lundi 26 mai 2014

Pacte de responsabilité : une erreur historique...

2CCR  

Economiser l’argent public est une nécessité. Les réaliser sur le coût du travail et les impôts constitue en revanche l’une des plus graves erreurs politiques de l’histoire sociale de la gauche. 

Après Lionel Jospin en 1999 – qui lance une politique de cadeaux fiscaux à grande échelle – une seconde fois le camp du progrès social se tire une balle dans le pied. Le gouvernement a pourtant les moyens de répondre à des besoins concrets et de moderniser les services publics. Mais au fait, que peut-on faire avec les 30 milliards d’euros qui seront consacrés chaque année à diminuer les charges patronales ?
Au-delà des engagements européens de la France, l’ampleur de la dette et du déficit public impose de faire des économies. Notre pays paie des années de laxisme, de droite comme de gauche. Des dizaines de milliards d’euros partis en baisses d’impôts inutiles durant la décennie 2000, qui n’ont fait que nourrir l’épargne des couches aisées. Chaque année, la collectivité débourse 40 milliards d’euros d’intérêts, l’équivalent du budget de l’enseignement primaire et secondaire. Ces intérêts vont dans la poche des rentiers, ceux qui ont les moyens de prêter à l’Etat…
On pourrait dégager des marges en luttant contre la fraude fiscale, en piochant dans ces niches dont le coût se chiffre toujours en milliards, dans les caisses des vendeurs de médicaments ou de l’élite des professions de santé, dans les marchés publics juteux, dans les méandres des investissements inutiles des collectivités locales. Laisser l’inflation réduire les salaires des fonctionnaires, le niveau des allocations logement ou les retraites relève de la facilité. Laisser l’inflation grignoter des revenus a l’effet d’une hausse d’impôt, qui porte sur les fonctionnaires et les titulaires de prestations, mais épargne les couches aisées du privé.
Il y a plus grave. Ces économies vont servir à réduire le coût du travail via le « pacte de responsabilité » pour l’essentiel et à diminuer les impôts des ménages de façon secondaire. En baissant les cotisations patronales, l’exécutif compte créer des emplois. A-t-il oublié les leçons du passé ? Les mesures d’exonération déjà prises n’ont jamais eu d’impact massif sur le chômage. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime par exemple que les 20 milliards du Crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi aboutiront à la création de 150 000 postes : 130 000 euros l’emploi, une pure hérésie économique ! Cette baisse des charges des entreprises va surtout nourrir les profits. Fonctionnaires, retraités et titulaires de prestations sociales vont faire un effort pour les actionnaires : il ne va pas être simple de leur expliquer pourquoi…
Pour bien comprendre l’immensité du désastre, il faut parler concret. Personne ne présente ce qui aurait pu être entrepris à la place des 30 milliards de baisse du coût du travail offerts aux entreprises. Accorder un minimum social à 500 000 jeunes en grande difficulté coûterait trois milliards. Un dixième du total. Autant que la dépense annuelle pour 200 000 places de crèche. 60 000 logements sociaux annuels pèsent moins d’un milliard – financement de l’Etat et des collectivités locales compris. Une aide de 300 euros mensuels pour 300 000 personnes âgées démunies vivant en maison de retraite, c’est un milliard. L’ensemble de ces dépenses ? À peine plus d’un cinquième de ce qui partira en fumée dans le pacte de responsabilité. À la question : que ferions-nous pour la France si nous avions 30 milliards ? La réponse est vite trouvée.
On pourrait continuer la liste des urgences sociales que le secteur privé seul ne peut pas satisfaire, des transports en commun à l’environnement, en passant par la rénovation des prisons, l’accès aux soins, la modernisation des écoles, l’accès aux loisirs ou à la culture, la réduction de la dette publique. Ou prendre le problème autrement. Créez un fond de développement associatif doté de trois « petits » milliards (donc, un dixième de l’addition pacte de responsabilité), qui verserait 15 000 euros (c’est beaucoup) aux associations par an par emploi créé, à charge pour elles de trouver un complément issu de leurs activités. Vous obtenez plus de 200 000 emplois. De la culture aux loisirs, de l’aide aux jeunes ou aux aînés, de l’environnement au tourisme, les gisements du tiers secteur sont immenses.
Pour la première fois de l’Histoire, un gouvernement socialiste arrivé au pouvoir ne laissera derrière lui aucune conquête sociale. 1936, 1981, 1997 : à chaque fois, l’alternance aura été marquée par un progrès. Le renoncement actuel marque une étape, et ouvre un boulevard électoral au Front national comme parti du changement.  Le parti socialiste est déboussolé. Dopé aux sondages, alimentés en notes de synthèse par une poignée d’énarques, il flaire l’air médiatique et intellectuel du temps.

Le président de la République, enfermé dans l’univers clos de l’Elysée, a commis une sorte de suicide politique. Il a déjà emporté avec lui une grande partie des élus de gauche au niveau des communes, ce sera le cas demain aux autres échelons. Il emporte surtout les espoirs de beaucoup de ceux qui ont voté pour lui …


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