mardi 21 octobre 2014

Le plug qui cache la forêt

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La liberté d’expression d’un artiste doit être totale. C’est pour moi un postulat de départ indiscutable et non négociable. Ensuite, dans le bazar de productions plus ou moins artistiques, que le talent reconnaisse les siens.

De Dieudonné à MacCarthy en passant par Serrano, pas de compromis possible. Aucun état, aucune police, surtout pas un ministre de l’intérieur, pas plus qu’un groupe de pression quelconque ou quelque communautarisme sectaire, , ou là, n’a à juger en mon nom de ce qui est bien ou mal, beau ou pas, admissible ou proscrit.
Il n’y a de danger que de ligne officielle, de comité central du bon goût, que de ministère « de la promotion de la vertu et de la prohibition du vice », que de commission esthétique de la morale et des bonnes mœurs, bref que d’arbitraire.
Car si on sait à peu prés où commence la censure, on ne sait jamais où elle finit et assister aujourd’hui à l’écoeurant retour sur les réseaux sociaux des mots « art dégénéré » avec pour référence le sophiste Zemmour, on a le Savonarole qu’on peut, fait froid dans le dos.
L’art étant l’évidente sentinelle des assauts obscurantistes et liberticides, il s’agit absolument de ne rien céder à la tartuferie ambiante, au fanatisme rampant, aveuglé par ses sinistres certitudes.
Car, il est de notre responsabilité raisonnable d’apprendre à penser contre soi, et si ce n’est d’aimer ce qui nous dérange, du moins d’apprécier et de laisser agir ce qui nous tenaille, plutôt que de nous réfugier dans un confort complaisant qui sent le renfermé.
L’art n’a pas à nous conforter ni à nous dorloter.
Que le plug anal de Paul MacCarthy fasse s’émouvoir les trous du cul, quoi de plus normal après tout. Il est même assez rassurant d’une certaine manière, que l’œuvre d’art à la provocation de salle de garde, fasse encore réagir, tant on a fini par s’indifférer de tout.
Que la création interpelle et fasse débat, tant mieux, c'est en partie son boulot.
En revanche que l’on tolère l’intolérance, le vandalisme bourrin jusqu’à se dégonfler du sapin gonflable et offrir une victoire symbolique aux pitres intégristes est problématique. Je ne sais quel crétin régressif a tenté de s’asseoir sur le « sapin » de la place Vendôme, mais je me doute que quelque part le supplice du pal le travaille, dans quelque refoulement frustre.
En revanche d’autres questions se posent à propos de cette œuvre, hélas saccagée, de MacCarthy, et déjà la privatisation d’un espace public par une galerie internationale, Hauser and Wirth, jouissant en termes marketing d’un énorme coup de comm.
On peut se demander si la place Vendôme comme le château de Versailles doit servir de support à la commercialisation d’un artiste et à la spéculation sur une œuvre en faisant exploser sa côte au profit de ses riches collectionneurs.
La Fiac, entreprise privée, grand marché de l’art ou grande foire du pognon ?
Si l’année dernière François Pinault, à lire les aimables critiques, donna à voir sa collection privée à la Conciergerie, on pourrait tout aussi bien renverser la proposition et se demander si ce ne serait pas plutôt la Conciergerie, lieu public, qui mit à disposition son espace à la collection privée du milliardaire, offrant un sacré coup de projecteur.
Simple question d’angle.
Autre question que pose cette affaire MacCarthy, la promotion d’un art transgressif toujours récupérable et ne bousculant au final que les mœurs et dieu sait si on en a vu d’autres, mais surtout pas l’ordre mondial consumériste, ne se ferait il pas au détriment d’un art subversif remettant fondamentalement en cause le marché, comme en politique les quelques avancées sociétales ne seraient là que pour masquer ou compenser les régressions sociales ?

Bref, pour le dire trivialement et que les dames m’excusent, il serait plus facile aujourd’hui et rémunérateur de montrer son cul que d’avoir des couilles.
L’un n’empêchant pas l’autre cela dit.

rue-affre

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