John V. Whitbeck
Les pays européens doivent prendre leurs responsabilités et contribuer à
faire avancer une solution au conflit israélo-palestinien.
Maintenant que le « processus de paix » sous l’égide des États-Unis a
rendu l’âme, l’Europe doit prendre l’initiative et tenter de faire
quelque chose d’utile pour les Israéliens, les Palestiniens et la paix.
Si les États européens imaginent toujours qu’une « solution à deux
États » encore décente est concevable, plusieurs initiatives utiles sont
à portée de main. Ils pourraient soutenir et renforcer l’initiative
juridique de deux États et se joindre aux 134 États qui ont déjà reconnu
diplomatiquement l’État de Palestine. Ils pourraient également exiger
des Israéliens requérant un visa pour visiter leurs pays, de produire
des documents attestant qu’ils ne sont pas résidents en Palestine
occupée. Et de façon plus constructive, ils pourraient imposer et
intensifier des sanctions économiques sur Israël jusqu’à ce que celui-ci
respecte le droit international et les résolutions des Nations Unies
(ONU ) et mette fin à son occupation vieille de 47 années.
Si les États européens ne sont pas disposés à prendre de telles
initiatives ou s’ils en sont arrivés à considérer, non sans raison,
qu’une « solution [décente] à deux États » n’était plus envisageable et
que la seule question qui vaille aujourd’hui est de savoir si l’État
unique d’aujourd’hui restera celui de l’apartheid ou pourra être
transformé en un régime démocratique, ils devraient réfléchir à leur
Histoire et leurs propres responsabilités afin de trouver la meilleure
façon d’aller de l’avant.
La dure réalité est que le sionisme est et a toujours été, un rêve d’antisémites devenu réalité, donnant l’espoir que les Juifs puissent être incités à partir et s’installer ailleurs.
Un rêve d’antisémites devenu réalité
L’homme politique britannique Arthur J Balfour,
qui a donné son nom à la fatidique déclaration de 1917, était un
partisan sincère de la loi sur les étrangers de 1905, spécialement
conçue pour endiguer l’afflux en Grande-Bretagne des juifs fuyant les
persécutions dans la Russie tsariste.
Plus tard, à la suite de l’Holocauste,
une abomination par ailleurs entièrement européenne, les gouvernements
européens ainsi que celui des États- Unis, du Canada et de l’Australie
ont honteusement écarté les protestations des pays arabes et ont fait de
la réinstallation des Juifs déplacés un devoir et une obligation pour
l’ensemble monde tout en refusant d’assouplir leurs restrictions à
l’immigration, forçant ainsi la plupart [des Juifs déplacés] à chercher à
construire une nouvelle vie en Palestine même si beaucoup d’entre eux
auraient préféré s’établir ailleurs.
Plutôt que de continuer à s’opposer à la justice, à la dignité
humaine et au droit international en soutenant de façon inconditionnelle
une expérience ethno-religieuse suprématiste et coloniale, les États
européens, qui ne sont plus aujourd’hui antisémites, peuvent et doivent
ouvrir leurs portes à tous les juifs israéliens qui pourraient être
tentés de construire une vie nouvelle et meilleure pour eux-mêmes et
leurs enfants en retournant dans leur pays d’origine, ou en émigrant
vers d’autres pays de leur choix. Ils devraient leur offrir un droit
immédiat de résidence, une aide généreuse à la réinstallation et un
accès rapide à la citoyenneté (s’ils ne l’ont pas déjà) .
Ces « lois de retour » tout à fait sincères seraient profondément
philosémites, pro-juives et, oui, anti-sionistes. Elles seraient
l’expression d’une reconnaissance morale, éthique et intéressée du fait
que le sionisme politique - comme certains autres « ismes » importants
du 20ème siècle qui ont un moment saisi l’imagination de millions de
personnes - a été une terrible mauvaise idée. Mauvaise non seulement
pour les innocents saisis et piétinés sur son chemin, mais aussi pour
ceux qui l’ont adoptée. Même si elle s’est avérée durable grâce au
soutien occidental, cette idée ne mérite pas d’être soutenue. Elle n’a
causé - et continuera à causer si elle se perpétue - que trop de graves
problèmes pour le monde occidental et ses relations avec le reste de la
planète.
Les États occidentaux aiment à invoquer des « mesures de confiance »
de la part des Israéliens, des Palestiniens et des autres Arabes sans
rien offrir eux-mêmes. Une initiative multinationale pour expier les
péchés du passé de l’Europe à l’égard de ses ressortissants juifs en
accueillant les juifs israéliens pour qu’ils se réinstallent dans les
États européens, constituerait une mesure de confiance extrêmement
constructive qui devrait logiquement ne soulever d’opposition que de la
part des gens qui sont soit des antisémites, soit des sionistes - ou les
deux à la fois.
Un espoir réaliste pour la paix
Dans le pays qui jusqu’en 1948 se nommait la Palestine, la démocratie
et l’égalité des droits dans un État unitaire - couplées avec la
liberté de choix et d’attrayantes options pour la réinstallation à
l’étranger pour ceux qui préfèrent ne pas vivre dans un tel État -
devraient offrir un espoir plus réaliste pour la paix avec une certaine
mesure de justice que la poursuite sans fin d’un « processus de paix »
basé sur une partition.
Cela a été largement reconnu comme un exercice cynique dont
l’objectif était de faire durer les choses et en cas de « réussite », de
tout simplement légitimer, récompenser et perpétuer le nettoyage
ethnique, le racisme et l’apartheid - difficilement une recette pour une
paix durable et encore moins pour n’importe quelle mesure de justice.
Les vieilles hypothèses dont le « succès » irréversible de
l’expérience sioniste, doivent à présent être remises en question. Même
des idées considérées auparavant comme hérétiques comme la
transformation pacifique de l’expérience sioniste - au moins en
opposition à sa forme actuelle, agressive, exclusiviste,
« d’État-nation du peuple juif » - et son remplacement par la démocratie
grâce à un choix volontaire plutôt que par la violence, doivent
maintenant être prises en considération.
Si les hommes politiques occidentaux se souciaient davantage du
bien-être et du bonheur des personnes de confession juive plutôt que
d’une minorité de sionistes riches et influents (dont la plupart vivent
confortablement et en toute sécurité, loin du Moyen-Orient), alors la
démocratie, l’égalité des droits et la liberté de choix - tous les
principes auxquels les États occidentaux prétendent être attachés -
pourraient en fait venir de la « Terre Sainte ».
Pour encourager les États européens à agir, les gouvernements des
États musulmans dont les ressortissants juifs ont émigré en Israël,
pourraient et devraient émettre une nouvelle déclaration post-Balfour,
stipulant que leurs propres anciens citoyens juifs ainsi que leurs
descendants sont invités à revenir dans leur pays d’origine, tout en
appelant publiquement et dans le même temps les États européens à faire
de même.
* John V Whitbeck : né en 1946 à New York, juriste
international installé à Paris depuis 1976, a été très impliqué dans
toutes les négociations de paix au Proche-Orient auxquelles il a
participé, dès la conférence de Madrid en 1991, comme conseiller
juridique des Palestiniens.
Photo : Le « succès » irréversible de l’expérience sioniste doit maintenant être remis en question, écrit Whitbeck - Photo : AFP
Info Palestine
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