Bernard Gensane
J’aborde aujourd’hui l’un des mots dont l’utilisation me fait sortir de mes gonds : dédier (dédié).
Il
s’agit non seulement d’un anglicisme, mais d’un faux anglicisme au sens
où les anglophones en font un usage beaucoup plus raisonné que nous.
Á
l’origine, « dédier » connote la religion. Une chapelle est dédiée à
saint Antoine de Padoue. On peut aussi dédier un objet profane : Victor
Hugo dédiait « aux
dents blanches d'Ève Tous les pommiers de [son] verger ». On peut se
dédier corps et âme à un club de sport. Et même à un blog. On peut
dédier un poème, un roman à un dédicataire.
C’est
là que sont intervenus, il y a une trentaine d’années, les neuneux des
médias. Tout fiérots, ils avaient repéré le verbe anglais « to
dedicate ». Ce verbe a deux sens : consacrer (une église) et
dédier : “ Dedicated to the One I Love ” (chanson de 1957 du groupe de
blues et gospel les “5” Royales, superbement reprises par les Mamas et les Papas dix ans plus tard).
Donc,
à cause des neuneux, finis les « consacrer », les « dévouer », les
« offrir », les « réserver », les « vouer ». La chaîne parlementaire est
dédiée aux débats. La place de parking est dédiée aux handicapés. On
peut même faire l’économie d’un complément : « les cyclistes doivent
utiliser une voie dédiée. Au bureau, ils se brancheront sur un serveur
dédié ».
Tout est bon quand il s’agit d’appauvrir la langue française.

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