L’agriculture
est à la fois victime et responsable du changement climatique. Mais les
principales victimes ne sont pas les coupables et inversement… Du côté
des victimes, parler d’agriculture, c’est parler du travail et des
moyens de subsistance des paysans et paysannes ; c’est parler de
sécurité et de souveraineté alimentaire pour l’immense majorité de la
population. Du côté des coupables, c’est parler agro-industrie, firmes
semencières, industrie chimique ; c’est parler
profit, concurrence et spéculation (dernière en date, le beurre), TAFTA
et grands projets inutiles ; c’est aussi parler des politiques des
gouvernements obsédés par la libéralisation et la levée de toute limite
aux droits de polluer (comme le récent recul sur la directive nitrates),
d’épuiser la terre et de breveter le vivant, de supprimer toute
régulation, avec par exemple les quotas laitiers, et laisser une totale
liberté au marché…
Par sa capacité
de stockage du carbone, la capacité de l’agriculture de lutter contre
le réchauffement climatique n’a pas échappé aux capitalistes qui
voudraient bien pouvoir mettre un prix à ces puits de carbone, pour
pouvoir en profiter comme ils l’ont fait avec le marché du carbone… Il
faut les combattre, eux et leur « agriculture intelligente face au
climat ». Leur but est de sauvegarder une industrie mortifère tout en
s’accaparant des fonds destinés à lutter contre le réchauffement
climatique. Quitte à éliminer au passage les paysans !
L’agriculture industrielle
et l’élevage concentrationnaire sont responsables de quasiment la
moitié des gaz à effet de serre (GES). Ces deux pans de l’agro-industrie
ne peuvent pas être dissociés car la plus grande partie des grandes
cultures est destinée à l’alimentation animale. L’agriculture
industrielle repose sur l’utilisation d’intrants issus de la chimie,
dont la fabrication nécessite de grandes quantités d’énergie. L’azote
est le premier composant de l’atmosphère terrestre (4/5). Les plantes
n’y ont pas accès directement à part les légumineuses qui utilisent des
bactéries, les rhizobiums, avec qui elles vivent en symbiose. Quand ces
plantes meurent, l’azote qu’elles ont stocké est mis à la disposition
des autres plantes. Pour le phosphore, ce sont des symbioses
mycorhiziques qui permettent aux plantes d’y accéder. Les engrais
chimiques fournissent aux plantes ce qu’elles savent pourtant se
procurer naturellement. Cela pour le plus grand profit des pétroliers et
des chimistes…
L’utilisation d’engrais azotés
et leur dénitrification dans les champs donne lieu à des émanations de
protoxyde d’azote N2O, un gaz à effet de serre 290 fois plus puissant
que le dioxyde de carbone… et le premier contributeur agricole aux GES
en France. Les cultures industrielles accaparent toujours plus de terres
arables. Dans les pays du sud, elles sont la cause principale de
déforestation, que ce soit pour les palmiers à huile comme en Malaisie
ou en Indonésie, ou pour la culture de soja au Brésil. Ces cultures sont
destinées à l’alimentation animale, aux agro-carburants et à
l’industrie agro-alimentaire. La spécialisation des cultures en grandes
zones géographiques est source de transports à l’échelle mondiale (soja
en Amérique du Sud, maïs aux États-Unis, etc.). Mais l’industrialisation
touche aussi les fruits et légumes qui, pour être disponibles toute
l’année, sont produits soit dans l’autre hémisphère, soit sous serres
chauffées. Le marketing et l’effet de mode jouent aussi un rôle non
négligeable sur l’approvisionnement en produits exotiques censés être
indispensables à notre santé
L’élevage industriel
est intimement lié à ce type d’agriculture. Pour maximiser les profits,
la croissance des animaux doit être accélérée au maximum : ainsi, un
poulet bio à l’« ancienne » est abattu à 120 jours, un poulet fermier à
80 et un poulet industriel à 37 ! Un porc noir gascon élevé en plein air
vivra au moins deux fois plus longtemps qu’un porc rose en stabulation.
Pour arriver à cet exploit, les élevages industriels gavent leurs
animaux aux antibiotiques et leur donnent une alimentation extrêmement
riche. Interdits de pâturage, les ruminants sont ainsi transformés en
granivores : au menu, maïs et soja OGM, y compris en France, où la
culture et la vente pour la consommation humaine de soja OGM sont
interdites… mais où son usage pour l’alimentation des animaux que nous
consommons est autorisé (à l’exception de la viande bio). L’enfermement
des animaux est aussi source de dépense énergétique : chauffage,
ventilation, éclairage. L’agro-industrie pousse à la consommation de viande de mauvaise qualité à
des niveaux nuisibles pour notre santé. Il est clair qu’un régime moins
carné permettrait de réduire nos émissions de carbone. Mais
contrairement à ce qui est souvent dit, le problème ne vient pas des
pets ou des rots du bétail mais bien du type d’élevage. Des vaches qui
paissent sur une prairie naturelle ne rejettent que le carbone
constitutif du fourrage et que les plantes ont pris dans l’air grâce à
la photosynthèse, le bilan est donc neutre. Ce sont bien les cultures
fourragères industrielles qui sont émettrices de GES.
Pour rester dans la course au profit,
la stratégie du capitalisme du 21e siècle implique des véhicules
constamment en mouvement, dont les cargaisons peuvent être achetées et
vendues plusieurs fois au cours d’un trajet… C’est le règne du
tout-camion avec les méthodes « modernes » de gestion « zéro stock »,
« flux tendu » ou « juste à temps », qui conduisent à multiplier les
transports afin de suivre au plus près l’utilisation des marchandises.
Les économies de gestion des stocks découlent ainsi de la circulation
d’un flux ininterrompu de véritables « stocks roulants ». Or, avec la
même consommation d’énergie, la tonne de fret parcourt 5 fois plus de
distance par cabotage maritime, 4 fois plus par train entier, 2 fois
plus par voie fluviale, que par camions. Mais ces types de transports
sont torpillés par les capitalistes qui préfèrent les « travailleurs
esclaves », les « forçats de la route », les routiers.
Le commerce
des denrées alimentaires n’échappe pas à la règle. Il est le résultat
d’une division du travail qui s’opère à l’échelle du monde. Produire du
mouton en Nouvelle-Zélande, du bœuf en Argentine, des porcs en Bretagne,
des tomates en Espagne, stimule l’hyper développement des transports,
en particulier par camions, qui contribue grandement aux émissions de
gaz à effet de serre : le transport représente 27,8 % des émissions
nationales, le transport routier est responsable de 92 %… C’est pour
cela que la localisation des productions est primordiale. Cela éviterait
que différents ingrédients parcourent 3 500 km avant d’être réunis dans
un pot de yaourt aux fraises ! Ou que des crevettes danoises,
acheminées jusqu’au Maroc pour y être décortiquées, repartent ensuite au
Danemark vers leurs lieux de commercialisation !
L’aberrante
inventivité destructrice des capitalistes n’a pas de limites. Il faut
développer l’agriculture vivrière. Celle-ci doit permettre aux
populations de se nourrir par elles-mêmes avec les productions locales,
de saison. C’est la condition pour sauver le climat… et nous sauver
avec !
Source : npa2009.org
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