L’émotion soulevée par l’enlèvement et la
séquestration de 200 jeunes filles nigérianes est compréhensible et
légitime. Mais, quand cette émotion est en quelques heures
instrumentalisée mondialement, elle devient un objet politique de grande
magnitude qui mérite d’être analysé rationnellement.
L’émotion planétaire est orchestrée au plus haut
niveau : Michelle OBAMA lance elle-même la campagne aussitôt suivie par ses
clones parisiennes : Carla Sarkozy et Valérie Trierweiler. La propagande se
décide dans les lieux de pouvoir et le casting se fait directement dans les
alcôves présidentielles.
Cette mise en scène intervient au moment même où
le premier ministre chinois Li Kexiang est reçu par l’Union Africaine à Addis
Abeba et confirme l’intensification des relations économiques politiques et
sociales sino-africaines.
Pendant que Michelle Obama effectue sa
prestation, son mari s’occupe lui de la gestion de l’après-émotion. Pas de grand
show à la George Bush, le personnage est plus roublard ou plus fourbe, mais la
décision quasi immédiate d’envoyer dans le ciel nigérian des drones pour lancer
la chasse aux ravisseurs.
Le parallèle avec Septembre 2001 est instructif,
la dimension de l’évènement est moindre la réaction l’est aussi mais elle était
préconçue comme l’était l’assaut stérile et meurtrier sur l’Afghanistan.
Explication
La néo-domination de l’Afrique par les puissances
impérialistes néocoloniales, Etats-Unis en tête suivis avec un entêtement
persistant par le clone américano-sioniste « Hollando-Fabiusien » qui gouverne à
Paris, est à l’ordre du jour depuis la percée économique chinoise sur le
continent et l’adhésion de l’Afrique du Sud aux BRICS.
Elle s’est concrétisée, comme toutes les options
stratégiques des Etats-Unis qui prennent systématiquement et prioritairement la
forme d’un projet de domination militaire, par la création en 2008 d’AFRICOM
commandement militaire US intégré pour l’Afrique (Egypte exclue).
Depuis cette date, sans faire beaucoup de bruit,
l’armée US a déployé une activité régulière et diversifiée sur le continent et
le refus de façade des dirigeants africains d’accueillir sur leur territoire le
commandement d’AFRICOM qui reste en Allemagne n’a en rien entravé son
action.
1- Création d’une « base lourde ». Par « base
lourde » il faut entendre une installation permanente en dur où peuvent stationner
des milliers de personnes : militaires, « mercenaires » au sens de personnels
contractuels participant à des opérations militaires et personnels civils de
service. Telle est la base de Djibouti où progressivement la présence US sous
l’appellation de « EAST AFRICA RESONSE FORCE » éclipse l’ancienne présence
française en recul. De Djibouti peuvent partir des avions de transport (par
exemple pour acheminer des soldats français en Centrafrique) des drones (par
exemple pour bombarder au Yémen ou en Somalie) des forces spéciales (qui vont
partout) et des instructeurs chargés de former ou d’encadrer des forces armées
africaines (voir plus loin).
2- Création de « bases légères » : il s’agit
d’installations légères, démontables, discrètes à l’occasion pouvant accueillir
quelques dizaines de soldats mais bien équipées en matériel , bien
ravitaillées, bien connectées aux réseaux de transmission et dotées d’une piste
d’atterrissage. D’après l’enquête conduite par l’essayiste étasunien NICK
TURSE de telles bases existent aujourd’hui
NICK TURSE prend en compte les forces spéciales
qui sont hors statistiques militaires officielles (lesquelles minimisent les
chiffres en ne comptant que les militaires stricto sensu, sans les
« mercenaires » et sans les forces spéciales) et aboutit à un effectif global
d’AFRICOM en Afrique plus proche de 10.000 hommes que des 1500 affichés par le
Pentagone. « Base » ne signifie pas vaste installation mais au moins lieu fixe
de casernement, de ravitaillement et de raccordement au réseau de transmission
utilisable par des dizaines voire des centaines d’hommes.
- une base aérienne à Ouagadougou
- deux bases en République centrafricaine
à Obo et Djeme
- une base au Congo à Dungu
NICK TURSE s’intéresse également aux bases de
drones qui se trouvent au Niger, en Ethiopie et aux Seychelles et aux postes où
sont stationnées les forces spéciales de la Marine installées au Kenya et en
Ethiopie qui peuvent être dotés de pistes d’atterrissage pour les gros
transporteurs Hercules
3 – Accords de coopération permettant à l’armée
US d’utiliser des aéroports civils dans des dizaines de pays africains.
Pour cette activité des accords ont été passés
avec les gouvernements du Sénégal, du Maroc, du Nigeria, du mali du Botswana du
Ghana de la Tunisie d’Egypte pour utiliser les aéroports internationaux de ces
pays : au total la logistique militaire US a porte ouverte dans 29 pays
d’Afrique.
4 – Actions de formation d’armées africaines : la
création d’Africom a permis de passer d’une période où la formation d’officiers
africains se déroulait dans les écoles militaires aux Etats-Unis même et
gardait donc un caractère élitaire et onéreux à une formation de masse, de base
et à coût allégé directement dans le pays concerné. Ces formations sont
organisées et encadrées par des contractuels privés et les militaires sont
réservés aux cours et à la mise en pratique. Les formations sont diversifiées.
Il peut s’agir de formations au combat classique, à la recherche de
renseignements (espionnage), au maintien de l’ordre, ou aux opérations
humanitaires. De cette façon et avec l’aimable complicité des dirigeants
africains concernés les militaires US fabriquent des supplétifs pas chers,
formés à leurs standards, utilisant des matériels étasuniens, anglophones a
minima et dépendants à la fois
pour la logistique et les télécommunications des réseaux militaires US.
Sous le label ACOTA
Les actions de formation aux
opérations de maintien de la paix et aux opérations qualifiées d’humanitaires
ont lieu dans de nombreux pays :
Benin, Botswana, Burkina Faso, Burundi, Cameroun,
Djibouti, Ethiopie, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique,
Namibie, Niger, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Afrique du Sud,
Tanzanie, Togo, Ouganda et Zambie.
Les limites entre la formation à froid et la
formation « sur le tas » dans des opérations en cours sont difficiles à tracer.
Il semble que la seconde formule soit à l’œuvre au Sénégal, au Tchad, au Congo,
et en Ouganda.
Ces actions de formation ont lieu dans des locaux
et casernes financés et équipés par les Etats-Unis.
La formation au renseignement militaire a lieu
en Guinée au Niger et au Tchad.
Une opération géopolitique de grande
envergure
Cette politique de contrôle militaire indirect
des pays africains s’était, dans ses débuts, concentrée sur la bande
sahélienne. La destruction de la Libye, l’alignement ancien du Maroc et le
changement de gouvernement en Tunisie, lui ont permis d’étendre son influence sur
tout le Maghreb. Cependant les généraux algériens, sans repousser l’aide
militaire US et disposant à la différence de la plupart des généraux africains
de budgets confortables, s’efforcent de la maintenir dans les limites d’une
coopération pas trop inégalitaire.
Le sud du continent africain où n’existe pas,
jusqu’à présent, le prétexte de lutte contre le terrorisme, est resté assez à
l’abri des ambitions et des missions d’AFRICOM mais NICK TURSE, sur son site en
ligne TOM DIPSATCH, considère qu’AFRICOM intervient dans 49 Etats africains sur
55.
La crise des jeunes filles nigérianes vient à
point nommé pour permettre à AFRICOM de venir encadrer de plus près ce pays et
son armée, une armée nombreuse mais ravagée comme le pays tout entier par une
corruption extrême et qui a été incapable de venir à bout depuis 10 ans de BOKO
HARAM et probablement pour en faire la place forte anglophone d’AFRICOM et le
cœur du dispositif néocolonial US remarquablement placé au centre du
continent.
L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit du pays le plus peuplé
d’Afrique – 175 millions d’habitants -, de la première économie africaine, le
PIB nigérian - environ 500 milliards $ – venant juste de dépasser le PIB
sud-africain. (Un chiffre sur le niveau de développement du Nigeria pourtant
gros producteur de pétrole et de gaz : la consommation d’électricité par tête
d’habitant au Nigeria est de 1/100° de celle des Etats-Unis – dans sa grande
commisération, Michelle Obama aurait aussi pu le dire) et d’un gros
vendeur de pétrole aux Etats-Unis.
Source : www.globalresearch.ca
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