jeudi 10 octobre 2024

« Allocation sociale unique » : le projet de Barnier pour attaquer brutalement les aides sociales

Joshua Cohn

Barnier veut lancer une allocation sociale unique, fusionnant des aides comme le chômage, le RSA ou les APL. Une attaque austéritaire qui permettra de réduire le montant des aides perçues et de les conditionner, préparant des coupes massives.

Jeudi dernier sur le plateau de l’Evènement, sur France 2, Michel Barnier a annoncé vouloir relancer le chantier de l’« allocation sociale unique », pour « qu’au bout de ce travail, ça paie plus de travailler que de ne pas travailler ».

Ce chantier qui, selon le Premier ministre, « va prendre un peu de temps », n’est pas nouveau et a régulièrement ressurgi ces dernières années pour faire des économies sur le dos des personnes privées d’emploi au nom d’une prétendue « simplification » administrative.

Fusionner les allocations : une marotte austéritaire depuis 2016

Dès le quinquennat de François Hollande, en 2016, le député socialiste Christophe Sirugue proposait dans un rapport remis à Manuel Valls, alors Premier ministre, la fusion de 10 dispositifs, dont le RSA, le minimum vieillesse, l’allocation de solidarité spécifique (ASS, versée à certains chômeurs en fin de droits) et l’allocation adulte handicapé (AHH).

Évoquée durant la campagne présidentielle de 2017 sous le nom de « versement social unique », la proposition avait été reprise en 2018 par Edouard Philippe qui projetait de fusionner le RSA, la prime d’activité, les APL, et l’AAH, pour 3,55 millions d’euros d’économies sur le dos des plus modestes.

Michel Barnier avait également avancé l’idée en 2021, alors qu’il était candidat à de la primaire de la droite pour la présidentielle, de regrouper le RSA, les allocations chômage et toutes les autres aides versées par les Caf et les MSA, hors minimum vieillesse et handicap. Son soutien Olivier Marleix, député LR, expliquait à l’époque que le projet était de « limiter les revenus de l’assistance, notamment avec un plafond entre le RSA et les APL » et d’imposer « au minimum à suivre une formation », voire de travailler gratuitement « dans les Ehpad, les écoles ou même les hôpitaux où l’on manque de personnels », ce qui n’est pas sans rappeler la récente réforme conditionnant le RSA à 15 heures d’activité hebdomadaires.

Si Barnier venait à reprendre les termes de son projet présidentiel, cela ouvrirait à la voie à la remise en cause de prestations qui n’avaient jusqu’à présent jamais été conditionnées, ni à des cotisations préalables, ni à une contrepartie de la part du bénéficiaire, telles que les APL dont de nombreuses familles dépendent pour se loger.

L’allocation sociale unique de Barnier : une bombe contre les plus précaires

Dans la Tribune Dimanche du 6 octobre, Michel Barnier précise son projet : l’allocation sociale unique, qui devrait épargner les allocations vieillesse et handicap, « fusionnera plusieurs prestations sociales et garantira que les personnes au travail gagnent systématiquement plus que les autres ». Pour s’assurer que les personnes privées d’emploi touchent moins que les travailleurs aux SMIC, les allocations ainsi regroupées devraient être soumises à un plafond, par exemple, « 70 % du SMIC » comme le préconise Laurent Wauquier dans ses recommandations présentées le 2 octobre dernier au nom des Républicains. Ce mécanisme consacrerait dans la loi le maintien des nombreuses personnes sans emploi sous le seuil de pauvreté, fixé par l’Insee à 1 216 euros en 2022, selon sa définition à 60% du revenu médian.

L’exemple britannique de l’ « universal credit », regroupant 5 aides préexistantes et mis en place progressivement depuis 2013, démontre les effets délétères de la fusion et de la diminution des allocations sociales au prétexte de la « simplification ». Selon une étude publiée en 2020 par le Lancet, cette réforme aurait fait augmenter le nombre de chômeurs souffrant de détresse psychologique de 6,6 % en 5 ans.

Si Barnier a annoncé qu’il entamera les discussions sur l’allocation sociale unique l’année prochaine, ses déclarations constituent un signal clair sur le futur des politiques austéritaires : alors que le gouvernement prépare une saignée austéritaire inédite pour 2025 avec 40 milliards d’euros d’économies, une telle offensive augmenterait la pression sur les personnes privées d’emploi en réduisant leurs ressources, pour les contraindre à accepter un emploi quelles que soient les conditions de travail et de rémunération. Il s’agirait d’une nouvelle attaque d’ampleur contre l’ensemble du monde du travail, pour tirer encore plus à la baisse les salaires et les conditions de travail.

Une manière de procéder à des économies d’autant plus hypocrite que, pendant que le gouvernement dramatise les enjeux de la dette, les grandes entreprises françaises ont distribué à leurs actionnaires des profits record en 2023, le tout en étant gavées d’argents publics, de subventions ou déductions d’impôts. Cette menace d’une attaque d’ampleur marque alors une nouvelle raison de s’opposer résolument au gouvernement Barnier...

... à rebours de toute illusion sur le retour du « Dialogue social » que le Premier ministre agite pour draguer les syndicats.

Révolution Permanente

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