À l’occasion du centenaire de
l’assassinat, jeudi 31, de la figure socialiste, le coprésident du Parti
de gauche, Jean-Luc Mélenchon, fustige François Hollande et Manuel
Valls.
Jaurès ! Ils n'ont plus que ce nom à la
bouche ! Sarkozy avant-hier, Le Pen hier, Hollande et Valls aujourd'hui!
D'où leur vient cette audace ? Pour reprendre les mots du tribun, s'ils
se battent autant pour les cendres, c'est pour mieux étouffer la braise.
Manuel Valls voulait l'enrôler pour ses sordides cadeaux au Medef.
Jaurès aurait « sans doute » voté le pacte de responsabilité, a-t-il osé
! Faire parler les morts pour endormir les vivants. L'arnaque ! Jaurès
aurait plutôt affronté Valls comme il avait affronté son modèle, Georges
Clemenceau, quand il fallait soutenir les travailleurs face à la
répression.
Une chose est sûre. Jaurès n'était pas un gentil garçon. Il ne
cherchait pas l'estime des mous. Vous imaginez François Hollande capable
de dire, comme lui, à propos de la Révolution française : « Je ne
veux pas faire à tous ces combattants qui m'interpellent une réponse
évasive, hypocrite et poltronne. Je leur dis : "Ici, sous ce soleil de
juin 1793 qui échauffe votre âpre bataille, je suis avec Robespierre, et
c'est à côté de lui que je vais m'asseoir aux jacobins. Oui, je suis
avec lui parce qu'il a à ce moment toute l'ampleur de la Révolution " »
Jean Jaurès avait obtenu une première loi fixant l'âge de la retraite
à 65 ans. C'était en 1910. Hollande vient de le reporter à 66 ans,
comme il s'en est vanté auprès de la Commission européenne. Un siècle
après, Hollande a fait pire que la réforme de Sarkozy et défait ce que
Jaurès et tant de générations de militants avaient arraché au prix de
tant d'efforts.
Jean Jaurès n'était non plus pas
l'inoffensif « réformiste » que décrit Manuel Valls pour mieux le couper
de l'aspiration révolutionnaire. Fausse route. Jaurès n'opposait pas
les deux, loin de là. Son discours de 1900 sur « les deux méthodes » le dit avec clarté. Jaurès voulait faire « dans la réforme, œuvre commençante de révolution ; car je ne suis pas un modéré, je suis avec vous un révolutionnaire ».
Contrairement à Jérôme Cahuzac, qui n'a « jamais cru » à la lutte des classes, Jean Jaurès l'identifiait : «
Entre les deux classes, entre les deux groupes d'intérêts, c'est une
lutte incessante du salarié, qui veut élever son salaire, et du
capitaliste, qui veut le réduire ; du salarié, qui veut affirmer sa
liberté, et du capitaliste qui veut le tenir dans la dépendance. »
Jaurès
n'était pas un apôtre de la moralisation du capitalisme ni du «
donnant-donnant » avec le grand patronat et autres sornettes élyséennes.
Il prônait tout autre chose ! Nationalisations, coopératives,
mutuelles… Jaurès laissait le soin aux travailleurs de définir la forme
concrète que devrait prendre la propriété collective. Mais il en
défendait fermement le principe, « l'avènement d'un ordre nouveau
dans lequel la propriété, cessant d'être monopoleuse, cessant d'être
particulière et privée, deviendra sociale, afin que tous les producteurs
associés participent à la fois à la direction du travail et au fruit du
travail ».
La presse jouait l'exploitation des peurs pour exciter contre les « terroristes » de son temps ? Il voit le dégât si actuel : « À
un peuple ainsi affolé, ainsi abêti par la peur, toute foi en la race
humaine et en l'avenir n'apparaît que comme une dangereuse chimère,
comme une meurtrière illusion. Il ne comprend même plus que le progrès
est la condition de l'ordre. » Quand Hollande abdique le pouvoir
des Français dans les mains des androïdes de la Commission européenne,
Jaurès lui tire l'oreille : « Partout en Europe la lutte est engagée entre les oligarchies et la démocratie politique et sociale. » Quand il voit que Hollande leur a aussi cédé le pouvoir budgétaire du pays, il tonne : « La démocratie politique s'exprime en une idée centrale ou mieux encore en une idée unique : la souveraineté politique du peuple. » Quand Hollande soutient le gouvernement Netanyahou, il se fâche : « Il ne faut jamais abandonner à la force ce que la raison peut régler. »
Déjà caricaturé en bête furieuse, parfois une torche incendiaire à la
main, toujours une bouteille de vin dans la poche, ou décrit comme un
agent de l'étranger, il lui faut tout subir. Un député de droite monte
même à la tribune et le frappe tandis qu'il parle. Parfois le cœur
saigne : « Je n'en peux plus. Depuis quelque temps, je les sens tous
là, prêts à m'insulter dans ma femme ou dans ma fille. Je reçois des
lettres d'ordures. Je sens grimper les limaces. Je me sens couvrir de
crachats. » Mais l'espoir est indéracinable : « Nous savons par
une expérience qui s'appelle la Révolution française qu'il ne faut
jamais désespérer et qu'un jour ou l'autre, dans notre pays de France,
la grandeur des événements répond à la grandeur de la pensée !" »
Jaurès, reviens ! Ils ont changé de camp !
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