Gilles Devers
Saluant
« l’arrestation du tireur présumé », François Hollande a souligné que Mehdi
Nemmouche avait été interpellé « dès qu’il a mis le premier pied en France ».
Certes, mais comme l’a précisé François Molins, le procureur de la République de
Paris, c’était lors d’un contrôle inopiné par les douaniers, vendredi à la
mi-journée à la gare routière Saint-Charles à Marseille, dans un autocar en
provenance d’Amsterdam via Bruxelles.
Après Merah, Nemmouche : nos services sont-ils des passoires ?
Les
faits
Il convient d’être prudent sur les faits, car
hier nous avions droit sur les plateaux télé au défilé des experts
auto-proclamés, et c’était parfois… disons cocasse.
J’en resterai donc aux déclarations du procureur de
Paris. Il s’est lui-même montré réservé, car la personne arrêtée oppose le
silence aux questions des enquêteurs. S’agissant de la culpabilité, il évoque
« un très fort faisceau d’indices graves et concordants », et son alter ego
belge, Frederic Van Leeuw, le procureur fédéral du royaume, s’est prononcé dans
le même sens. La personne correspond au signalement possède des armes comme
celles ayant été utilisées et aurait un enregistrement vidéo de revendication.
Après, on parle d’une appartenance aux combattants de l’Etat islamique de l’Irak
et du Levant (EIIL)… Personne n’y était pour le vérifier, et l’enquête
commence.
Beaucoup
plus troublant est le suivi de ce jeune homme, de retour de Syrie. Je ne dis pas
que c’est simple, je pense même que c’est très compliqué, mais chacun voit que
rien n’a marché… alors que le type était signalé dès sa sortie de
prison.
Mehdi
Nemmouche a été condamné à sept reprises de 2004 à 2009, notamment pour des vols
avec violence, avec un dernier séjour en prison qui a duré près de cinq ans, de
2007 à 2012. Cinq ans fermes, c’est un client sérieux. Au cours de la détention,
il se serait illustré « par son prosélytisme extrémiste » et son « radicalisme
religieux », de telle sorte qu’il avait été signalé aux services de
renseignement.
Beaucoup
de questions
En fait, trois semaines après sa libération, en
décembre 2012, il s’est rendu en Syrie, via Bruxelles,
Londres, Beyrouth et Istanbul. Ça fait quatre billets d’avion pour quelqu’un qui
sort de cinq ans de prison, n’a pas de travail, ni de famille… et un parcours
ultra-sensible. Question 1 : Les services étaient-ils informés ?
Il
a alors été inscrit au fichier des personnes recherchées (FPR) et au fichier
Schenghen. La frontière entre la Turquie et la Syrie est le lieu de passage pour
rejoindre les groupes armés. Questions 2 et 3 : Les services ont-ils été
informés ? Quel est le niveau de coopération entre les polices turques et
européennes ?
Il a quitté la Syrie début 2014. Question 4 : Était-il
impossible pour la DGSE (Direction générale des services extérieurs), qui dépend
de la Défense, de le repérer ? Question 5 : Un Français, listé sur le fichier
des personnes recherchées (FPR) et revenant d’un an de séjour dans la zone
combattante de la Syrie est-il signalé à la police française ? Question 6 : Si
la réponse est non, pourquoi ?
Pour
le retour, il a quitté Istanbul le 21 février 2014 pour la Malaisie, où il a
séjourné un mois et demi en effectuant de courtes escapades à Singapour et à
Bangkok, et il est arrivé en Allemagne le 18 mars 2014. La police, intriguée par
ce parcours, l’a signalé à Paris, et la DCRI l’a inscrit comme personne à
surveiller, avec une fiche dite « S ». À ce stade, il est probable à 99% que ce
type, multirécidiviste, signalé radical, a passé un an dans les zones de combats
en Syrie. Question 7 : Que font les services ? Question 8 : Comment s’organise
la coopération avec les services allemands ? Question 9 : Est-il crédible de dire
que l’on perd sa trace car il est sans domicile fixe ? Le renseignement ne sait
pister que les terroristes qui sont propriétaires d’un pavillon à
Nogent-sur-Marne ?
Je
sais que c’est difficile, et les chiffres donnés hier étaient de 780 de jeunes
Français partis dans les zones combattantes en Syrie. Un chiffre considérable.
Or, cette affaire est très inquiétante, car tout était visible par le passage
dans les aéroports pour ce compatriote signalé… et rien n’a marché.
Les
politiques au niveau…
François Hollande a été très explicatif : « Nous
les combattrons, nous les combattrons, nous les combattrons ». Merci, François,
reviens quand tu veux.
Nouveau ministre de l’Intérieur en juin 2012, Valls avait
stigmatisé les carences des services dans l’affaire Merah, et lancé un plan
incluant la refonte incluant la refonte de la Direction centrale du
renseignement intérieur (DCRI) en une Direction générale de la sécurité
intérieure (DGSI),
ce 12 mai. Comme réussite par rapport à l’affaire
Merah, c’est pas flagrant…
Le
supplétif Bernard Cazeneuve a expliqué hier qu’au niveau international « la
coopération de nos services est immense », annonçant « Je souhaite faire voter
les mesures législatives indispensables à un meilleur contrôle des candidats au
djihad ». Ouf ! Tout va aller mieux avec une nouvelle loi…
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