C'est
difficile pour moi citoyen palestinien de Gaza de décrire en deux ou
trois pages la situation
actuelle dans notre région abandonnée.
Une situation catastrophique à
tous les niveaux qui s’est aggravée récemment, notamment, avec la crise
de l’électricité et ses conséquences dans tous les secteurs vitaux dans
cette région sous blocus israélien depuis
plus de dix ans.
Mais je vais essayer le plus succinctement possible
de narrer une partie de mon vécu pendant des jours et des jours où Gaza était dans le noire total.
Actuellement,
nous avons le droit à trois ou quatre
heures d’électricité par jour, c’est insuffisant, mais on n' a pas le
choix, on s’adapte avec cette situation même insupportable .
Je
ne vous cache pas que, je me demande toujours,
ainsi que tous les Palestiniens de Gaza: nous sommes nous un peuple
anormal pour supporter cette situation inacceptable et cette souffrance
qui dure et qui dure, et je me pose souvent les même questions :
pourquoi nous à Gaza ? Pourquoi le monde officiel
ne bouge-t-il pas? Et jusqu’à quand durera notre souffrance ?
Nous
avons vécu des journées terribles dans la
moitié du mois de juillet 2017, avec seulement une ou deux heures
d'électricité par jour, et quelques fois, deux ou trois jours sans
électricité et sans eau.
La
crise a commencé en avril dernier, avec la
décision israélienne de réduire la quantité d'électricité qui entre la
bande de Gaza. Nous sommes passés de huit heures à quatre heures par
jour, puis deux heures dès le début du mois de juillet.
Cette crise nous rappelle les événements tragiques
de l'été 2014 vécus par la population civile de Gaza, même sans bombardements et sans bombes.
Ce
qui aggrave notre souffrance, c'est ce silence
complice du monde officiel, la chape de silence que les médias
entretiennent, et l'indifférence totale des organisations des droits de
l'homme qui n'arrivent pas à condamner cette ignominie.
C'est
vrai, notre volonté remarquable et notre
patience extraordinaire, mais surtout notre adaptation avec ce contexte
très difficile est un aspect très positif qui nous aide à supporter
cette souffrance. Mais notre situation est de plus en plus délicate dans
la bande de Gaza, une région occultée et laissée
à son sort par une communauté internationale officielle sourde à nos
souffrances !
Pour
moi, dans ce contexte particulier, et comme deux millions de
Palestiniens, nous avons vécu des jours et des
jours très longs sans eau et sans électricité. J’essaie de faire mon
devoir, d’envoyer des nouvelles au monde francophone, je résiste par les
témoignages et le partage de notre vécu, même si difficile de répondre à
tous les messages qui proviennent de beaucoup
d'amis et de solidaires, car je tiens beaucoup à la solidarité
internationale et le soutien indéfectible de ces solidaires de bonne
volonté.
Pendant
ces jours terribles, nous étions tous
à Gaza sous pression, personnellement, je passais davantage de temps à
mon travail à l’université. Car elle dispose d’un générateur, et durant
ce temps, j’étais obligé de faire toutes les tâches de mon travail ,car
chez moi, la batterie rechargeable a besoin
de huit heures minimum par jour pour fonctionner. Mais avec deux
heures, elle tombe souvent en panne, et pour la réparer ou en acheter
une autre, qu'il faut charger, on a besoin de huit heures par jour.
Parmi
les conséquences graves de cette crise,
c’est le secteur de l’eau qui a été le plus touché. Ici tous les puits
d'eau ont besoin d'un courant électrique pour remplir nos réservoirs qui
se trouvent sur le toit de nos maisons. Pour que l'eau arrive dans les
robinets à partir des réservoirs, on a besoin
d'électricité. Le problème étant que parfois, même pendant le retour du
courant électrique, l’eau était coupée!
Il
nous est arrivé de rester plus de trois jours
sans eau, inimaginable! Dans ce cas, on était obligé d'acheter de l’eau
potable pour l’utilisation quotidienne. Auparavant, on achetait l’eau
potable pour boire, car l’eau du robinet dans tous les foyers de Gaza
n’est pas potable
On
est obligé à s'adapter avec cette nouvelle
situation, et il y a eu un changement dans les habitudes : par exemple
on achète la nourriture au jour le jour, et on ne met rien dans les
réfrigérateurs, souvent vides, on a envie de boire de l'eau fraîche
avec cette vague de chaleur......mais en vain !
On ne dort pas assez, il fait très chaud, les
ventilateurs et les climatiseurs ont besoin d’électricité pour fonctionner, tout est paralysé à Gaza.
Vous
n'imaginez pas la joie de toute la famille,
quand revient le courant électrique à n’importe quel moment du jour ou
de la nuit. À n'importe quel moment, le retour du courant est une fête,
tout le monde se réveille, soit pour faire fonctionner les appareils
électroménagers, pour charger les portables,
soit suivre les nouvelles, utiliser internet et les réseau sociaux !
Dans notre contexte d’isolement, nous voulons garder le contact avec le
monde!
Quand
le courant électrique revient, à n’importe
quel moment de la journée, le matin, le soir, à l’aube, même à 2h ou 3h
du matin, un état d’urgence est décrété chez moi: personne dans la
maison n’a le droit de me parler ou de me demander quoi que ce soit. La
priorité est d’envoyer les nouvelles de Gaza
aux amis solidaires et aux associations de soutien à la cause
palestinienne. J’ai dû laissé tomber beaucoup d’obligations familiales,
car je suis convaincu de l’importance de cette solidarité
internationale. Je veux informer sur notre quotidien ,je n’avais
pas le temps de m’occuper de mes enfants et de ma famille, ils n'osent
pas me parler quand l'électricité revient !
J'ai
de la peine pour mes enfants, les pauvres, ils ne vivent pas une vie
normale. Pas de loisir, pas de vacances,
ni de plage. La plupart des journées, ils sont dans leurs maisons ou
devant leurs immeubles pour jouer et passer le temps. Bien que leur
vacances scolaires aient commencé depuis deux mois, nous n'avons passé
aucun jour sur la plage à cause de la pollution
de la mer à Gaza.
Un aspect remarquable, est la solidarité familiale
et sociale, les voisins s'entraident énormément pour fournir de l'eau, ou recharger les lampes pour les autres.
Le
problème dans ce contexte : vous ne pouvez
rien faire devant cette injustice, notre impuissance devant de telles
souffrances, nous n’avons pas d’autre choix que de supporter et de
résister en attendant un changement.
Le sentiment de l'enfermement et de l’isolement est un sentiment terrible! Et les Palestiniens de Gaza sont les
mieux placés pour sentir ce sentiment, eux les enfermés dans leur prison à ciel ouvert depuis plusieurs années.
Le
seul responsable de notre souffrance est l’occupation
israélienne qui vise à briser la volonté remarquable et la patience
extraordinaire de cette population civile de Gaza! Une population
résistante et attachée à sa terre malgré toutes les mesures atroces de
l’occupation contre la bande de Gaza.
On
ne peut pas accuser les dirigeants palestiniens
de Gaza ou de Ramallah d’avoir un rôle de responsabilité dans cette
crise d’électricité, même si la division est une honte, car les deux
sont impuissants et leur pouvoir sous occupation est illusoire.
Notre
contexte est comme un verre où l’eau se
mélange au sel comme pour donner un sens encore à l’espérance, qui nous
rend forts comme le roc sur cette terre aux mille et une
meurtrissures.
Les Palestiniens de Gaza sont privés de liberté
sauf de leur liberté de penser. Leur seul droit est de respirer l'air souvent pollué par l'odeur des bombes de l'occupant.
En
dépit de notre vécu tragique pendant cette
période où Gaza a supporté l’insupportable, ce qui nous soulage est
cette mobilisation et cette solidarité civile et populaire partout dans
le monde avec la population de Gaza contre le blocus israélien. Nous
sommes quasiment la seule région dans le monde
en souffrance permanente; pour laquelle les solidaires organisent des
manifestations et des rassemblements de soutien, ça calme notre colère
On peut dire qu’aucun objectif israélien de cette
punition collective n' a été réalisé, notre population digne est toujours débout.
Après tout, malgré toute cette souffrance, mon
message est toujours simple : c’est un message d’espoir au cœur de la douleur.
Je
suis plus que jamais déterminé à continuer
ma résistance quotidienne dans la bande de Gaza, comme ma population
civile, à travers l’éducation et le travail avec mes jeunes pour une
ouverture sur le monde. Avec le soutien des solidaires de notre cause
juste, pour une Palestine de liberté et de paix
durable, une paix qui passera avant tout par la justice.
Ziad Medoukh

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