La Croatie a célébré le 1er
juillet son premier anniversaire dans l’Union européenne. Le
panneau de signalisation frappé de l’inscription « douane » avait
l’an dernier été symboliquement retiré du passage frontalier avec la
Slovénie, la seule ex-République yougoslave qui
ait rejoint à ce jour l’UE depuis le démantèlement de l’ancienne
fédération communiste. Un panneau portant le signe de l’UE avait été
dans le même temps installé à l’extrême est du pays, à la
frontière avec la Serbie, pays à qui Bruxelles a également donné
l’an dernier son feu vert pour l’ouverture de négociations d’adhésion.
Aujourd’hui, l’ambiance est à la morosité. Zagreb ne
parvient en effet ni à enrayer ses problèmes structurels, ni à enrayer
un déclin économique, un déclin qui semble
inéluctable. Seule embellie : l’année 2014 devrait enfin mettre un
terme à cette chute programmée en affichant une croissance nulle. Mais
au cours des cinq années précédentes, son produit
intérieur brut a diminué de 13 % alors que les analystes de toutes
tendances prévoient une stagnation du pays sur le long terme. Pour
aggraver les choses, Zagreb attendait de son entrée dans
l’espace économique européen un flux plus important
d’investissements en provenance de l’étranger. Hors, ces derniers sont
allés decrescendo au fur et à mesure que son entrée dans l’UE
approchait.
Le
pays enregistre le troisième taux de chômage le plus important en
Europe. 17,2 % en mars 2014, juste après
la Grèce (26,8 %) et l’Espagne (26,8 %). Et le scénario s’avère
encore plus sombre chez les moins de 25 ans. Environ un jeune Croate sur
deux est sans emploi (49,7 %), comme en Grèce (58,3 %) ou
en Espagne (55,5 %). « Il est tellement difficile de trouver un emploi que mes amis n’ont même pas envie de se mettre à chercher », raconte Kristina, 24 ans, étudiante
en dernière année de Master en sciences humaines.
Placé
sous la férule de Bruxelles, le gouvernement croate n’a désormais plus
de marge de manœuvre pour faire
face aux difficultés : la dette publique, qui représentait il y a un
an 59,6 % du PIB, s’élève aujourd’hui à 64,7 %, ce qui a conduit les
gardiens de l’orthodoxie à engager une
procédure pour déficit excessif à l’encontre du pays. Ce dernier
a répondu aux injonctions en opérant des coupes claires dans son budget
qui ont permis de réduire, bien que très
marginalement, le déficit en cause. Mais ces mesures interdisent de
disposer des ressources à affecter aux investissements plus que
nécessaires pour moderniser l’économie et stimuler la
croissance. Pendant longtemps,
Zagreb s’est engagé à réformer l’administration publique héritée
de l’ex-Yougoslavie, engageant des réductions d’effectifs sans
reclassement dans d’autres secteurs, entraînant de facto la
précarisation de milliers de personnes. Les mesures d’austérité imposées par les experts de la troïka ont au contraire enfoncé un peu plus la Croatie dans la
crise.
La perspective de trouver des hydrocarbures dans la mer
Adriatique est la seule bonne nouvelle. Le bénéfice financier
espéré pourrait être une belle manne pour remplir les caisses de Zagreb,
mais l’exploitation commencerait dans le meilleur des
cas dans une dizaine d’années. Et les travaux ne seront pas
gratuits.
Pour les libéraux, l’objectif est en tout cas atteint : « nous
avons obtenu des frontières sans
douanes, de nouveaux passeports et des frais d’itinérance moins
coûteux. Mais seul le gouvernement croate peut encore initier les
changements que les citoyens attendent vraiment… L’Union
européenne n’est pas une baguette magique mais attend un partenaire
sérieux, en mesure d’expliquer précisément ce dont il a besoin, pour
quelles raisons et de quelle façon il entend l’obtenir.
Mais pour cela, il faut engager des réformes et cela fait des
décennies que la Croatie attend leur mise en œuvre. »
Les
membres du gouvernement de Zoran Milanović, Premier ministre depuis
2011, clamaient en chœur il y a
encore peu de temps que les Croates pariaient sur d’importants
bénéfices à long terme de leur entrée dans l’Union européenne, tout en
acceptant les conséquences négatives à court terme. Lors des
dernières élections européennes, seuls 20,84 % des électeurs avaient
pris part au vote, ridiculisant le sens même du scrutin. Et le
sentiment de subir, à peine entré dans l’antre bruxellois, le
sort de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal et de Chypre a
certainement refroidi les ardeurs.
En Croatie, le rêve européen s’est
transformé en cauchemar.
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