L’hébétude n’est d’ailleurs pas le signe le moins inquiétant de cette déconfiture collective. Elle incite à des réactions plus pulsionnelles que marquées par la raison. L’analyse sereine y cède le pas aux stéréotypes compulsifs qui rajoutent à la confusion.
En témoignent les prestations en dessous de tout du premier ministre Valls le lundi matin et du président Hollande dans la soirée du même jour.
Mais le désarroi ne touche pas que les sommets de l’État ou les arcanes de l’opposition institutionnelle. Elle frappe toutes les couches de la politique et se manifeste à travers deux types de réactions : le rejet des responsabilités et le repli sur soi.
1. La faute aux autres
En ligne de mire, l’abstentionniste dont le silence coupable est accablé de tous les maux par le dernier carré des électeurs “utiles”.
L’indifférence politique est affaire de populations repues. Certainement moins de citoyens frappés depuis sept ans par une crise grave dont on ne voit pas le bout.
Dans ce second cas de figure, outre une réponse à l’inutilité d’un scrutin (un parlement européen prétexte), l’abstention marque surtout une impossibilité de s’exprimer  et consacre le fossé entre les citoyens et ceux qui prétendent les représenter.
Quant au vote utile, on ne répétera jamais assez que bien loin de lutter contre le mal, il l’enracine. Et fait le bonheur d’organisations de pouvoir (PS, UMP) de plus en plus corrompues, mafieuses et aussi dangereuses que les épouvantails (FN) derrière lesquels ils s’abritent.
2. Le repli sur soi
Ce qui frappe au lendemain de cette débâcle de la démocratie élective, c’est aussi la banalité répétitive des réactions. Comme si de rien n’était.
Chacun de se chercher de piètres motifs d’espoir (le FDG se targue d’une légère progression par rapport au scrutin de 2009 : +0,6 points à 6,6 ° !), d’afficher quelques velléités volontaristes ponctuées de “je-vous-ai-compris”, et surtout de se replier sur sa petite chapelle en reprenant les mêmes discours convenus.
L’impression prévaut d’une bien insuffisante prise en compte de la gravité de la situation. Sinon d’une franche incompréhension devant le chaos politique en train de s’installer.

Les vides à combler

La construction d’un monde d’après un tant soit peu vivable impose de sérieux vides à combler et des remises en cause autrement plus vigoureuses.
D’abord, une remise en cause des carcans mentaux qui nous engluent dans le monde finissant. La croissance, le plein-emploi, l’argent, le miroir aux alouettes de la reprise, sont autant de valeurs et de notions à reconsidérer entièrement. Les discours, de droite à gauche, qu’on a pu entendre pendant cette dernière campagne, montrent qu’on en est loin.
Ensuite une remise en cause des habitudes et des comportements politiques conformes à la gravité de la situation. Je me suis fait agonir sur les réseaux sociaux pour avoir osé suggérer l’ouverture de discussions entre toutes les composantes non perverties du paysage politique, de gauche mais aussi de droite comme le mouvement de Nicolas Dupont-Aignan, Debout la République.
Le repli en chapelle, l’exigence de pureté politique, le sectarisme ou l’ostracisme liés à des réputations plus qu’à des projets me paraissent stériles et contreproductifs, hérités d’un passé révolu.

Le chaos imposera de discuter avec toutes les composantes non corrompues de la République. Et celle-ci est un tout. On rappellera qu’au lendemain de la dernière guerre, le CNR (Conseil national de la Résistance) réunissait tout l’éventail politique de la société d’alors. Le résultat en fut-il moins remarquable ?

Le Yéti