mercredi 9 août 2017

Première dame, un emploi familial qui passe mal

Emmanuel et Brigitte Macron, sur les Champs-Elysées, le 14 juillet.Pierre Steinmetz et Antoine Piel       

Le Président avait promis un statut officiel pour son épouse. Un dispositif critiqué par des députés et 220 000 pétitionnaires. L’Elysée pourrait donc se rabattre sur une simple charte.

Elle aura «un rôle, un vrai statut et une capacité à faire, s’était enflammé le candidat Macron à propos de sa femme, Brigitte. Elle ne sera pas cachée, parce qu’elle partage ma vie, parce que son avis m’est important.» Le président Macron pourrait finalement renoncer à créer un statut juridique à la «première dame» et se borner à encadrer son action via une simple «charte de la transparence», a affirmé lundi soir BFM TV. Cela permettrait au chef de l’Etat de montrer aux Français - et à son épouse - qu’il a tenu sa promesse, de se démarquer des errements de l’ère Hollande. Et en même temps de couper court à la polémique. Car la pression sur l’Elysée n’a cessé de monter sur ce dossier ces derniers jours. En trois semaines près de 220 000 personnes ont signé la pétition s’opposant à la création d’un statut officiel, mise en ligne sur Change.org par Thierry Paul Valette, un homme qui se présente comme un «artiste peintre et auteur engagé» (à gauche).

Pourquoi cette pétition ?

«Dans une période de moralisation de la vie politique française, au moment du vote d’un décret interdisant aux députés d’employer un membre de leur famille […], nous ne pouvons donc décemment cautionner l’initiative d’un statut spécifique à l’épouse du président Macron», explique Thierry Paul Valette sur la plateforme. On notera qu’en mai 2016, 69 % des Français y étaient opposés, d’après un sondage Ifop publié par le magazine Point de vue. À l’Assemblée nationale, les députés n’ont pas raté le coche : lors des débats sur la loi de moralisation de la vie politique, le sujet s’est invité. Le député de La France insoumise Ugo Bernalicis a même défendu un amendement pour qu’aucun moyen ne puisse être alloué au conjoint du président dans le budget de l’Etat. «Brigitte Macron serait donc une collaboratrice. Pourtant, on va interdire aux députés d’employer leur famille, non ?» a pour sa part twitté son collègue insoumis Eric Coquerel.
Pour comprendre l’origine de la polémique, il faut revenir à avril. Sur le plateau de TF1, le candidat Emmanuel Macron affirme vouloir «clarifier» le statut du conjoint du chef de l’Etat, qui n’apparaît dans aucun texte officiel. Le leader du mouvement En marche veut «sortir d’une hypocrisie française». «Je souhaite qu’un cadre soit défini et je demanderai qu’un travail soit conduit en la matière.», déclare-t-il alors. Précisant juste qu’elle ne serait «pas rémunérée par la République».

Quid du statut faute d’un texte ?

«Puisque rien n’est écrit, tout reste à inventer. Mais je continuerai à travailler d’une façon ou d’une autre si François est élu», expliquait en 2012 à Libération la future ex-first girlfriend Valérie Trierweiler. Le rôle des conjointes des présidents a évolué en fonction de leur personnalité et des époques. Claude Pompidou, Danielle Mitterrand et Bernadette Chirac se sont beaucoup investies dans des fondations. Anne-Aymone Giscard d’Estaing et Carla Bruni-Sarkozy ont été plus discrètes.
Qu’elles disposent d’un budget propre - comme l’envisageait Emmanuel Macron - ou non, les premières dames représentent déjà un coût pour les finances publiques. Si la fonction de «première dame» n’apparaît dans aucun texte officiel, des moyens lui sont alloués. Brigitte Macron, comme ses prédécesseures, bénéficie d’un bureau, d’un cabinet ainsi que d’un service de protection. Un dispositif financé par l’Etat que la Cour des comptes évaluait en 2014 à 450 000 euros par an. La première dame doit également se plier à quelques obligations : un conseiller disposant d’une délégation de signature du président doit par exemple systématiquement l’accompagner pour régler ses achats. En 2013, Valérie Trierweiler disposait de cinq collaborateurs à l’Elysée. Total de leurs salaires nets mensuels : 19 742 euros. Loin des quelque 37 000 euros dépensés pour le staff de Carla Bruni-Sarkozy à la fin du quinquennat de son mari.
Depuis, le budget global de l’Elysée a été réduit. Sur les dents après sa rupture compliquée avec Valérie Trierweiler, François Hollande a officiellement achevé son quinquennat en célibataire, Julie Gayet n’apparaissant à l’Elysée que sur des photos volées, ne coûtant quasiment rien au contribuable (hormis pour sa sécurité). Le train de vie de la première dame a donc été revu à la baisse. Finie l’époque où deux chauffeurs étaient à la disposition de Bernadette Chirac. Brigitte Macron n’en aura qu’un. La création d’un statut - ou d’une charte - reviendrait à valider juridiquement ou à simplement graver dans le marbre des pratiques existantes.

Et dans les autres pays ?

Aux Etats-Unis, le rôle de première dame est institutionnalisé. En 1978 sous Jimmy Carter, une loi lui a attribué un staff de 12 personnes. La «Flotus» (First Lady of the United States) dispose de deux canaux de communication officiels : un site et un compte twitter. À l’inverse, en Allemagne. Joachim Sauer, le mari d’Angela Merkel, n’a aucun statut officiel. «Quand les invités viennent tous avec leurs conjoints, j’apprécie qu’il soit lui aussi à mes côtés. Mais je ne lui impose rien. Je ne fais que suggérer…» confiait la chancelière à Gala en 2009. Au Royaume-Uni, Philip May est un inconnu. Le rôle de représentation donné aux conjoints est réservé à la famille royale.

liberation.fr

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