lundi 30 novembre 2009

« Lettera Amorosa, Diotima »

Jean-Pierre Faye


Extrait
« Lettera Amorosa, Diotima » 


© Œuvre de Miguel Ocampo

Seuls demeurent
Les doigts cachés par le visage
Sous un bougé de cheveux
Ce qui demeure est l'œuvre des lèvres
Mais cela qui se passe
Si par delà la distance
Puisque nous sommes séparés
Je te suis maintenant reconnaissable
Alors dis-moi, où va t'attendre l'ami
Mais cela qui n'a plus de lieu
Dans mes doigts reprenait vie l'adolescente
Enfouie dans la beauté du monde
Un œil voila de cheveux
L'autre qui pourtant regardait
Admirable dans la colère du rire
Peau tatouée de mémoire
Signe et mnémosyne
Ce qui demeure
Est l'œuvre du poème.

© Jean-Pierre Faye

Jean-Pierre Faye, écrivain et philosophe français, né en 1925 à Paris. De 1964 à 1967, il est membre du comité de rédaction de la revue Tel Quel. Il quitte cette publication pour créer, en 1967, la revue Change avec Maurice Roche et Jacques Roubaud. Rejoint par Philippe Boyer, Jean-Claude Montel, Jean Paris, Léon Robel, Mitsou Ronat et Saul Yurkiévich, Jean-Pierre Faye (prix Renaudot en 1964 pour L'Écluse) développe le « Mouvement du change des formes », base de regroupements transversaux et de variations théoriques dont le but se comprend autour de cette formule : « La langue, en se changeant, change les choses. » En 1968, il fonde l'Union des écrivains aux côtés notamment de Bernard Pingaud et Michel Butor. Jean-Pierre Faye est l'auteur d'essais considérables tels que Théorie du récit et Langages Totalitaires. Son œuvre se répartit entre des narrations (Entre les rues, La Cassure, Battement, Analogues, Les Troyens) et des poésies en prose (Fleuve renversé, Couleurs pliées, Verres, Syeeda). Après avoir co-fondé en 1981 le Collège International de Philosophie, il est depuis 1986 président de l'Université Européenne de la Recherche. Parmi ses récentes publications : L'histoire cachée du nihilisme, La Fabrique 2008 et La fête de l’âne de Zarathoustra, L'Harmattan 2009.

Honduras, Colombie, Cuba : les États-Unis s’en tiennent à la doctrine Monroe

Arnold AUGUST



Entrevue d’Arnold August à l’émission Le monde cette semaine, animée par André Pesant sur les ondes de CIBL Radio-Montréal, le 22 novembre 2009, par Karine Walsh (*), le 25 novembre 2009



Alors que le gouvernement étasunien multiplie ses interventions belliqueuses au sud du continent, André Pesant rappelle les origines idéologiques de la politique étrangère étasunienne dans une chronique intitulée Honduras, Colombie, Cuba - les États-Unis s’en tiennent à la doctrine Monroe : toute l’Amérique aux Nord-américains. C’est dans un discours à l’intention des Européens prononcé le 2 décembre 1823, que le président américain républicain James Monroe allait fixer les directives que devait adopter la diplomatie des États-Unis au XIXe et au début du XXe siècle.

Dans le même ordre d’idée, Pesant rappelle le concept d’un proverbe africain emprunté par Roosevelt en 1901 : « Parle doucement et porte un gros bâton ». Roosevelt a employé pour la première fois cette expression au Minnesota State Fair, le 2 septembre 1901, douze jours avant que l’assassinat du président William McKinley ne le propulse à la présidence des États-Unis. Cette doctrine du big stick visait à faire assumer aux États-Unis une place de véritable police internationale, en protégeant ses intérêts en Amérique latine, principalement dans la zone des Caraïbes, et cela en ayant recours à des représailles militaires lorsque jugées nécessaires.

L’animateur constate qu’un siècle après cette affirmation, la même politique du big stick semble toujours en vigueur à une semaine de l’élection présidentielle boycottée par la grande majorité au Honduras : « Pendant que l’impérialisme nord-américain proposait à grand renfort de publicité un marché de dupes au président Zelaya, il prenait le contrôle militaire de la Colombie ». Faisant contraste au silence complice des médias traditionnels de la dite communauté internationale, Pesant souligne « la voix bien vivante de Fidel Castro », faisant ainsi allusion aux récentes réflexions de celui-ci, publiées sur plusieurs sites Internet : « L’annexion de la Colombie aux États-Unis » en date du 6 novembre et « La révolution Bolivarienne et la paix » en date du 18 novembre.

L’invité de Pesant dans le cadre de cette chronique était Arnold August, un journaliste, conférencier, auteur de plusieurs articles sur le coup d’État au Honduras publiés dans des sites Internet alternatifs prestigieux et spécialiste en démocratie participative cubaine. Selon lui c’est effectivement une politique étasunienne agressive qui perdure depuis deux siècles vis-à-vis l’Amérique latine. « Cette politique de contrôle de l’Amérique latine a commencé tout de suite après la guerre d’indépendance des États-Unis de 1787. Même avant le discours de James Monroe en 1823, qui allait définir la ligne de conduite de son pays en matière de politique étrangère, Thomas Jefferson, dès 1807 a déclaré voir en Cuba l’acquisition la plus intéressante pour les États-Unis. Cette politique de contrôle s’applique à toute l’Amérique latine ; les visages et les partis au pouvoir changent de temps en temps à la Maison Blanche, mais la politique est demeurée la même. »

Pesant rappelle aux auditeurs la sombre réalité de l’histoire étasunienne, l’hérédité historique de la classe dirigeante nord-américaine, une classe esclavagiste qui a bâti sa richesse avec l’importation et l’exploitation éhontée d’esclaves africains. « L’histoire des États-Unis en est une de pillage des ressources naturelles aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur, incluant l’extermination des populations autochtones, » a-t-il souligné. En ce qui concerne le Honduras, Pesant remet en contexte la politique étasunienne agressive de domination du continent américain appliquée depuis deux siècles à la lumière des évènements actuels, avec d’une part la négociation d’un marché de dupe imposée à Zelaya et d’autre part, l’installation de 7 bases militaires étasunienne en Colombie.

August rappelle alors un des facteurs qui ont menés au coup d’État du 28 juin dernier, c’est-à-dire la décision de Zelaya, avec l’appui du peuple hondurien, de joindre l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques. Selon August, cette décision importante est directement liée au coup d’État au Honduras ainsi qu’à l’installation de base militaires en Colombie. « L’ALBA fut établi il y a 5 ans, en premier lieu par le Venezuela et par Cuba. Il y a eu depuis un effet de vague du mouvement et d’autres pays sont maintenant membres : le Nicaragua, la Bolivie, l’Équateur, Antigua-et-Barbuda, la Dominique, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Honduras et bientôt le Paraguay, pour terminer avec 10 pays, ce qui n’est pas négligeable. Le fait que le Honduras ait pris la décision de se joindre à l’ALBA, dont les pays membres rejettent la domination politique, économique et militaire étasunienne, fut un affront aux États-Unis que ceux-ci n’ont pas accepté. Le coup d’État contre Zelaya n’était pas une offensive seulement dirigée contre le Honduras, mais contre tous les pays de l’ALBA et même contre tous les pays d’Amérique du Sud. »

Pesant interroge son invité concernant le qualitatif militaire que l’on se garde bien aux États-Unis, dans les milieux dirigeants aussi bien que dans la presse en général, d’associer au coup d’État du 28 juin dernier. August, qui a rédigé quelques articles à ce sujet, en l’occurrence celui intitulé Des points de vue constants de part et d’autre qui convergent vers une seule solution : l’Assemblée constituante, explique l’importance considérable que revêt l’omission du mot militaire :

« Il existe une loi aux États-Unis, plus précisément la section 7008 de la loi sur les budgets, clairement intitulée Coups d’État militaires, qui interdit que des fonds soient engagés ou dépensés pour financer le gouvernement d’un pays où le chef dûment élu a été renversé par un coup d’État militaire ou un décret. En s’abstenant de qualifier officiellement le coup d’État comme étant militaire, Washington se permet de maintenir la porte ouverte pour la tenue des élections du 29 novembre prochain, même si Zelaya n’est pas de retour au pouvoir. La Maison- Blanche se donne aussi le luxe de cultiver le doute planant au-dessus de la tête de Zelaya, quant à ses activités au plan juridique et constitutionnel qui ont conduit au coup d’État. Quoi qu’il en soit, le processus électoral s’annonce pour être un désastre autant pour la clique putschiste que pour l’administration étasunienne ».

Faisant référence à un article d’August publié récemment, Pesant a évoqué un communiqué de presse en date du 17 novembre émis par Harris Corporation, qui vient confirmer que Washington est loin de réduire ses efforts de répression et de contrôle de la résistance hondurienne. Effectivement, August souligne que cette entreprise internationale en matière de communications et de technologies de l’information, s’est vu attribuer les opérations de commandement, de contrôle, de communications, de systèmes informatiques et de programme d’entretien du commandement du sud des États-Unis, le SouthCom, pour la force opérationnelle inter-armée Bravo, c’est-à-dire la base aérienne de Soto Cano au Honduras.

August a conclu l’entretien en soulignant la corrélation entre les évènements récents en Amérique latine, y compris l’établissement des bases militaires yankees en Colombie : « On doit souligner tout d’abord que la Colombie partage ses frontières avec le Venezuela et l’Équateur, deux autres pays qui bâtissent un système social alternatif et rejettent fermement le néolibéralisme. Rafael Correa, tel que promis lors de son élection, a annoncé récemment la fermeture de la seule base militaire étasunienne sur le territoire d’Équateur, une initiative que Zelaya envisageait au Honduras également. Non loin de là en Bolivie, Evo Morales prend également des positions très pondérées, justes et fortes contre la domination étasunienne sur le continent. On ne peut détacher ces évènements : le coup d’État militaire au Honduras et l’établissement de 7 bases militaires étasuniennes en Colombie. J’ai appris ce matin que hier, Micheletti a annoncé clairement que toute personne appelant au boycott des élections au Honduras risque de se ramasser en prison et que le peuple hondurien subit actuellement une augmentation de la répression. » Au bilan de la panoplie d’actes d’agression contre les peuples, August a rappelé le maintient du blocus étasunien contre Cuba, qui prolonge depuis 50 ans la souffrance du peuple cubain en dépit de sa condamnation à l’ONU par une écrasante majorité d’États membres. La base navale de Guantanamo sur le territoire de l’île est également occupée par les forces armées étasuniennes, et cela en toute illégalité depuis plus d’un siècle, alors que Cuba était en tête des visées annexionnistes des États-Unis.

(*) Karine Walsh est une militante pour la justice sociale et co-animatrice de l’émission Dimension Cubaine, de la Table de concertation de solidarité Québec-Cuba, à Radio Centre-Ville à Montréal (Québec).



Symboles


Patrick Mignard

Mohamed Boukourou est mort dans un fourgon de police

Les indigènes de la République
samedi 28 novembre


Un homme de 41 ans est mort de manière étrange et inexpliquée dans un fourgon de police où il avait été conduit de force, jeudi soir, à Valentigney. Une enquête est en cours.

Que s’est-il passé, jeudi, vers 17 h, dans le fourgon de police où Mohamed Boukrourou, 41 ans, marié, père de deux filles, dont la plus jeune est âgée de 3 ans, habitant le quartier des Buis, à Valentigney, venait d’être emmené de force par quatre fonctionnaires, dont deux femmes ? Pour le savoir, Mme Thérèse Brunisso, procureure de la République de Montbéliard a chargé le service régional de police judiciaire d’enquêter sur les circonstances de cette mort suspecte. Car une chose est sûre, qui embarrasse autant la police que la justice, et bouleverse la famille : Mohamed Boukrourou paisible père de famille est mort. L’autopsie qui a été pratiquée très rapidement, hier, en milieu de journée, sur instruction de Mme Brunisso, « par égard pour la famille qui a le droit de savoir », a révélé que la victime est décédée « des suites de la conjonction de deux facteurs : une altération vasculaire cardiaque et un stress important », précise la magistrate, qui supervise l’enquête sur ce qu’elle qualifie d’« affaire très délicate ».

...
http://www.indigenes-republique.fr/article.php3?id_article=785

BISOYA

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ENVIE DE DECOUVRIR ?


Nadia Romanova & Ilia Isachic-Isaev

vous accueilleront le 05 décembre à 14h30 pour vous faire découvrir leur univers "one frame-films"


au centre Ti Art, 41 rue de Beaubourg 75002 Paris ( à 100m de Pompidou)


dimanche 29 novembre 2009

L’Amour Demeure

par Marlène Racine-Toussaint


L’Amour Demeure


Des baisers non rendus
Par scrupule ou par résolution
Mais l'amour demeure

Des actes d'indifférence
Qui s'apparentent au rejet
Mais l'amour demeure

Des souvenirs s'évanouissent
Avec le passage du temps
Mais l'amour demeure

Des amours qui succombent
Sous le poids des ans
Mais l'amour demeure

D'éternels adieux
Qui déchirent les entrailles
Mais l'amour demeure

Et l'amour demeure
Malgré le temps qui passe
Toujours l'amour demeure

© Marlène Racine-Toussaint
16 Decembre 2007

Source de l'image :  http://jardinsdepareillas.over-blog.com/

Lettre à Eric Besson 26 nov 2009

A l’attention de Monsieur Eric BESSON
Ministre de l’immigration, de l’intégration, de
l’identité nationale et du développement solidaire
101 rue de Grenelle - 75323 Paris cedex 07


Le 26 novembre 2009

Monsieur le Ministre,

Vous êtes intervenu publiquement lundi 23 novembre pour présenter une nouvelle circulaire sur l’aide humanitaire aux étrangers en situation irrégulière.

Comme vous le rappelez dans votre intervention, vous receviez personnellement le 17 juillet dernier un certain nombre de représentants associatifs, inquiets « d’une possible remise en cause des secours qu’elles proposent aux étrangers en situation vulnérable ». A l’issue de cette entrevue, une première réunion de travail se tenait le 18 septembre au Ministère de l’Immigration. Cette réunion devait constituer un premier contact afin d’engager un processus de concertation. D’autres réunions du même type devaient intervenir mais depuis, nous n’avons eu aucune nouvelle. Et voilà que deux mois plus tard, la Ministre de la Justice et vous-même rendez publique une nouvelle circulaire d’action publique et annoncez à cette occasion vouloir proposer une modification de l’article L622-4.

Nous sommes extrêmement étonnés de n’avoir pas été informés au préalable de cette intervention. En outre, l'insinuation, qui figure dans votre invitation à la presse, selon laquelle la circulaire présentée aurait fait l’objet d’échanges avec nos associations est particulièrement déplaisante. Vous avez décidé de clore ce dossier sans aucune autre forme de consultation. C’est un fait et nous ne pouvons qu’en prendre acte.

Dans votre intervention, vous annoncez qu’« afin de rappeler que l’état du droit garantit aux associations le libre exercice de leurs activités humanitaires, Michèle Alliot-Marie a décidé d’adresser aux parquets une circulaire d’action publique. »

Sur le fond, permettez-nous de vous dire que cette circulaire nous choque profondément. En effet nos associations y sont qualifiées d’« associations d’aide aux étrangers en situation irrégulière » (5ème paragraphe) alors que partout ailleurs le vocable d’ « associations à vocation humanitaire » est utilisé.

Plus qu’un simple lapsus, cela est un révélateur supplémentaire de la présomption de culpabilité qu’instaure l’article L622-1 du CESEDA. En effet, comme le relève le récent avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme 1 – CNCDH – cet article, « interprété littéralement, transforme tout aidant de bonne foi en suspect » (point 3). C’est pourquoi la Commission « recommande l’inversion de la logique du dispositif en vigueur pour que l’immunité soit le principe, et l’infraction l’exception. » Nous ne disons pas autre chose depuis des mois.

A propos de l’ « immunité humanitaire » dont vous entendez garantir le renforcement par cette même circulaire d’action publique, de prime abord, ce texte semble en élargir le champ en demandant aux Parquets de considérer l’immunité prévue à l’article L622-4, 3° du CESEDA « comme acquise lorsque l’acte visé n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger en situation irrégulière ».

Mais que penser de la présentation qui en est faite dans votre introduction : «Nous voulons aujourd’hui, Michèle Alliot-Marie et moi-même, clarifier les choses : l’action humanitaire, c’est la réponse à une situation d’urgence, à un état de nécessité, à un besoin immédiat et ponctuel de protection et de prise en charge ; ce n’est pas un soutien actif et continu à la clandestinité pour des raisons lucratives ou pour faire délibérément obstacle à la législation » ? Ceci est une grave remise en cause de la notion d’accueil inconditionnel qui est pour nous l’un des socles de la solidarité autant associative que citoyenne.

L’action humanitaire ne peut  être définie comme vous le faites. Nous avons acquis une expérience suffisante en ce domaine pour n’avoir pas à prendre acte d’une définition de ce qu’est une action humanitaire. Bien plus, une action humanitaire ne se divise pas et ne supporte aucune restriction fut-elle souhaitée par une autorité politique.

Pour autant, il n’aurait pas dû vous échapper que l’action des associations et des citoyens qui sont amenés à venir en aide à des personnes, fussent-elles dépourvues du droit au séjour, ne peut s’enfermer dans les limites de « l’humanitaire ». Les étrangers qui sont sans papiers ne sont pas sans droits, ne serait-ce qu’au regard de la loi française et des conventions internationales. L’accès aux droits fondamentaux comme le respect de la dignité des hommes et des femmes sont des aspects de la solidarité qui ne peuvent être aussi aisément gommés ou entravés.

Là encore, vous vous situez en opposition à l’avis de la CNCDH déjà évoqué. En effet, cette commission indépendante déclare que « la possibilité d’accueillir les personnes en détresse, sans considération d’urgence, sans limitation de durée, et sans avoir à faire une distinction entre les personnes selon leur situation administrative, devrait pouvoir être garantie » (point 9).

Enfin, alors que la CNCDH « déplore que les projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances pour 2010 fixent un objectif chiffré d’interpellations de « trafiquants et facilitateurs » (point 10), vous vous targuez d’avoir vu ce chiffre augmenter de « + 11 % par rapport à la même période de l’année précédente ».

En conclusion, Monsieur le Ministre :
·       Nous demandons la suppression du « délit de solidarité » et l’inversion de la présomption de culpabilité posée par l’article L622-1 du CESEDA. 
·       Nous regrettons la manière dont vous traitez nos associations et, en particulier, le temps que nous avons perdu à prendre part à un simulacre de concertation. 
·       Nous dénonçons une circulaire qui ne règle ni ne simplifie rien. 
·       Nous vous demandons de prendre en compte le récent avis de la CNCDH 1, en particulier sur les propositions de modification de la loi et la défense de l’accueil inconditionnel. 
·       Nous sommes très inquiets de la définition que vous croyez pouvoir donner de l’action humanitaire et de la remise en cause du principe de l’accueil inconditionnel. 
·       Nous vous rappelons que le principe de solidarité, l'un des fondements de notre société démocratique, ne saurait être réduit à l'action humanitaire développée par les associations de soutien aux plus vulnérables, mais qu’il intéresse tout citoyen.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération distinguée.


Organisations signataires


Emmaüs France
Fédération de l’Entraide Protestante
Comité médical pour les exilés
Médecins du Monde
Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale
Secours Catholique
Ligue des Droits de l’Homme
Syndicat des Avocats de France
La Cimade
Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés
Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples
SOS Racisme
Réseau Education Sans Frontières
Hors la rue
Syndicat de la Magistrature
Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture
Association d’Accueil aux Médecins et
Personnels de Santé Réfugiés en France

Les supermarchés et la crise alimentaire mondiale



Esther Vivas



La crise alimentaire a laissé sans nourriture des millions de personnes dans le monde. Au chiffre de 850 millions de personnes souffrant de la faim, la Banque mondiale en a ajouté 100 de plus suite à la crise actuelle. Ce « tsunami » de la famine n’a rien de naturel, il est au contraire le résultat des politiques néolibérales imposées depuis des décennies par les institutions internationales. Aujourd’hui, le problème n’est pas le manque d’aliments en quantités suffisantes mais bien l’impossibilité d’y avoir accès, du fait des prix élevés.

Cette crise alimentaire laisse derrière elle une longue liste de gagnants et de perdants. Parmi les plus affectés on retrouve les femmes, les enfants, les paysans expulsés de leurs terres, les pauvres urbains... En définitive, ceux et celles qui constituent la masse des opprimé/es du système capitaliste. Parmi les gagnants se trouvent les multinationales de l’industrie agro-alimentaire qui contrôlent du début jusqu’à la fin toute la chaîne de production, de transformation et de commercialisation des aliments. Ainsi, alors que la crise alimentaire frappe principalement les pays du Sud, les multinationales connaissent une forte croissance de leurs profits !

Monopoles

La chaîne agro-alimentaire est contrôlée à chaque étape (semences, fertilisants, transformation, distribution, etc) par des multinationales qui accumulent des bénéfices élevés grâce à un modèle agro-industriel libéralisé et dérégulé. Un système qui compte avec le soutien explicite des élites politiques et des institutions internationales qui placent les profits de ces entreprises au-dessus de la satisfaction des besoins alimentaires des personnes et du respect envers l’environnement.

La grande distribution, à l’image d’autres secteurs, se caractérise par un haut niveau de concentration capitaliste. En Europe, entre les années 1987 et 2005, la part de marché des 10 plus grandes multinationales de distribution représentait 45% du total et on prévoit qu’elle atteindra 75% dans les 10-15 années à venir. Dans des pays comme la Suède, trois chaînes de supermarchés contrôlent autour de 91% du marché et au Danemark, Belgique, Etat espagnol, France, Pays-Bas, Grande-Bretagne et Argentine, une poignée d’entreprises dominent entre 45 et 60% du marché.

Les méga-fusions sont monnaie courante dans ce secteur. De cette façon, les grandes multinationales, basées dans les pays occidentaux, absorbent les chaînes plus petites dans toute la planète, s’assurant une expansion à l’échelle mondiale et tout particulièrement dans les pays du Sud.

Cette concentration monopolistique permet de garantir un contrôle déterminant sur ce que nous consommons, à quel prix, leur provenance, la manière dont les produits sont élaborés, avec quels ingrédients, etc. En 2006, la deuxième plus grande entreprise au monde par le volume des ventes a été Wal-Mart, et dans le top 50 mondial de ces firmes figurent également Carrefour, Tesco, Kroger, Royal Ahold et Costco. Notre alimentation dépend chaque jour un peu plus des intérêts de ces grandes chaînes de vente au détail et leur pouvoir s’illustre dramatiquement dans les situations de crise.

De fait, en avril 2008 et face à la crise alimentaire mondiale, les deux plus grandes chaînes de supermarchés des Etats-Unis, Sam’s Club (propriété de Wal-Mart) et Costco ont choisi de rationner la vente de riz dans leurs établissements pour gonfler les prix. Chez Sam’s Club, on a limité la vente de riz a trois variétés (basmati, jasmin et long grain) ainsi que la vente des sacs de riz de 9 kilos à 4 kilos par client. Chez Costco, la vente de farine et de riz a été limitée. En Grande-Bretagne, Tilda (principal importateur de riz basmati au niveau mondial) a également établi des restrictions sur la vente. Avec ces mesures a été mise en évidence la capacité des grandes chaînes de distribution d’influencer l’achat et la vente de produits déterminés, de limiter leur distribution afin d’influencer la formation des prix. Un fait qui ne s’était plus produit aux Etats-Unis depuis la IIe Guerre mondiale lorsque des restrictions avaient été imposées sur le pétrole, le caoutchouc, les ampoules, mais non sur les aliments.

Changements d’habitudes

Une autre dynamique qui a été mise en relief avec la crise alimentaire a été le changement d’habitudes au moment des achats. Devant la nécessité, de la part des clients, de se serrer la ceinture et d’aller dans les établissements aux prix plus bas, les chaînes de discount ont été les grandes gagnantes. En Italie, Grande-Bretagne, Etat espagnol, Portugal et France, ces supermarchés ont vu leurs ventes augmenter de 9 à 13% au premier trimestre 2008 par rapport à l’année antérieure.

Un autre indicateur du changement de tendances est l’augmentation des ventes des « produits blancs » qui s’élèvent, selon les chiffres du premier trimestre 2008, en Grande-Bretagne, à 43,7% du volume total des ventes, 32,8% dans l’Etat espagnol, 31,6% en Allemagne et au Portugal et autour de 30% en France. Ce sont justement ces « produits blancs » qui offrent le plus de bénéfices aux grandes chaînes de distribution et qui permettent une plus grande fidélisation de leur clientèle.

Mais, au delà du rôle que la grande distribution peut jouer dans une situation de crise (avec les restrictions à la vente de certains produits, les changements d’habitudes d’achats, etc), ce modèle de distribution exerce au niveau structurel un contrôle étroit qui a un impact négatif sur les différents acteurs qui participent à la chaîne de distribution alimentaire : paysans, fournisseurs, consommateurs, travailleurs, etc. De fait, l’apparition des supermarchés, hypermarchés, chaînes discount, express, etc. tout au long du XXe siècle a contribué à la marchandisation de nos habitudes alimentaires et à la soumission de l’agriculture et de l’alimentation à la logique du capital et du marché.

Esther Vivas est membre de la direction d’Izquierda Anticapitalista-Revolta Global dans l’Etat espagnol. Elle a publié en français « En campagne contre la dette » (Syllepse, 2008) et est coordinatrice des livres en espagnol « Supermarchés, non merci » ! et « Où va le commerce équitable » ? Cet article a été traduit de l’espagnol pour www.lcr-lagauche.be .

Israël accroît sa présence militaire en Amérique latine



Global CST vient de signer un contrat de 10 millions de dollars avec le gouvernement péruvien d’Alan García pour former et encadrer l’armée péruvienne contre le Sentier lumineux. En outre, Global CST a déjà vendu pour 3 millions de dollars de matériel de vision nocturne à l’armée péruvienne.

Global CST, qui dément tout lien de subordination au gouvernement de Tel-Aviv, est une pièce essentielle du complexe militaro-industriel israélien. Il s’agit d’une structure légère, n’employant qu’une poignée d’individus, mais rattachée au groupe Mikal (marques : Soltam, ITL, Saymar), la seconde compagnie privée israélienne d’armement. Présidé par Avraham (Miko) Gilat, Mikal vend toute une gamme de produits allant des pièces d’artillerie aux blindés légers en passant par l’optronique.

Global CST est dirigé par le généra Israël Ziv (ancien chef des opérations de l’armée israélienne), qui échoua face au Hezbollah en 2006.

En 2008, Global CST a réalisé le sauvetage d’Ingrid Betancourt en Colombie (Operation Jaques) et, simultanément, la planification de l’attaque géorgienne contre l’Ossétie du Sud (une opération qui fit plus d’un millier de morts).

Le déploiement de Global CST en Colombie et au Pérou doit être mis en perspective avec l’encadrement de la junte hondurienne par d’autres sociétés militaires « privées » israéliennes.


"ACCENT TONIQUE"

Mercredi 16 DECEMBRE 2009 à 18h30


PRESENTATION SPÉCIALE DE LA COLLECTION
animée par Nicole Barrière


à l'honneur
la lecture des POETES :

Taherei Barei
Sylvestre Clancier
Carlos Henderson
Xavier Lainé
José Muchnik
Yuyutsu RD Sharma

Librairie L’Harmattan
21 bis rue des Ecoles
75005 Paris
Métro Maubert-Mutualité

Contacts:
Nicole Barrière
nicole.barrieremail.com
06 77 33 35 06

samedi 28 novembre 2009

Factotum nocturne

Reçu de Claude Sainnécharles

A propos de Fari Rosario, l'auteur du poème :

Il enseignait la littérature dominicaine et Hispano-americaine dans divers collèges. Actuellement il est professeur d’introduction à la philosophie esthétique à l’université Santo Tomas Catolica madre y maestria. Il a publié, entre autres : Histoires profanes (2007) ; Le Collectionneur (2008) ; Le discours de l’âme et la condition humaine dans une rose au cinquième enfer (bref essai, 2009) et Poussière et Oubli (Receuil de poèmes, 2009).

Très prochainement, il publiera La balançoire des somnambules, une anthologie des micro-histoires dominicaines.

Par Fari Rosario


Factotum nocturne

© Aristide Maillol

La nuit est un vieil arôme
qui fait galoper les doigts,
la supplication des mains
des mains qui frôlent
qui se dissipent dans le vent,
labyrinthe tiède de regards.

Ta chair est une porte, ouverte, majestueuse
comme le chuchotement des temples,
une réclame lumineuse au bord de la steppe
à mi-matinée.

M’enivre la lumière, la nuit qu’hébergent tes yeux
l’arôme de cannelle et de jasmin n’ont pas suffit
pour exorciser ton ombre,
ta chair s’en va en incendiant
les chemins du désir.
Et je m’abandonne au don de ton parfum de terre vierge
au mysterieux va-et-vient
qui m’emporte jusqu’à la berge de la rivière où se délasse l’éros.

© Fari Rosario
* * *

FACTOTUM NOCTURNO

La noche es un viejo aroma
que hace galopar el tacto,
el conjuro de las manos
manos que se rozan
que se desvanecen en el viento,
tibio laberinto de las miradas.

Tu cuerpo es una puerta, abierta, solemne
como el susurro de los templos,
un reclamo luminoso al borde de la estepa
a media mañana.

Me embriaga la luz, la noche que albergan tus ojos
el aroma a canela y a jazmín no basta
para exorcizar tu sombra,
tu cuerpo que va incendiando
los caminos del deseo.
Y yo me abandono al don de tu perfume de tierra virgen
al misterioso vaivén que me lleva
hasta la orilla del río donde descansa Eros.

© Fari Rosario

SouthCom : Washington développe ses opérations à la base aérienne de Soto Cano au Honduras



Arnold AUGUST


Selon un communiqué de presse du 17 novembre, Harris Corporation, une entreprise internationale en matière de communications et de technologie de l’information, s’est vu attribuer les opérations de commandement, de contrôle, de communications et systèmes informatiques et de programme d’entretien du SouthCom (Commandement du sud des États-Unis), pour la Force opérationnelle interarmées (FOI) Bravo à la base aérienne de Soto Cano au Honduras. Ce contrat d’ordonnancement de tâches de cinq ans compte une année de référence comportant quatre options d’une année et s’élève à 38 millions de dollars – incluant toutes les options.

Ce programme d’infrastructure critique soutient le commandant du FOI-Bravo – le commandant de toutes les opérations militaires des États-Unis en Amérique centrale, dans le cadre de l’exécution de la stratégie de SouthCom visant à établir une capacité de nation associée. Cela afin de maintenir la sécurité, la stabilité et la prospérité dans les Amériques. Selon le communiqué de presse, cette responsabilité consiste à :

- promouvoir des nouvelles visions du gouvernement des États-Unis et des établissements de la région ;

- réduire les sources de conflit et de tension ;

- promouvoir le partenariat en période de besoin ;

- stimuler des initiatives pour contrecarrer le trafic de drogues et d’autres menaces transnationales.

Harris est une entreprise internationale de communications et de technologie de l’information au service du gouvernement et des marchés dans le monde entier. Ayant son siège à Melbourne, en Floride, cette entreprise génère un revenu annuel d’environ 5 milliards de dollars et compte plus de 15 000 employés – dont près de 7 000 ingénieurs et scientifiques.

Tandis que le peuple hondurien déploie sa lutte en vue de boycotter les élections frauduleuses du 29 novembre et se prononce en faveur d’une assemblée constituante, Washington intensifie déjà avec arrogance son programme de l’après 29 novembre. Pour l’impérialisme, il s’agit d’une affaire habituelle, qui ne respecte ni les positions, ni les sacrifices, ni les sentiments de la grande majorité des gens au Honduras.

Cette dernière décision sous l’administration d’Obama nous donne l’occasion de voir, une fois de plus, comment se constituent les « nouvelles visions du gouvernement étatsunien et des établissements de cette région ». Et elles ne sont pas nouvelles, il s’agit en fait des mêmes visions impérialistes de domination et d’ingérence des États-Unis dans tout l’hémisphère au sud du Rio Grande. La seule chose qui diffère en est l’apparence, dans le but que les peuples de la région et le monde acceptent ces vieilles politiques, mais en les dissimulant d’une nouvelle façon.

Pour autant que l’objectif susmentionné consiste à « réduire les sources de conflit et de tension », si les États-Unis auraient vraiment été intéressés, il y a longtemps que le président Zelaya aurait été rétabli ; la répression instaurée par les militaires formés par les États-Unis au Honduras et Micheletti aurait non seulement été arrêtée, mais le coupable, jugé et puni pour les crimes commis envers le peuple du Honduras.

Cependant, après tout, c’est encore Washington qui vient tout juste de signer l’accord avec la Colombie, lui permettant d’y établir sept bases militaires.

Arnold August

(Version en français : Normand Raymond)

Les raids enragés des guácharos.




Maxime VIVAS


Dans le parc national Alejandro de Humboldt, non loin de Caripe, dans le nord-Est du Venezuela, se trouve une grotte appelée « Cueva del gu­ácharo ».

Elle est ouverte aux touristes sur 1200 mètres. La légende dit qu’elle se termine au Brésil. On y accède par une immense voûte qui se continue en rétrécissant. Venus de l’obscurité et amplifiés par l’écho, en jaillissent des cris effrayants, mélange de grognements de bêtes sauvages, de rires de sorcières, de ricanements de diables et diablotins qui vous persuaderaient que là est la porte des enfers.

On hésite à faire dix pas en avant, surtout quand on écoute le guide raconter qu’un jour il est entré avec 15 touristes et est ressorti avec 14. Il s’esclaffe et ajoute que le manquant s’était attardé et attendait dans le noir. Même pas dévoré tout cru par des monstres, ni rôti dans les flammes souterraines !

En fait, vivent dans cet antre des milliers d’oiseaux appelés guácharos. Ils sont jusqu’à 15 000.

Rien à voir avec les chauve-souris. Les guácharos sont parés de plumes aussi lisses, colorées et douces au toucher que la couverture d’un magazine français. Leur cri est un moyen d’« eco-localización », explique le guide. Un sonar..

Les guácharos sortent la nuit en bandes bruyantes, escadrilles serrées capables de masquer de leurs ailes la lueur de la lune. Les querres-querres, oiseaux au jaune plumage qui, dans la journée, volètent paisiblement d’arbre en arbre aux alentours, ne leur cherchent pas querelle. Trop paisibles et numériquement inférieurs.

Toute la nuit, en des raids enragés, les guácharos vont faire provision des graines dont ils se nourriront et nourriront leurs petits dans la grotte. Ils s’empiffrent, croissent et se multiplient.

Cependant, ils n’occupent pas durablement les territoires où ils vont faire leurs emplettes. Ils n’emportent dans leur bec que la nourriture nécessaire. Ils ne tuent, ni ne détruisent. Pas davantage, ils n’humilient.

Ils sèment sur leur passage leur fiente fertilisante et quelques plumes pour égayer les chapeaux ou marquer les pages des livres.

Bref, ce ne sont que des voisins un peu sans gêne qui poussent trop la sono après vingt-deux heures.

Il ne leur est jamais venu à l’idée d’établir trois, cinq, sept postes avancés pour contrôler les 181 hectares du parc et y préparer une attaque contre les autres espèces au plumage et au mode de vie différents. Ni même d’assurer leur embonpoint par la famine des autres.

C’est pourquoi, de mémoire de querre-querre, et même si le locataire de la grotte a la taille d’un faucon, aucun oiseau de la forêt ne s’est jamais écrié : « Guácharo go home ».

Maxime Vivas  (au Venezuela)



DÉPÔT DE PLAINTES CONTRE LE FICHIER BASE ÉLÈVES LE 9 DÉCEMBRE 2009

Collectif National de Résistance à Base Elèves - Communiqué de presse

Simultanément dans une quinzaine de départements, des parents d’élèves déposeront le 9 décembre, au Tribunal de Grande Instance de leur circonscription, une plainte contre X concernant la mise en place de Base élèves, un système de fichage centralisé de la population scolaire.

Malgré l’opposition et la mobilisation de nombreux directeurs, parents et citoyens contre Base élèves, malgré les observations et recommandations du Comité International des Droits de l’Enfant des Nations Unies et les nombreuses prises de position des élus , l’administration continue à imposer Base élèves, sans la moindre consultation, ni avec les parents, ni avec les enseignants. Les parents d’élèves ne sont que rarement informés de l’existence de ce fichage et ne peuvent pas s’y opposer. Les directeurs d’école récalcitrants (à ce jour 200 directeurs d’école ont déclaré leur refus d’utiliser Base élèves) sont sanctionnés et d’autres, harcelés, menacés, cèdent aux pressions et renseignent Base élèves souvent contre l’avis d’une partie ou de la totalité des parents concernés.

Les parents d’élèves, ne recevant pas de réponse à leurs questions et revendications, ont décidé d’entamer une action en justice. Conseillé et soutenu par des hommes de loi et notamment par le Syndicat des Avocats de France, le Collectif National de Résistance à Base Elèves a répertorié les différentes atteintes aux lois et conventions relatives à la protection de la vie privée, aux droits de l’Homme et de l’enfant. Ensemble, ils ont élaboré un modèle de plainte pénale contre X utilisable par tous les parents qui souhaitent porter plainte. À ce jour, 1048 parents ont déposé une plainte dans 12 départements.

Base élèves permet d’attribuer à chaque enfant un Identifiant National Elève, véritable matricule qui le suivra pendant 35 ans et qui rend possible toutes sortes d’interconnexions avec d’autres fichiers. Base élèves et l’Identifiant National Elève ont été mis en place à marche forcée par le Ministère de l’Éducation Nationale, sans information aux parents et sans leur consentement, et sont imposés aux équipes enseignantes et aux directeurs d’école sous la menace et les pressions. Ce système d’immatriculation et de traçage des enfants n’est pas nécessaire à la gestion des écoles, il est mis en place dans le cadre d’une politique générale de fichage dont les méfaits sont régulièrement dénoncés. Les parents sont de plus en plus nombreux à refuser ce fichage, cette plainte pénale permet enfin de faire entendre leurs voix !

Le Collectif National de Résistance à Base Elèves invite les parents d’élèves, qui souhaitent participer aux dépôts du 9 décembre, à le contacter.

Le collectif National de Résistance à Base Elèves


La mobilité dans l'immobilité



Nicolle Leclercq
poète, photographe, artiste plasticienne et membre très actif d'Actes de présence

participe à

La mobilité dans l'immobilité
exposition d'art contemporain

du lundi 30 novembre au jeudi 17 décembre 2009
le mardi, le jeudi et le vendredi de 16 h 30 à 18 h
le mercredi, le samedi et le dimanche de 15 h à 17 h 30

à la

Maison des associations
64, place Nobel
77350 Le Mée-sur-Seine

RER D (direction Melun) ; gare Le Mée-sur-Seine
pour y accéder en voiture voir les indications du plan ci-dessous



vernissage
le samedi 28 novembre 2009
à 11 h 30


exposition organisée par

ARTOTHEQUE Universitaire
EIUAC espace international universitaire d’art contemporain
PARIS XII - IUT Sénart / Fontainebleau
avenue Pierre-Point - 77127 Lieusaint
téléphone : 01 64 13 44 98 / 06 11 64 76 42
fax : 01 64 13 45 00
courriel : arto-u@univ-paris12.fr

entrée libre dans la limite de places disponibles
contact et renseignements : 01 64 87 55 36




Pedro VIANNA
Président d'Actes de présence

Actes de présence
2 ter, passage de Clichy
F-75018 PARIS
Téléphones : +33 (0)9 51 79 61 37 (prix d'une communication locale depuis un poste fixe en France)
+33 (0)1 42 93 61 37
Fax : +33 (0)9 51 79 61 37
Courriel : actesdepresence@free.fr
Site : http://actesdepresence.free.fr

vendredi 27 novembre 2009

Tes yeux

par Jean Dornac

 
Tes yeux


Source où je me désaltère,
Puits de lumière incandescente.
Par eux, tu me perces
Et tu ouvres le cachot de mes vérités.

Femme à l’aspect si fragile,
Mais plus forte
Qu’une assemblée de dieux
Ou la danse déchaînée du vent.

Tes yeux…

Me bouleversent, me renversent.
Je chavire, je me noie dans leurs eaux.
Ton sourire m’effleure,
M’envahit et je revis.

Par ton regard,
C’est le monde qui renaît.
C’est ton univers
Que tu me transmets.

Tes yeux…

Passent de l’orage
A l’accalmie,
De la séduction
A l’astre brûlant.

Parfois ange,
Parfois guerrière,
Mais toujours poète
Et femme infiniment.

Tes yeux…

Rêve éveillé,
Désir d’éternité.
Recours de mon âme abandonnée,
Passion, enfin, retrouvée.

© Jean Dornac
Paris, 19 novembre 2009

Caroline Fourest : Tariq Mon Amour !…


Georges STANECHY

« Si le pouvoir de normalisation veut exercer le vieux droit souverain de tuer, il faut qu’il passe par le racisme. »


Michel Foucault (1)

Je me ressourçais à la finesse des analyses de Michel Foucault sur le pouvoir et ses dérives, le racisme étant une de ses pires pathologies, quand j’appris qu’un débat entre Tariq Ramadan et Caroline Fourest se déroulerait chez Taddeï. Dans une émission de FR 3. (2)

Intéressant, me dis-je, d’assister à la rencontre entre une représentante éminente du "racisme d’Etat" français et un intellectuel au rayonnement international, spécialiste de l’Islam. Prudent, toutefois, je n’en attendais pas grand-chose. (3)

Ces rencontres télévisuelles relèvent plus du pugilat, que de la confrontation d’idées, de convictions ou de positions. L’objectif étant souvent, outre de « faire de l’audience », de noyer, parasiter, étouffer les propos de celui qui ne doit pas être entendu. Selon les diktats du politiquement correct.

Tariq Ramadan, j’ai l’habitude de suivre ses interventions sur les chaînes de TV britanniques où il est régulièrement invité, s’exprimant dans un excellent anglais. Toujours aussi clair, concis, serein. (4)

On se souvient qu’il avait été recruté pour occuper la chaire d’islamologie dans la plus grande université catholique du monde, celle de Notre-Dame, dans l’Etat d’Indiana aux USA (5). Mais au dernier moment, le gang bushiste dans lequel s’illustra le “grand inquisiteur” fanatique Daniel Pipes (6), spécialiste de la chasse aux universitaires « suspects de déviationnisme antichoc des civilisations », bloqua son visa d’admission.

L’université d’Oxford, au Royaume Uni, le récupéra aussitôt. Il est régulièrement consulté par les autorités du pays. Comme dans d’autres pays européens ou d’autres continents. Ses livres en anglais se retrouvent dans toutes les librairies britanniques. Sollicité dans le monde entier comme conférencier (7), il est l’exemple du chercheur qui étudie, analyse, écoute, regarde, échange. Dans l’humilité.

Sauf en France.

Depuis l’ère Pasqua, ministre de l’Intérieur d’alors qui, entre deux contrats de vente d’armes sur l’Angola, s’arrangeait pour que les préfets interdisent l’obtention de salles de conférences ; lorsqu’on voulait faire venir Tariq Ramadan pour débattre avec lui.

Estampillé « islamiste ». Ce qui équivaut à une condamnation d’excommunication de l’Eglise ou, de nos jours, à une “fatwa républicaine”.

Un test ?

Je vous offre votre poids en chocolat si vous trouvez un seul de ses livres dans une bibliothèque municipale en France ou un centre culturel français à l’étranger. Alors qu’abondent, en bonne place dans ces mêmes établissements publics, les livres de propagande les plus islamophobes, anti-arabes, anti-iraniens, anti-palestiniens, et j’en passe, du circuit de l’édition francophone.

« Liberté d’expression », « Exception culturelle française »… Diabolisons, d’abord. Réfléchissons, ensuite.

En France, Tariq Ramadan est ostracisé par le puissant lobby islamophobe et ses béni oui-oui d’origine libanaise ou maghrébine. Tout simplement, parce qu’il n’accepte pas la diabolisation de l’Islam. Comme tout clou qui dépasse, il a donc droit aux coups de marteau des tenants de notre glorieux héritage colonial. Les « inférieurs » doivent « s’écraser » et demander la permission d’exister.

Hélas ! Son approche intellectuelle n’a rien à voir avec la verroterie conceptuelle de bazar des bateleurs s’autoproclamant représentants “éclairés par la modernité occidentale” de la communauté musulmane d’Europe. Tant prisés par les médias dominants et les milieux intellectuels racistes.

Dont on sait, à part leurs sponsors et autres commanditaires semble-t-il, que :

« … leur fortune médiatique est trop souvent inversement proportionnelle à leur ancrage dans la population qu’ils sont supposés représenter.

Et qu’ils ne doivent leur temps d’antenne qu’à leur capacité à occulter beaucoup d’autres visions, bien d’autres sensibilités, de multiples autres exigences, qui sont souvent celles de la vaste majorité de leurs concitoyens ou de leurs compatriotes, ainsi privés de voix ». (8)

Dans un activisme vibrionnant, Caroline Fourest anime cette mouvance. Tous les médias officiels, presse, radios, TV, lui sont ouverts. Passant pour une spécialiste de l’Islam. Alors qu’elle n’est que l’archétype de l’intolérance islamophobe. Si bien décrite, démontée, dénoncée, dans les livres d’Edward Saïd.

Oui. Les USA ont Daniel Pipes. Nous en France, en Europe, nous avons notre grande inquisitrice : Caroline Fourest. Au culot inébranlable. Transbahutant son fonds de commerce islamophobe, baluchon, bric-à-brac d’intolérance, de suspicions paranoïaques, de réquisitoires en sorcellerie.

Elle m’avait amusée, dans une émission de TV britannique vue à Londres, lors du lancement médiatique de la guerre en Irak. Y avaient été invités des “journalistes” de différents pays européens pour justifier l’innommable : détruire un pays, plus d’un million de morts, sur fondement de mensonges. Tout le monde le savait.

Car une guerre se lance comme un nouveau dentifrice sur le marché, par un matraquage publicitaire préalable ou en accompagnement. La propagande, en pleine effervescence, roulait du tambour sur l’hystérie du choc des civilisations : l’Islam une menace pour l’Occident !

Dans sa diatribe anglicisante, Caroline Fourest venait confirmer combien la France était en danger avec des banlieues, des mosquées, des imams propagateurs de la haine de l’Occident…

Pitoyable.

Elle ne voit l’Islam qu’à travers les stéréotypes des néoconservateurs US. Dans un laborieux copié-collé des argumentaires de propagande, élaborés par les officines de la désinformation des Think Tanks. Même pas retraités. Encore moins repensés. Régurgités, simplement.

Le comble du ridicule : quand elle aborde cette immense mosaïque désignée sous l’appellation de Frères Musulmans ! Variant, évoluant, dans sa composition et ses orientations, d’un pays à l’autre, d’un courant à l’autre, d’une époque à l’autre. Avec ses bons et ses méchants, ses héros et ses dissidents, ses martyrs et ses collabos.

Visiblement, sur L’islamisme et les Frères Musulmans, elle ne s’est même pas donnée la peine de lire l’ouvrage fondamental de François Burgat. (9) Le meilleur spécialiste international sur la question.

Alors, dans ce fourre-tout relooké en Chaudron de l’Enfer, Caroline Fourest vient puiser à la louche tous les amalgames, toutes les thèses et condamnations, contre l’Islam. Hypnotisant un public désinformé. Bien sûr, à l’abri des “appellations-alibis”, boucliers de la rhétorique islamophobe : islam radical, laïcité…

Incapable de lucidité, de courage, d’honnêteté, pour constater, toucher du doigt, dire, que ce ne sont pas des musulmans qui occupent militairement, bombardent, rasent des villages, villes, régions, pays, en Europe ou en Amérique du nord. Dans l’hyperviolence. Depuis des décennies. Mais, le contraire. En Terre d’Islam, ce sont des occidentaux, chrétiens ou pas, laïcs ou pas. Semant quotidiennement la mort, la désolation, la souffrance, le désespoir. Dans la bonne conscience.

Refusant d’admettre que l’Islam est une des grandes religions de l’Humanité et donc de l’Europe, elle et ses sponsors la voudraient invisible. Dans son délire inquisitorial, traquant inlassablement le “double langage”, sur fond de procès d’intention. Ce n’est plus la chasse à la taupe moscovite, mais à la taupe iranienne, "islamofasciste", alqaïdesque…

Sa cible privilégiée étant : Tariq Ramadan.

Multipliant, livres, articles, déclarations, présences médiatiques. Cette “journaliste de gauche” pratiquant avec cynisme le « double langage » qu’elle prétend dénoncer. Dans son acharnement, ne cessant de clamer son républicanisme, elle milite pour l’interdiction de Tariq Ramadan dans les universités !…

Semer le doute, instiller la peur. La peur de L’Autre. Du musulman pratiquant. “L’autre race … celle qui, en permanence, et sans cesse, s’infiltre dans le corps social, ou plutôt se recrée en permanence dans le tissu social et à partir de lui.” (10)

Dans un combat incessant “… à partir d’une race donnée comme étant la vraie et la seule, celle qui détient le pouvoir et celle qui est titulaire de la norme, contre ceux qui dévient par rapport à cette norme. ” (11)

L’obscurantisme, l’intolérance, le radicalisme du racisme, le fanatisme, sous couvert de la défense de la laïcité.

D’où vient cette rage ? Exiger la suppression de la parole de « l’autre » ? Pourquoi un tel harcèlement, à l’encontre de Tariq Ramadan ? Pourquoi une telle obsession ?… Heures, jours, mois, années… Implacable.

Au fil des échanges le débat s’enlisait, avec une Caroline Fourest empêtrée dans ses anathèmes incapables de dissimuler amalgames et manipulations. De citations, de contextes, d’erreurs factuelles. Dans la fureur de ses “excuses sincères”, à chaque ramassage “coquillesque” que lui présentait son interlocuteur.

Fragile libellule du tripatouillage informationnel, persécuteur, mensonger, face au rouleau compresseur de la maîtrise méthodologique d’un chercheur du calibre de Tariq Ramadan. Pathétique prestation d’une propagandiste, prise les doigts dans le pot de confiture de la désinformation…

J’éprouvais de la compassion.

Quand progressivement ma perspective changea, grâce au remarquable travail des cameramen et de la régie.

On ne salue jamais assez les prouesses que réalisent ces techniciens saisissant en direct, donc sans montage en post-production, une émission TV. Changer d’angles et de perspectives en permanence pour donner du rythme à un débat, où dialoguent sur un plateau, quand ils ne s’apostrophent pas, plusieurs interlocuteurs.

Pour accentuer l’ambiance « duel », ils reprenaient la pratique magnifiée par Sergio Leone dans ses westerns. Cadrant à tour de rôle, en gros plan, le regard des duellistes. Ne manquait que la musique d’Ennio Morricone, avec ses mélodies portées par une harmonica…

Les yeux, plein écran, la caméra glissant sur les joues et mentons des protagonistes, barbe de l’un, fond de teint de l’autre, pour saisir la lumière dans l’éclat des iris de l’opposant…

Superbe alternance.

Soudain. Je compris. Nulle lueur haineuse, meurtrière.

Aveuglante. L’étincelle. L’illumination. Un champignon atomique surgissant à l’horizon. Ce fut le titre du film d’Alain Resnais, sur un scénario de Marguerite Duras qui me vint à l’esprit :

Hiroshima Mon Amour…

Explosant, fou, jaillissant, passionné, ravageant, fasciné, haletant, déchiré…

Dans la fulgurance bleutée du regard de Caroline Fourest, un cri silencieux jeté à l’homme de sa vie, muré dans son incompréhension…

Tariq Mon Amour !...

Georges STANECHY

Notes


1. Michel Foucault, Il faut défendre la Société, Cours au Collège de France - 1976, Gallimard, 1997, p. 228.
2. Emission France 3 à visionner : http://ce-soir-ou-jamais.france3.fr...
3. « Racisme d’Etat : un racisme qu’une société va exercer sur elle-même, … un racisme interne, celui de la purification permanente qui sera l’une des dimensions fondamentales de la normalisation sociale. », Michel Foucault, Op. Cit., p. 53.
4. Visitez son site : http://www.tariqramadan.com/
7. Visionnez sa récente conférence au Canada : http://www.tariqramadan.com/spip.php?article10915
8. François Burgat, Ôte ta conscience de là que j’y mette la mienne, 3 janvier 2007, http://oumma.com/Ote-ta-conscience-de-la-que-j-y
9. François Burgat, L’islamisme en face, Paris, La Découverte, 1995, Poche 1996, édition mise à jour 2002 et décembre 2007.
10. Michel Foucault, Op. Cit., p. 52
11. Michel Foucault, Op. Cit., p. 53

Comment les Etats-Unis financent les Talibans (The Nation)

Aram ROSTON

Le 29 octobre 2001, en plein assaut contre les Talibans au pouvoir en Afghanistan, l’ambassadeur du régime en poste à Islamabad a donné une conférence de presse chaotique devant plusieurs dizaines de journalistes assis sur l’herbe. A droite du diplomate Taliban se tenait son interprète, Ahmad Rateb Popal, un homme imposant. Comme l’ambassadeur, Popal portait un turban noir et une énorme barbe en brousaille. Il portait aussi un bandeau sur son œil droit, un prothèse au bras gauche et sa main droite était déformée par des blessures infligées lors d’un accident de manipulation au cours d’une opération contre les Soviétiques à Kaboul.

Mais Popal était plus qu’un ancien moudjahidin. En 1988, un an avant l’évacuation de l’Afghanistan par les Soviétiques, Popal avait été condamné aux Etats-Unis pour conspiration de trafic d’un kilo d’héroïne. Son casier judiciaire indique qu’il a été libéré de prison en 1997.

En 2009, l’Afghanistan est désormais dirigé par le cousin de Popal, le Président Hamid Karzai. Popal a taillé sa barbe et est devenu un homme d’affaires richissime, avec son frère Rachid Popal, qui avait plaidé coupable dans une autre affaire d’héroïne en 1996 à Brooklyn. Les frères Popal contrôlent le gigantesque Watan Group en Afghanistan, un consortium dont les activités couvrent les télécommunications, le transport et, plus important, la sécurité. La société Watan Risk Management, le bras armé privé des Popal, fait partie de la petite dizaine de compagnies de sécurité actives en Afghanistan. Une des entreprises de Watan, qui joue un rôle clé dans l’effort de guerre, est chargée de la protection des convois de camions afghans entre Kaboul et Kandahar qui transportent du matériel américain.

Bienvenue au grand bazar de la sous-traitance de la guerre en Afghanistan, un véritable défilé de personnages improbables et de relations douteuses, où l’on trouve d’anciens fonctionnaires de la CIA et d’anciens officiers de l’armée qui travaillent main dans la main avec d’anciens Talibans et moudjahidin pour collecter les fonds gouvernementaux US destinés au financement de la guerre.

Dans ce défilé grotesque, les sous-traitants de l’armée US sont contraints de payer des insurgés présumés pour protéger les voies d’approvisionnement américaines. Que le gouvernement US finance ceux-là mêmes que les troupes américaines sont censées combattre est un fait communément admis et considéré comme faisant partie des opérations de la logistique militaire en Afghanistan. Et cela constitue aussi une ironie amère parce que le montant total des sommes versées aux Taliban est énorme. « Cela constitue une bonne partie de leurs revenus », a déclaré un haut fonctionnaire du gouvernement Afghan, chargé de la sécurité, lors d’une interview au Nation. En fait, les officiels militaires américains à Kaboul estiment qu’un minimum de 10 pour cent des contrats de sous-traitance du Pentagone – des centaines de millions de dollars – sont versés aux insurgés.

Pour comprendre comment une telle situation a pu s’instaurer, il faut démêler plusieurs écheveaux. Le premier est celui du mécanisme qui décide de qui perd et qui gagne dans le business afghan. Le deuxième est celui du mécanisme troublant par lequel les « entreprises privées de sécurité » garantissent la sécurité des convois US sur les anciennes routes de négoce.

On peut commencer par une petite société qui s’est vue attribuer un contrat de transport militaire d’un montant deplusieurs centaines de millions de dollars : NCL Holdings. Comme Watan Risk des frères Popal, NCL est une société de sécurité reconnue en Afghanistan.

Mais dans le milieu de la sous-traitance à Kaboul, NCL Holdings est surtout connue pour son principal dirigeant, Hamed Wardak. Il est le jeune fils américain de l’actuel ministre de la défense afghan, le général Abdul Rahim Wardak, qui était un chef moudjahidin contre les Soviétiques. Hamed Wardak baigne dans le milieu des affaires aussi bien que celui de la politique. Il a grandi et a été éduqué aux Etats-Unis, diplômé de Georgetown University en 1997 et meilleur élève de sa promotion. Il a obtenu une bourse d’études et a effectué un stage au sein d’un groupe de réflexion néoconservateur, le American Enterprise Institute (AEI). Ce stage a joué un rôle important dans sa vie, car c’est à l’AEI qu’il a forgé des relations avec quelques unes des personnalités les plus en vue des cercles conservateurs américains qui ont une influence sur la politique étrangère, telles que l’ancienne ambassadrice Jeane Kirkpatrick.

Wardak a rejoint la NCL aux Etats-Unis au début de 2007, même si cette société exerçait déjà des activités en Afghanistan à cette époque. Mais il n’était pas absurde de s’installer à Washington, étant donné les relations que Wardak y entretenait. Dans le Conseil Consultatif (advisory board) de la NCL, par exemple, on trouve Milton Beardon, un ancien officier bien connu de la CIA. Bearden est une voix influente sur la politique en Afghanistan ; en Octobre, il a témoigné devant la Commission des Relations Extérieures du Sénat, où le sénateur John Kerry, qui présidait, l’a présenté comme un « ancien officier de la CIA légendaire et un grand penseur et écrivain. » Rares sont les sociétés sous-traitantes qui peuvent se vanter d’avoir un conseiller aussi influent.

Mais le plus gros contrat décroché par NCL – celui qui l’a fait entrer dans la cour des grands en Afghanistan – fut celui du « Host Nation Trucking ». Au début de l’année, cette société, qui n’avait apparemment aucune expérience en matière de transport routier, a été choisie comme une des six sociétés chargées de transporter le matériel US entre les différentes bases US et les avant-postes reculés éparpillés à travers l’Afghanistan.

Au début, le contrat était gros mais pas gargantuesque. Et puis un jour tout a basculé. Au cours de l’été, en référence à « l’assaut » annoncé et à la nouvelle doctrine en vigueur, « L’Argent Employé Comme une Arme », l’armée US a multiplié par 6 le contrat de NCL ainsi que ceux de cinq autres sociétés. Les documents des appels d’offres contiennent une mise en garde sur les conséquences fâcheuses en cas de rejet d’une telle augmentation de budget : « les soldats connaîtront une pénurie de nourriture, d’eau, de matériel et de munitions dont ils ont besoin ». Chacune des six sociétés sous-traitantes de transport de l’armée US a vu son contrat monter jusqu’à 360 millions de dollars, soit un total de prés de 2,2 milliards. Vu sous un autre angle : les montants consacrés ces deux dernières années à la location de camions et de camionneurs afghans représentent 10 % du PNB annuel de l’Afghanistan. NCL, la société dirigée par le fils au carnet d’adresse impressionnant du ministre de la défense, a trouvé là un véritable filon d’or.

C’est grâce au programme « Host Nation Trucking » que les efforts militaires US en Afghanistan peuvent se développer. « Nous fournissons tout ce dont l’armée a besoin pour survivre ici, » m’a déclaré un cadre américain d’une société de transport. « Nous leur apportons leur papier hygiénique, leur eau, leur combustible, leurs armes, leurs véhicules ». Le centre névralgique se trouve à la base aérienne de Bagram, à une heure seulement au nord de Kaboul. C’est de là que pratiquement tout ce que l’on trouve en Afghanistan est transporté par camion vers les zones éloignées que l’armée appelle « l’espace de combat » - c’est-à-dire tout le pays. Près du Point de Contrôle 3, des files de camions, dans un concert de bruits de moteurs et de nuages de poussière, se préparent à de nouvelles missions.

Le secret du transport routier en Afghanistan, c’est de garantir la sécurité sur les routes dangereuses, contrôlées par des chefs de guerre, des milices tribales, des insurgés et des commandants Talibans. Le cadre américain avec qui j’ai parlé a été précis à ce sujet : « En fait, on peut dire que l’armée paie les Talibans pour ne pas se faire tirer dessus. C’est l’argent du Ministère de la Défense ». Tout le monde semble être d’accord là-dessus.

Mike Hanna est un chef de projet pour une société de transport appelée Afghan American Army Services. Cette société, qui opère toujours en Afghanistan, travaille pour les Etats-Unis depuis des années mais a perdu le contrat, remporté par NCL. Hanna a expliqué la réalité des questions de sécurité en termes simples : « Ils paient les gens locaux – certains sont des chefs de guerre, certains sont des politiciens au sein des forces de police – pour faire passer les camions ».

Hanna a expliqué que les prix changeaient en fonction de la route empruntée : « en fait, nous sommes rackettés. Là où vous ne payez pas, vous êtes attaqués. Il faut juste envoyer des gars sur le terrain pour payer qui de droit. » Le tarif, dit il, est parfois élevé, parfois bas. « Pour un convoi de 10 camions, il en coûtera probablement 800 dollars par camion pour traverser une zone. Ca dépend du nombre de camions et de la cargaison transportée. Pour des camions citernes, c’est plus cher. Pour de camions de marchandises, ce sera moins cher. Si vous transportez de l’armement ou des véhicules blindées, ce sera encore plus cher. »

Hanna dit que c’est un mal nécessaire. « Si je ne paie pas les insurgés dans cette zone, le risque de voir mon convoi se faire attaquer monte en flèche ».

Alors qu’en Irak le marché de la sécurité est contrôlé par des sociétés américaines comme Blackwater, qui agit de facto comme un bras armé du gouvernement des Etats-Unis, en Afghanistan on trouve de nombreux intervenants locaux. Le résultat est qu’à Kaboul, la concurrence est rude. « chaque chef de guerre possède sa propre société de sécurité », m’a expliqué un dirigeant d’entreprise.

En théorie, l’activité des sociétés de sécurité privées à Kaboul est sévèrement réglementée, mais la réalité est autre. Trente neuf sociétés possédaient déjà une licence valable jusqu’à septembre, lorsqu’une autre douzaine ont été autorisées. De nombreuses sociétés entretiennent des relations politiques : tout comme NCL appartient au fils de ministre de la défense et que Watan Risk Management est dirigé par les cousins du président Karzai, la société Asia Security Group est contrôlée par Hashmat Karzai, un autre membre de la famille du président. Le société a coupé toute une rue dans le quartier huppé de Sherpur. Selon certains, une autre société de sécurité est contrôlée par le fils du porte-parole du Parlement, et ainsi de suite.

L’industrie du transport afghan, indispensable aux opérations de logistique, est souvent liée à d’importantes figures et chefs de tribus. Une grosse société de transport en Afghanistan, Afghan International Trucking (AIT), versait 20.000 dollars par mois en pots-de-vin à un officiel de l’armée US, selon le plaidoyer prononcé par l’officiel devant un tribunal américain au mois d’aôut. AIT a de bonnes relations : elle est dirigée par le neveu agé de 23 ans du Général Baba Jan, un ancien commandant de l’Alliance du Nord qui devint plus tard le chef de la police de Kaboul. Lors d’une interview, Baba Jan, un dirigeant souriant et charismatique, a insisté pour dire qu’il n’avait rien à voir avec l’entreprise de son neveu.

Mais le fond du problème est que les insurgés sont payés pour laisser passer le matériel dont les soldats ont besoin. Par définition, de nombreux avant-postes sont situés en terrain hostile, dans le sud du pays. En réalité, les sociétés de sécurité sont incapables de protéger les convois américains sans la coopération des Talibans.

Un des gros problèmes pour les sociétés qui transportent le matériel américain à travers le pays est qu’elles n’ont pas le droit d’être équipées d’une arme plus lourde qu’un fusil. Ce qui les rend inefficaces dans un combat contre des Talibans. « Ils tirent sur les chauffeurs à une distance de 3000 pieds (env 1 km - NDT) avec des PKM » me raconte un cadre d’une société de transport. « Ils utilisent des RPG (lance-grenades) qui peuvent faire sauter un véhicule blindé. Les sociétés de transport n’ont pas le choix. A cause du règlement, les sociétés de sécurité ne peuvent s’armer que de AK-47, c’est une plaisanterie. Moi je porte un Ak-47 – mais juste pour me flinguer si nécessaire ! »

Les règles ont été établies pour une bonne raison : pour éviter les dérapages et les dommages collatéraux provoqués par les sociétés de sécurité privées. Cependant, comme le souligne Hanna de Afghan American Army Services, « un Ak-47 contre une lance-grenades, c’est perdu d’avance ! ». Cela dit, au moins une des sociétés de transport a essayé de riposter au lieu de payer. Il s’agit d’une société US appelée Four Horsemen International (FHI). De nombreuses vies ont été perdues. FHI, comme d’autres sociétés, refuse d’en parler publiquement. Mais des professionnels du milieu m’ont raconté que les convois de FHI se faisaient attaquer à pratiquement chaque mission.

La pluprt des sociétés de sécurité font ce qu’elles ont à faire pour survivre. Un manager vétéran américain en Afghanistan qui a travaillé ici comme soldat mais aussi comme sous-traitant privé sur le terrain m’a dit, « Nous payons les chefs de guerre associés aux Taliban parce qu’aucun de nos appareils de sécurité n’est capable d’assurer la sécurité. » Il s’agit d’un vétéran de l’armée avec des années d’expérience dans les Forces Spéciales, et il n’est pas content de la tournure des événements. Il dit que les forces armées américaines devraient au minimum essayer d’en savoir plus sur ceux qu’ils paient.

« La plupart des escortes sont réalisées par les Talibans, » m’a dit un officiel d’une société de sécurité afghane. C’est un pachtoune et un ancien moudjahidin qui connait bien la situation militaire et l’industrie de la sécurité. Il travaille pour une des sociétés qui transportent le matériel US. « Maintenant que le gouvernement est si faible, » a-t-il ajouté, « tout le monde paie les Talibans. »

Pour les fonctionnaires afghans du transport, le sujet ne mérite pas une attention particulière. Une femme que j’ai rencontrée était un chef d’entreprise extraordinaire qui a monté une société de transport dans un milieu dominé par des hommes. Elle m’a dit qu’une société de sécurité dont elle avait loué les services négociait directement avec les dirigeants Talibans dans le sud. Payer les dirigeants Talibans signifiait que ces derniers envoyaient une escorte pour éviter des attaques par d’autres groupes. En fait, a-t-elle dit, ils n’avaient besoin que de deux véhicules. « Il n’en faut que deux », m’a-t-elle dit. « Un devant et un derrière. » Elle a haussé les épaules. « On ne peut pas travailler autrement. Autrement, c’est pas possible. »

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Aram Roston

Article original : http://www.thenation.com/doc/20091130/roston

Traduction partielle par VD pour le Grand Soir


http://www.legrandsoir.info/Comment-les-Etats-Unis-financent-les-Talibans-The-Nation.html