Claude-Marie Vadrot
Les glaciers du continent antarctique fondent désormais au rythme de 219 milliards de tonnes par an.
Depuis une dizaine d’année, les scientifiques et les climatologues
s’inquiètent en constatant le réchauffement du pôle Nord largement
supérieur à celui de la planète. Ce phénomène provoque la fonte rapide
des glaciers du Groenland, ceux du Canada et le permafrost sibérien ou
de l’Alaska. Mais une nouvelle alerte est rapportée par des équipes de
scientifiques comprenant des chercheurs de la NASA, de la France et de
l’université d’Arizona : les espaces de l’Antarctique sont à leur tour
touchés, puisqu’ils ont perdu 3 000 milliards de tonnes de glace depuis
1992. De quoi inquiéter, selon l’étude de 85 scientifiques
internationaux engagés dans cette surveillance, dont les résultats sont
publiés dans le dernier numéro de la revue anglaise Nature.
Les spécialistes ont calculé que jusqu’à 2012, le continent
antarctique perdait déjà 76 milliards de tonnes par an, mais que,
depuis, la perte annuelle avait atteint 219 milliards. Voilà la preuve
que le réchauffement de cette région – où une température maximale
inhabituelle de 17°C a été enregistrée au cours de l’été 2017 – est en
marche. Éric Rignot, l’un des responsables français de l’étude, la
commente ainsi :
Nous considérons nos résultats comme une sonnette d’alarme supplémentaire pour agir afin de ralentir le réchauffement de la planète.
Un continent glacé de 14 millions de km2
En effet, la glace accumulée sur les 14 millions de kilomètres carrés
du continent antarctique – recouvrant quasiment toutes les terres de
cette région en permanence – représente environ 90 % des glaces du
monde, soit la plus grande réserve d’eau douce terrestre. Elle provient
des chutes de neige qui s’accumulent depuis des dizaines de siècles.
Contrairement à la banquise de la zone arctique autour du pôle Nord, qui
résulte du gel de l’océan et dont la fonte, même accélérée, n’a aucune
conséquence sur le niveau des mers, la disparition des glaciers
antarctiques, ajoute donc de l’eau douce aux océans.
Conséquence : cela change la salinité de la mer et contribue
mécaniquement à l’élévation du niveau des océans. Ainsi, l’étude
explique que l’eau perdue par ce continent depuis 1992 représente une
élévation moyenne d’un centimètre du niveau des océans. Les
scientifiques expliquent que si la majeure partie de la calotte de glace
de l’Antarctique disparaissait, cela entraînerait une hausse de 60
mètres du niveau des mers.
En outre, l’addition, même progressive, d’une telle quantité d’eau
douce aurait comme conséquence de transformer les écosystèmes marins, de
faire disparaitre une partie de la nourriture des poissons et donc de
ceux qui en vivent, qu’il s’agisse des humains ou de nombreux animaux
marins ou inféodés aux milieux océaniques, oiseaux ou mammifères.
Un traité de protection fragile
Une autre perspective inquiète les scientifiques : pour l’instant, en
vertu d’un traité signé en octobre 1991 sur la protection de
l’environnement de cette région, toute autre activité que les recherches
scientifiques sont interdites. Ce qui implique clairement que toutes
les recherches et exploitations de minerais sont prohibées. Le traité a
été signé par la France, l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, le
Chili, le Japon, les États-Unis, la Norvège, le Royaume-Uni et l’Union
soviétique. La Russie a confirmé la signature de l’URSS et 24 autres
pays ont ajouté leur ratification. Mais l’exemple donné par Donald Trump
montre que rien n’est plus facile que de « sortir » d’un traité
international et nul ne sait à quelles recherches se livrent les
scientifiques présents dans les bases occupées par la Chine, la Russie
et le Japon, qu’il est très difficile de visiter et de contrôler comme
le prévoit le traité.
D’où, sur tous les points, le commentaire de l’océanographe australien Steve Rintoul, qui a rédigé l’étude :
L’avenir de l’Antarctique est lié au sort de la planète et de la société humaine. Des mesures doivent être prises maintenant pour ralentir le rythme des changements environnementaux, augmenter la résilience de l’Antarctique et réduire le risque de changements irréversibles.
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