Très intéressant dossier publié dans le dernier numéro de Politis, “Tous surveillés ?” ,
à propos de la mise sous écoute généralisée des internautes. Qu’il me
soit cependant permis d’essayer d’y apporter un point de vue un peu
moins “orwellien”.
Ce qui se joue actuellement sur la
toile Internet et sur ses réseaux, c’est la lutte entre un vieux monde
en pleine déconfiture et un “monde d’après” dont on peine encore à
mesurer les futurs contours.
Un rapport de force bien moins déséquilibré qu’il n’y paraît
Que chaque camp essaie de s’en assurer le contrôle est, si j’ose
dire, de bonne guerre. Mais en désigner d’avance le vainqueur me paraît
bien prématuré, sinon même possiblement erroné.
La guerre qui oppose le vieux monde aux tenants encore éparpillés du “monde d’après” est avant tout une guerre de communication. Mais le rapport de force y est sans doute beaucoup moins déséquilibré qu’il n’y paraît.
Passons sur l’accumulation de données à des fins commerciales. Quoi
qu’ils fassent en tripatouillant des milliers de données recueillies sur
la toile, les grandes compagnies tentaculaires (Coca Cola, Mc Do,
Monsanto, Amazon, sociétés pétrolières assommées par la baisse
vertigineuse des prix du pétrole…) ne cessent de voir leur hégémonie
grignotée sous les coups de boutoir de la crise, mais aussi par le
comportement de plus en plus éthique et responsable des populations.
Source : Terre sacrée
Quant à la manipulation et aux contrôles des consciences, il ne faut
pas être grand observateur pour constater qu’aujourd’hui l’influence des
médias mainstream est largement battue en brèche par les réseaux
sociaux d’Internet. Il suffit pour s’en persuader de se remémorer le
camouflet infligé par les nonistes aux ouistes médiatiques unanimes lors
du référendum de 2005 sur le projet de constitution européenne.
Pénurie de personnel chez les barbouzes
Recueillir des milliards de données sur des milliards
d’individus peuplant la planète est une chose, être en état d’exploiter
toutes ces données en est une autre. Les 21 650 fonctionnaires[1]
qui œuvrent au sein du célèbre NSA (National Security Agency) doivent
avoir des journées sacrément chargées pour s’y retrouver dans cet afflux
monumental d’informations.
Raison pour laquelle ni eux, ni leurs collègues barbouzes des autres
nations, n’ont été en mesure d’anticiper des événements comme le 11
septembre 2001 ou les printemps arabes, ni d’arraisonner des électrons
fous comme Mohammed Merah, les frères Kouachi ou Amedy Coulibaly,
pourtant dûment fichés par leurs services.
Les lanceurs d’alerte comme Julian Assange ou Edward Snowden nous ont
probablement permis d’en savoir beaucoup plus sur le NSA que celui-ci
n’en sait sur chacun d’entre nous. Les hackers du monde entier s’en
donnent à cœur joie à déglinguer le cœur même du vieux système. Et aucun
régime totalitaire, qu’il fût chinois, russe ou américain, n’est
parvenu à contrôler réellement les agissements de ses dissidents sur les
réseaux virtuels.
En permettant aux passants ordinaires de diffuser massivement sur les
réseaux sociaux les images des exactions brutales commises par les
suppôts du vieux monde aux abois, le smartphone, placé sur
écoute ou non, se révèle être une arme redoutable d’émancipation
citoyenne en matière de partage d’informations.
Vidéo amateure d’un SDF assassiné par des policiers de Los Angeles ICI
Pas de panique !
Plus elles sont déstabilisées, plus les élites tentent de se
rassurer en s’auto-persuadant de leur maîtrise sur les faits et gestes
de leurs ouailles et en essayant de museler les minorités agissantes qui
contestent leur autorité. L’accumulation assez imbécile de
données ingérables et inexploitables en donne un exemple aussi frappant
qu’absurde. On se rappellera que l’empire soviétique commença à se
lézarder quand les agents du KGB croulèrent sous la masse des dossiers
qu’ils avaient entassés sur leurs concitoyens. À tout vouloir
surveiller, on ne surveille plus rien.
L’épreuve des faits montre que les réseaux du Net rééquilibrent le
rapport de force entre les minorités agissantes et les élites. Et ces
dernières feraient bien de se souvenir que les majorités ne restent
dociles que si un minimum de confort et de sécurité leur est garanti par
leurs maîtres. Ce qui est loin d’être le cas en cette période troublée
de crise. Des autorités qui n’ont plus que la contrainte, la force, des
lois d’exceptions ou des mises sous surveillance policière pour
s’imposer arrivent en phase finale de leur domination.
À ce point de notre réflexion, on se gardera pourtant de passer de
l’hyperstress orwellien à une euphorie “révolutionnaire” qui n’a pas
lieu d’être. D’abord parce que les minorités agissantes du Net sont loin
d’être toutes de gauche, gentiment athées ou férues des Droits de
l’homme et du citoyen. Ensuite parce que si nous constatons l’agonie
désormais quasi irréversible du vieux monde, les contours du monde
d’après demeurent encore bien trop flous, faute de personnalités et de
troupes capables de les dessiner et de les imposer.
Reste que prendre conscience du véritable rapport des forces en
présence permet de ne pas céder trop précipitamment à une paranoïa aussi
démesurée que désespérante.
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