions en faveur des citoyens arabes. Même l’idée de tenir un référendum sur l’éventuel retrait israélien des territoires occupés sans poser la question aux Arabes, ou de prendre la décision à une majorité relative, est destinée à neutraliser le pouvoir politique des citoyens palestiniens d’Israël. Il en va de même pour les changements qui ont été introduits dans la Loi Fondamentale en ce qui concerne la Knesset, au sujet de qui est susceptible d’être élu au parlement, qui visent principalement les candidats ou les listes de candidats palestiniens.
L’interdiction en 2015 de la branche septentrionale du Mouvement Islamique a été un nouveau pas dans cette direction. Les provocations et l’incitation à la haine contre la population palestinienne d’Israël répondent au même objectif, comme le font les propositions de loi qui cherchent à annuler le statut de langue officielle de la langue arabe. Tous ces éléments s’ajoutent à une longue liste de lois et d’amendements au cours des dernières années qui cherchent à approfondir l’abîme entre les citoyens palestiniens et l’état.
Il est important de mentionner les mesures foncières d’Israël qui se nourrissent de la conception sioniste de rachat des terres en prenant le contrôle de la quantité maximum de terres avec le nombre minimum de Palestiniens. En fait, le retrait d’une identité israélienne démocratique et la montée d’une droite juive, agressive, a eu lieu par rapport aux Palestiniens d’Israël, en les transformant en un ennemi intérieur. Voici comment la nouvelle identité juive, dans sa forme actuelle, est en train de se construire.
Cette conception génère des forces pour que nous fassions face à la question démographique, qui trahit la motivation qui est derrière les actions de l’élite de droite. En fin de compte, les élites ne sont pas guidées par le désir d’un accord historique, ne parlons pas de malheur, avec les Palestiniens, qui ont perdu leur patrie dans un conflit avec l’entreprise sioniste, et pas même par celui d’un arrangement qui puisse diminuer les tensions et empêcher, à Dieu ne plaise, qu’il n’y ait davantage de victimes. L’élite est occupée par la question de savoir comment se débarrasser de ces mêmes autochtones sauvages, révoltés et terroristes. À partir de là, le débat public devient un éventail qui s’étend des routes séparées pour les colons juifs au transfert total, soit en passant par des couvre-feu, soit en passant par des échanges de populations et de territoires.
Toutes ces pratiques ont eu lieu entre le fleuve et la mer depuis la fin des années 1940. Ceci est le résultat inévitable du renoncement au partage du pays entre les deux peuples. Tant qu’il n’y a pas de solutions à l’horizon, celui qui contrôle ne cherchera qu’à améliorer sa position et sa domination. Les points de contrôle et les couvre-feu ne sont apparemment pas suffisants, comme nous l’avons vu à Jérusalem-Est au cours des deux dernières semaines.
Je pense que ces actes d’oppression ne sont pas un résultat de la réalité sur le terrain, mais plutôt de l’esprit de ceux qui sont les maîtres du pays.
La signification pratique du projet de Netanyahu n’est pas le transfert de territoire à un Etat palestinien, mais plutôt consiste à délier Israël de toute responsabilité quant aux droits des gens habitant là. En d’autres mots, abandonner les gens là, juste comme les Palestiniens de Gaza ont été abandonnés à leurs tortionnaires. Nous devons admettre que la proposition de Netanyahu est astucieuse, et maintenant qu’elle est étalée en public, elle peut être mise en oeuvre à l’avenir. Qu’importe si le projet sera jamais mis en oeuvre, Netanyahu et ses successeurs auront la possibilité d’exploiter ce projet jusqu’à la fin, en l’utilisant comme une menace constante, particulièrement quand nous prenons en considération comment les journalistes et les medias obéissent au doigt et à l’oeil de Netanyahu quand il s’agit des Palestiniens.
Dans tous les cas, je ne suis pas impressionné par la proposition de Netanyahu, et je la vois comme une autre étape calculée dans la tentative de la Droite d’affaiblir et annuler le statut politique des citoyens palestiniens d’Israël. Le premier ministre veut abandonner les Palestiniens à un vide territorial et gouvernemental — quelque part entre l’occupation militaire et une entité palestinienne privée de toute capacité de gouverner.

Voici comment le régime d’apartheid a créé des zones réservées aux autochtones, ou plutôt des entités isolées, trempées de sang. La structure colonialiste a toujours conduit à des idées criminelles qui ont permis au régime de s’exonérer lui-même de toute responsabilité quant au sort des indigènes.

Photo : Des membres de la Police des Frontières jettent des grenades assourdissantes sur les Palestiniens au Mont du Temple/Esplanade du Dôme du Rocher, à Jérusalem, le 27 juillet 2017 (Activestills.org)
 
Marzuq Al-Halabi est juriste, journaliste, et écrivain. Il écrit régulièrement pour "Al-Hayat". Ce message a été initialement publié en hébreu sur « Appel Local ».

(1) Tzahi Hanegbi, membre du Likud, a été nommé Ministre sans Portefeuille le 30 mai 2016.
(traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFP sur les prisonniers).

AFPS

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