Gilles Devers
Oh
la bonne blague ! Un grand moment de détente hier soir quand, rentrant
d’une gaillarde veillée de prières, j'ai lu notre belle presse enthousiaste
: Servier, une maison adorable et bienfaitrice, va indemniser tous ceux
qui ont souffert du Médiator. Si Olivier Laureau, le nouveau pédégé de
Servier, est atteint de gerçures, il a dû souffrir le martyr.
Voici cette déclaration, reprise partout : « Dans le cadre de l'Oniam et
des affaires civiles, nous avons indemnisé, nous indemnisons, et nous
indemniserons tous les patients qui ont souffert du produit. Nous
assumerons nos responsabilités ».
Supercool le père Noël Laureau… : « Tu as souffert mon chéri ? Viens vite, que je t’indemnise dans mes petits bras musclés ». De la grosse entourloupe, avec le virus de cornichonite aiguë...
1/ « Dans le cadre de l’ONIAM… ». Donc le père Noël Laureau va payer dans le cadre de l’ONIAM.
Pas de chance : l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents
Médicaux) est un organisme public, dans lequel Servier n’a rien à faire…
et qui, au contraire, paie quand Servier ne paie pas… Comme grosse
truanderie, c’est pas mal.
2/ « Dans le cadre de l'Oniam et des affaires civiles, nous avons indemnisé, nous indemnisons, et nous indemniserons… ». C’est plus qu’ambigu. Une entreprise souscrit des contrats d'assurance pour tout ce qui
concerne sa responsabilité civile. C’est donc, par principe, à
l’assureur d’indemniser… sauf que la compagnie AXA a expliqué qu’elle
avait pris en charge un antidiabétique, et que si le médicament est en fait anorexigène,
un coupe-faim, elle n’est plus concernée. Rien à dire, car c'est la
base du droit des assurances : la définition du risque. Si Servier annonce qu’il va payer lui-même, c’est qu’il a bien entourloupé
son assureur. Donc, rien de généreux, mais seulement l’attitude du mec
minable pris les doigts dans la confiture, et qui, l’air dégagé, vous
récite les poèmes d’amour d'Alphonse de Lamartine.
3/ « Nous indemniserons tous les patients qui ont souffert du produit »… C’est
là le nœud du problème. « Ceux qui ont souffert », ça ne veut rien
dire. La seule formule rigoureuse, c’est « Servier indemnisera le
dommage qu’il a causé ». Le lien de causalité, qui peut être indirect,
mais qui doit être certain.
Et là, Servier joue sur du velours... Les experts rejettent les
dossiers par masse justement car ils ne parviennent pas à prouver le
lien de cause à effet. Les expertises concluent qu’il y a des
probabilités, mais pas de certitudes… Dans ce cas, tout prend fin, car
le lien de causalité doit être certain. Mais, me direz-vous, Servier va
indemniser au vu du seul constat de la souffrance… Sauf, que c’est
impossible, car le critère est subjectif… et ce serait une infraction
pénale. Une entreprise ne peut pas indemniser « ceux qui souffrent », si sa
responsabilité civile, au sens de la loi, n’est pas engagée. Ce serait
de l’abus de bien social : des versements à des particuliers, qui
n’entrent pas dans l’objet de la société. À moins que Servier ne crée
une société de bienfaisance pour les nécessiteux… Trop drôle…
4/ « Nous assumerons nos responsabilités »… Que c’est beau… mais ça n’a aucun sens ! Si la responsabilité
est, en droit, établie, Servier est condamné à payer. Et ce n’est pas
lui qui décide, mais le tribunal. Donc tu assumes quoi, père Noël de mes
deux ?
C’est
donc une grosse entourloupe, qui nous montre hélas une nouvelle fois
que la presse est toxicomane à l’émotion. Ce qui est vénéré, c’est la
vieille culture de l’inculte Naboléon : avouer et faire avouer, c’est la
base de la civilisation. Pas la mienne, petits rats...
D’ailleurs, le drolatique Laureau redevient vite la mère Fouettard dès qu’on parle des choses vraies, ie le procès : « Servier entend défendre sa position avec détermination, car il y a beaucoup d'éléments dans le dossier qui n'ont peut-être pas été dits, entendus, donc on le fera entendre ». Là, c’est clair : on n’a pas avancé d’un centimètre.
Et pour finir le couplet racaille sur le respect : « Malgré
des attaques injustes et quelquefois excessives, nous avons toujours eu
le plus grand respect pour les patients et pour l'institution
judiciaire ».
Nous
voilà rassurés : Servier respecte les patients et la justice… C’est
nul. Franchement, je préférais le Papy Servier, avec l’œil qui brille de
celui qui sait. Au moins lui, il jouait cash. Tiens, il faut que
vérifie si Valls et père Noël Laureau n’ont pas la même agence de com’…
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