Les chocs
socio-économiques qui ont suivi l’effondrement de l’Union soviétique ont
eu des effets particulièrement inattendus. Un groupe de chercheurs a
publié dans la revue scientifique Conservation biology une étude portant sur les grands mammifères de Russie.
Il ressort que ces derniers ont payé un lourd tribut depuis
l’effondrement du bloc de l’Est. Les auteurs mettent en avant les
activités croissantes du braconnage et une érosion palpable de la
protection de la faune.
Les dix scientifiques menés par Eugenia Bragina,
qui a enseigné successivement pour l’université Lomonosov de Moscou et
l’université du Wisconsin-Madison, ont ainsi analysé les tendances de la
population de huit grands mammifères de Russie entre 1981 et 2010, une
période charnière à l’Est. « Nous avons montré que la population des
sangliers, des ours bruns et des élans avait commencé à diminuer au
début des années quatre-vingt-dix ».
« Ces trois espèces sont très différentes et ont des exigences qui leur sont propres en matière d’habitat »,
a ajouté la chercheuse à la BBC. Les élans apprécient les forêts alors
que les sangliers cherchent plutôt leur nourriture dans les champs. Ce
n’est donc pas la dégradation d’un milieu en particulier qui est la
cause de la baisse du nombre des grands mammifères.
Eugenia Bragina a ajouté que « la seule espèce à avoir bénéficié de la situation était les loups ».
Les incitations destinées à les chasser ayant été abandonnées après
1991, sa population a augmenté de 150 % durant la décennie suivante.
L’équipe de la chercheuse laisse penser que cette situation a
probablement contribué au déclin des élans. La nature a horreur du vide…
La seconde
partie de l’étude, commencée dans les années 2000, n’est pourtant pas
entièrement négative. Les scientifiques ont mis en avant que la
population de sangliers est aujourd’hui plus importante qu’en 1991. Au
milieu des années quatre-vingt-dix, elle avait pourtant perdu la moitié
de ses membres. Il s’agit cependant d’une espèce qui a trouvé de
nouvelles sources de nourriture ces dernières années, montrant ainsi une
forte adaptabilité à son environnement. D’autres espèces semblent
récemment connaître des jours meilleurs, comme le cerf. Mais d’autres,
telles que le lynx eurasien, sont sérieusement en péril.
Eugenia
Bragina et son équipe ont mis pour la première fois en évidence les
impacts d’un choc politique et économique sur la biodiversité. « Quand cela arrive, on ne prête pas attention à ce qui se passe dans la nature », conclut la scientifique. « Et
lorsque la pauvreté augmente comme ce fut le cas en Russie dès le début
des années quatre-vingt-dix, il n’y a plus de ressources pour gérer
l’environnement. Je crois que c’est le moment d’accorder une attention
particulière à la préservation de l’environnement. Sinon, on ne pourra
que constater que d’importantes espèces emblématiques sont en voie de
disparition ».
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