Charles Sannat
Nous sommes, nous autres les contrariens, des « cassandres », des «
oiseaux de mauvais augure », bref, des pessimistes !
Ce mot est
généralement lâché par nos interlocuteurs (enfin ceux qui acceptent
encore de parler avec nous d’autre chose que de la pluie et du beau
temps, et en plus même sur la pluie et le beau temps, il y aurait bien
des choses à dire en tant que contrarien, mais passons) en manque
d’arguments comme une insulte « élégante » qui claque comme le fouet et
dont le but est de clore tout débat.
Tu es pessimiste, bouh c’est pas bien du tout et on ne parle pas avec
un pessimiste. Pourquoi ? Parce que dans notre société policée,
bien-pensante et cucul-gnangnan tout doit être exprimé comme l’a si bien
expliqué Bernard Kouchner avec « douceur ». En un mot : soit mièvre ou
tais-toi !
Alors dans ce monde où tout le monde il est beau (alors que les laids
ont toujours existé), dans ce monde où tout le monde il est gentil
(alors qu’il n’y a jamais eu autant de méchants décérébrés et violents),
exprimer une réalité délicate, difficile ou douloureuse est tout
simplement prohibé et cela vous renvoie à la saillie de notre grand
bien-aimé chef de la République, le Sieur François Hollande, rouge de
colère face aux propos « inconséquents » de pessimisme tenus par l’autre
chef du Medef.
Vous serez donc systématiquement taxé de pessimisme à chaque fois que
vous pointerez du doigt une réalité, un risque, un problème ou encore
une probabilité de soucis possible.
La mode est à l’optimisme béat
En politique, en privé ou encore dans les entreprises, tout doit être
exprimé de façon positive. Un nouveau projet c’est forcément bien,
c’est beau, c’est grand, c’est positif, c’est enthousiasmant même si
l’idée qui le sous-tend est totalement crétine.
Le petit problème avec cette culture stupide de l’optimisme béat
c’est qu’évidemment elle vous fait juste passer à côté des risques
essentiels, et comme les faits tout comme la réalité sont très têtus, en
général cela se finit mal. C’était évident, c’était prévisible mais
uniquement pour les « pessimistes ». Pas pour les optimistes !
Dans mes pérégrinations et recherches diverses, je suis donc tombé
sur cet article assez surprenant concernant la découverte des « Cinq
vertus inattendues du pessimisme ».
Pour tout vous dire, c’est cet article qui était inattendu car vous,
mes chers lecteurs, qui faites partie de cette espèce de bande ignoble
de contrariens pessimistes, il ne vous apprendra rien tant vous
pratiquez le pessimisme constructif de façon naturelle et quotidienne.
Le pessimisme est un garde-fou ! Sans blague !
« Même si l’optimisme est une valeur cardinale en ces temps troublés,
on ne peut pas toujours voir tout en rose. Véritable garde-fou, le
pessimisme active la vigilance qui évite revers et fiascos et peut même
stimuler la créativité, selon Philippe Gabilliet, professeur de
psychologie à ESCP-Europe… » Sans blague. C’est une évidence et cela
s’appelle même tout simplement de la prudence. Mais comme dans nos
sociétés profondément malades et « psychotoxiques » nous en oublions
même jusqu’au bon sens de base. La toute simple prudence.
Voici les fameuses cinq vertus selon l’auteur.
1. Détecter les failles
Dans ce paragraphe, vous pourrez trouver deux perles que je vous cite :
« Toutefois, gare à ne pas en abuser parce que cette vision pourrait
vous intoxiquer ou intoxiquer votre voisinage. » Traduction contrarienne
: avec une autruche cela ne sert à rien d’en dire trop car l’autruche
en question ne veut surtout pas savoir, donc si vous voulez avoir encore
des amis, apprenez à vous taire.
« N’oubliez jamais que l’étape d’après, c’est le découragement.
À recommander exclusivement à l’équipe de direction ou au manager à
titre individuel. » Traduction contrarienne, évidemment le « pessimisme »
est une qualité de « chef » et de « leader ». Cela dit, pour les
troupes et la France d’en bas, ne rien leur dire, il faut continuer à
bien lobotomiser les masses (cf. les paroles de notre président au
patron du Medef sur la confiance du consommateur).
2. Anticiper le pire
3. Bâtir des plans B… et C
4. Évaluer ses marges de manœuvre
5. Aiguiser sa faculté de discernement
Le pessimisme, contrairement à l’optimisme béat, ne va pas entraîner
de sidération. Le langage populaire est rempli de proverbes et dictons
de bon sens rappelant ces règles évidentes de prudence comme par exemple
« un homme averti en vaut deux », « jamais deux sans trois », « ne pas
mettre tous ses œufs dans le même panier », « diriger, c’est prévoir », «
prévoir le pire, espérer le meilleur » ou encore « la prudence est mère
de sûreté ».
Alors à vous tous mes chers amis, contrariens et pessimistes, en
vérité je vous le dis, dans le monde qui s’annonce, seuls les
pessimistes qui sauront anticiper survivront et pour anticiper il n’y a
plus de place pour l’optimisme béat que l’on nous sert à longueur de
journée même s’il est très confortable d’y croire. Vous voulez faire
survivre votre patrimoine ? Alors il faut avoir une lecture critique des
événements et ce n’est là qu’une application concrète non pas du
pessimisme mais encore une fois de la simple prudence.
Ce qui est étonnant, quoique finalement plus rien ne soit surprenant
dans notre société « crétinifiée » et totalement ramollie, c’est qu’il
faille un article dans lequel un professeur d’une grande école française
redécouvre l’eau chaude et le fil à couper le beurre comme s’il
s’agissait là d’une grande et belle découverte.
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