vendredi 16 mai 2014

Servier nous prend pour des cornichons, et il a bien raison : ça marche !

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Gilles Devers
Oh la bonne blague ! Un grand moment de détente hier soir quand, rentrant d’une gaillarde veillée de prières, j'ai lu notre belle presse enthousiaste : Servier, une maison adorable et bienfaitrice, va indemniser tous ceux qui ont souffert du Médiator. Si Olivier Laureau, le nouveau pédégé de Servier, est atteint de gerçures, il a dû souffrir le martyr.
Voici cette déclaration, reprise partout : « Dans le cadre de l'Oniam et des affaires civiles, nous avons indemnisé, nous indemnisons, et nous indemniserons tous les patients qui ont souffert du produit. Nous assumerons nos responsabilités »
Supercool le père Noël Laureau… : « Tu as souffert mon chéri ? Viens vite, que je t’indemnise dans mes petits bras musclés ». De la grosse entourloupe, avec le virus de cornichonite aiguë...
1/ « Dans le cadre de l’ONIAM… ». Donc le père Noël Laureau va payer dans le cadre de l’ONIAM. Pas de chance : l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux) est un organisme public, dans lequel Servier n’a rien à faire… et qui, au contraire, paie quand Servier ne paie pas… Comme grosse truanderie, c’est pas mal.
2/ « Dans le cadre de l'Oniam et des affaires civiles, nous avons indemnisé, nous indemnisons, et nous indemniserons… ». C’est plus qu’ambigu. Une entreprise souscrit des contrats d'assurance pour tout ce qui concerne sa responsabilité civile. C’est donc, par principe, à l’assureur d’indemniser… sauf que la compagnie AXA a expliqué qu’elle avait pris en charge un antidiabétique, et que si le médicament est en fait anorexigène, un coupe-faim, elle n’est plus concernée. Rien à dire, car c'est la base du droit des assurances : la définition du risque. Si Servier annonce qu’il va payer lui-même, c’est qu’il a bien entourloupé son assureur. Donc, rien de généreux, mais seulement l’attitude du mec minable pris les doigts dans la confiture, et qui, l’air dégagé, vous récite les poèmes d’amour d'Alphonse de Lamartine.  
3/ « Nous indemniserons tous les patients qui ont souffert du produit »… C’est là le nœud du problème. « Ceux qui ont souffert », ça ne veut rien dire. La seule formule rigoureuse, c’est « Servier indemnisera le dommage qu’il a causé ». Le lien de causalité, qui peut être indirect, mais qui doit être certain. Et là, Servier joue sur du velours... Les experts rejettent les dossiers par masse justement car ils ne parviennent pas à prouver le lien de cause à effet. Les expertises concluent qu’il y a des probabilités, mais pas de certitudes… Dans ce cas, tout prend fin, car le lien de causalité doit être certain. Mais, me direz-vous, Servier va indemniser au vu du seul constat de la souffrance… Sauf, que c’est impossible, car le critère est subjectif… et ce serait une infraction pénale. Une entreprise ne peut pas indemniser « ceux qui souffrent », si sa responsabilité civile, au sens de la loi, n’est pas engagée. Ce serait de l’abus de bien social : des versements à des particuliers, qui n’entrent pas dans l’objet de la société. À moins que Servier ne crée une société de bienfaisance pour les nécessiteux… Trop drôle…
4/ « Nous assumerons nos responsabilités »… Que c’est beau… mais ça n’a aucun sens ! Si la responsabilité est, en droit, établie, Servier est condamné à payer. Et ce n’est pas lui qui décide, mais le tribunal. Donc tu assumes quoi, père Noël de mes deux ?  
C’est donc une grosse entourloupe, qui nous montre hélas une nouvelle fois que la presse est toxicomane à l’émotion. Ce qui est vénéré, c’est la vieille culture de l’inculte Naboléon : avouer et faire avouer, c’est la base de la civilisation. Pas la mienne, petits rats...
D’ailleurs, le drolatique Laureau redevient vite la mère Fouettard dès qu’on parle des choses vraies, ie le procès : « Servier entend défendre sa position avec détermination, car il y a beaucoup d'éléments dans le dossier qui n'ont peut-être pas été dits, entendus, donc on le fera entendre ». Là, c’est clair : on n’a pas avancé d’un centimètre.
Et pour finir le couplet racaille sur le respect : « Malgré des attaques injustes et quelquefois excessives, nous avons toujours eu le plus grand respect pour les patients et pour l'institution judiciaire ».
Nous voilà rassurés : Servier respecte les patients et la justice… C’est nul. Franchement, je préférais le Papy Servier, avec l’œil qui brille de celui qui sait. Au moins lui, il jouait cash. Tiens, il faut que vérifie si Valls et père Noël Laureau n’ont pas la même agence de com’… 

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