Jean Dornac
Voilà un sujet qui, à première vue, semble bien futile. Pourtant, à y regarder de plus près, nous pourrions bien assister à une nouvelle dérive de la démocratie française. C’est encore une émission de télévision qui me fait réagir. Cette fois, il s’agit de « C dans l’air ». Cette émission n’est pas ma favorite, cependant, là encore, on peut y apprendre des choses qui ouvrent, ensuite, à la réflexion. Ce mardi 15 février, le sujet était le suivant : « Politique : Cherchez la femme ».
La préoccupation du présentateur et de ses invités tournait essentiellement autour de deux femmes : Carla Bruni-Sarkozy et Anne Sinclair-Strauss-Kahn. Au bout de l’émission, j’ai eu l’impression très désagréable que certains médias et instituts de sondage tiennent à les mettre en avant de manière à influencer notre futur vote. Si cette impression personnelle devait se confirmer, elle m’amènerait à me poser un certain nombre de questions.
Et le premier problème, qui saute aux yeux, c’est le sentiment, parfois même la certitude, que certains instituts de sondage nous manipulent sans doute pour favoriser le client du jour qui paie l’étude. Nous sommes bien sûr nombreux à douter de la valeur des sondages. Bien des élus ont également de gros doutes, puisque « le Sénat a adopté à l’unanimité, le 14 février 2011, une proposition de loi sur les sondages "visant à mieux garantir la sincérité du débat politique" ». Comme par hasard, le pouvoir et les instituts de sondage ne sont pas contents… Qui, donc, peut en être étonné, hormis les naïfs qui croient encore en la valeur des sondages ?
L’autre gros problème, selon moi, c’est cette façon de vouloir mettre les conjointes du Président et du candidat socialiste en avant, comme si elles étaient des pièces maîtresses de la politique française. Je m’empresse de préciser que je ne suis pas misogyne et que je réagirais exactement de la même manière si le conjoint d’une Présidente ou d’une candidate était un homme. Ce n’est pas un problème de sexe, mais de respect de la Constitution, donc de respect du peuple lui-même. En effet, selon celle-ci, les conjoints d’élus, qu’ils soient femmes ou hommes, n’ont aucun rôle à tenir dans la conduite de la politique française. Nous ne votons pas pour ces gens-là, si sympathiques qu’ils puissent être. À quel titre, Carla et Anne sont-elles des exemples capables de nous faire avoir les yeux doux pour leurs hommes ? Pour la beauté d’un regard ou d’un sourire ? Pour l’élégance de leurs tenues ? Ou pour quelle autre fadaise encore ?...
Je ne peux et ne veux penser que le peuple français soit devenu stupide au point de déterminer son choix en fonction de l’épouse d’un candidat. Si tel est, désormais, le cas, je ne sais pas ce que je fais encore dans un pays qui s’endort à la fois dans la consommation et les contes de fées pour midinettes. Une telle dérive donne fichtrement envie d’émigrer sous des cieux politiques un peu plus sérieux ! Certes, comme certains aiment à le rappeler, ces dernières semaines, les temps changent. Pour autant, cela signifie-t-il que nous devions encore une fois imiter les Américains pour qui les premières dames sont importantes, voire susceptibles d’influencer la politique de leur conjoint ? Si l’intention de certains médias et instituts de sondage est de nous faire glisser dans ces travers, alors, autant ne plus voter et définitivement. Le vote, chez nous et dans la plupart des pays est déjà une vaste mascarade, souvent parfaitement ridicule, tant seuls les riches peuvent prétendre être élus, la notion de démocratie électorale se confondant de plus en plus avec l’importance de la fortune du prétendant. La Présidence est, à l’évidence, de plus en plus considérée comme la propriété des castes richissimes. Si, de plus, désormais, il faut ajouter « les reines mères », nous entrons de plain-pied dans un sinistre carnaval !
Et on atteint les sommets du ridicule et d’absurdité lorsqu’on entend dire que si Carla avait un enfant de Sarko avant mai 2012, ce serait l’élection garantie pour Nicolas ! Serions-nous donc revenus au temps des monarchies où la naissance du Dauphin donnait l’espérance à tout un peuple, disait-on ? Je savais que pour le travail, à bien des égards, nous étions revenus au 19ème siècle, mais je ne pensais pas que nous étions déjà parvenus au 17ème siècle, bien avant la révolution, sur le plan politique et gouvernemental de la France… La question qu’il faut se poser, c’est de savoir si cette opinion résulte des fantasmes de nos sondeurs répondant à une demande pressante des hommes de pouvoir, ou s’il s’agit d’une réalité ? Autrement dit, dans ce deuxième cas, cela voudrait dire que la régression de la pensée politique, des notions de démocratie et de liberté auraient subi un recul faramineux. Là, ce serait à désespérer d’une possible évolution de notre pays.
Évidemment, il est légitime de se poser la question de savoir si ce recul n’est pas une réalité. Un très grand nombre de Français, de toutes les couches d’âge, ou presque, de toutes les couches sociales, se laisse grandement et stupidement manipuler par l’équivalent des tabloïds anglais, par les pseudos journalistes qui sévissent dans ce type de torchons débiles. Par ailleurs, on sait qu’un très grand nombre de citoyens laisse s’endormir toute conscience en s’abêtissant devant la téléréalité, cette sous-culture juste valable pour nourrir les cochons, et encore, je ne suis pas sympathique avec ces pauvres bêtes dans cette comparaison… Et puis, il ne faut pas oublier le poids qu’ont pu jouer les nombreux artistes qui ont fait le « show » pour Sarko dans la campagne de 2007. Tout cela ne permet pas d’être optimiste sur l’état d’esprit de nos compatriotes, du moins de ceux qui se laissent ainsi manipuler.
Autre point qui, à mes yeux, est essentiel : Que peuvent connaître, tant Carla que Anne, de ce que vivent les Français abandonnés à la pauvreté ou à la misère. Comment imaginer sérieusement, même dans le cas d’une journaliste que l’on dit « prestigieuse », que ces dames puissent ressentir dans leur âme, les souffrances de ces huit millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté, que l’on maintient volontairement dans cet état social, pendant que les deux femmes vivent de richesse, de célébrité, d’honneurs indus, de confort et de luxe ? J’en arrive à me demander, tant pour la femme du Président de droite extrême que pour celle du potentiel candidat socialiste, mais d’un socialisme caviar-champagne, s’il leur arrive seulement de penser sérieusement et sincèrement, dans le secret de leur cœur et de leur esprit au trop grand nombre de pauvres qui en sont réduits à survivre dans ce pays. Ont-elles d’autres réelles pensées que de trouver la meilleure manière d’aider à faire réélire leurs époux et, ainsi, de conserver leur statut de femmes riches et célèbres ?
En conséquence, je ne vois pas le moindre intérêt de parler de ces femmes, ou, éventuellement d’un homme, si une candidate voulait mettre son époux en avant. C’est ridicule et c’est un temps précieux de perdu. La France d’aujourd’hui mérite infiniment mieux que ces histoires à l’eau de rose, véritables somnifères pour endormir le libre arbitre des électeurs. Ne tombons pas dans ce piège grossier !
Jean Dornac
Le 20 février 2011
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