Au nom de la lutte
contre le chômage, une offensive tous azimuts est lancée depuis des
années contre les droits sociaux…
Depuis les années 70, nous sommes
entrés dans l’époque du chômage de masse. Aux chômeurs totaux
s’ajoutent celles et ceux qui oscillent du chômage à l’emploi précaire
et arrivent à travailler quelques heures dans la semaine ou quelques
semaines dans l’année. Par ailleurs, il y a tous ceux qui sont en
contrats aidés sans horizon, qui ont dû accepter des emplois à temps
partiel, ou qui ne leur conviennent pas et cherchent autre chose. Au
total plus de 5 millions de personnes.
Comment justifier l’injustifiable ? La montée du chômage a servi de prétexte à accorder
au patronat tout une série d’avantages, justifié par la théorie
économique dominante. Il y a eu d’abord la thèse selon laquelle il y
avait un déficit d’embauches car certains chômeurs n’étaient pas assez
productifs. Des aides à l’embauche de durée limitée ont été créées pour
les jeunes, les « seniors », les chômeurs de longue durée. Toutes les
études sérieuses ont montré que ces contrats aidés créaient une
proportion dérisoire d’emplois dans le privé et se substituaient souvent
aux emplois statutaires dans le privé. Certains employeurs ont pris
l’habitude de faire « tourner » les emplois aidés en remplaçant la
personne en fin de contrat par une nouvelle sous le même régime.
Ensuite,
toujours au nom du chômage, ont été accordées des aides permanentes aux
entreprises sous forme d’exonérations de la part patronale des
cotisations sociales. Les estimations officielles des emplois
supplémentaires en résultant sont très fragiles et, même si elles
étaient vraies, le coût par emploi créé serait considérable, dans tous
les cas comparable à des embauches utiles dans les services publics.
Troisième piste
d’inspiration pour nos penseurs officiels, la prise en charge sur fonds
publics d’une partie du salaire : pour pousser les chômeurs à accepter
des emplois sous-payées, on va mettre en places des usines à gaz (prime
pour l’emploi – la PPE, RSA activité …) leur distribuant un supplément,
dont l’obtention n’est d’ailleurs pas toujours évidente : la moitié
seulement de ceux qui pourraient le percevoir reçoivent le RSA activité.
Le patronat en rêvait…
Dans la foulée de leurs prédécesseurs de droite et de gauche, Hollande
et Valls bricolent ces dispositifs en changeant les titres et les
emballages. Le « contrat d’avenir » pour les jeunes a ainsi été mis en
place. La PPE devrait fusionner avec le RSA activité dans une « prime
d’activité ». Des rallonges ont été annoncées aux 25 milliards
d’exonération des cotisations patronales.
Dans les derniers mois,
trois pistes supplémentaires, mais pas si nouvelles que ça, ont été
lancées. D’abord, le contrôle des chômeurs annoncé récemment par
Rebsamen. Ensuite, l’idée qu’il faut en finir avec la « peur de
l’embauche »… En résumé, pour créer des emplois, il faut faciliter les licenciements
et les rendre moins coûteux dans l’éventualité où le salarié réussirait
à obtenir une indemnité importante aux prud’hommes. Enfin, toute une
série d’idées patronales sont dans les tuyaux gouvernementaux, dans le
projet de loi Rebsamen sur le « dialogue social » et au-delà.
Rien que pour
l’apprentissage, deux mesures viennent d’être annoncées. Non seulement,
à partir du 1er juillet, les petites entreprises embauchant des
apprentis ne paieront pas de « charges sociales » mais recevront une
aide de l’État de 1 000 euros par trimestre. Et comme les rêves
patronaux doivent devenir réalité, le secrétaire d’État, Thierry Mandon,
vient d’annoncer que patronat et syndicats vont discuter des
« conditions d’une augmentation de la durée quotidienne de travail des
apprentis dans la limite de 10 heures par jour et de la durée
hebdomadaire jusqu’à 40 heures par semaine, voire à titre exceptionnel
au-delà de 40 heures » !
Travailler moins pour travailler tous …
La seule période où des emplois ont été créés en nombre important dans
la foulée d’une décision de l’État, c’est lorsqu’a été mise en place la
réduction du temps de travail, malgré les insuffisances graves des lois
Aubry de 1998 et 2000. Les actionnaires des grandes entreprises ont mis
en place un système qui leur assure des dividendes quels que soient les
hauts et les bas de l’activité. Quoi d’exorbitant à ce qu’une telle
garantie existe pour les salariés : outre l’interdiction des
licenciements, il faut la garantie du travail en réduisant massivement
sa durée avec maintien du salaire.
Au-delà des mots, les préconisations de Trotski en 1938 ont un caractère résolument moderne : « Contre
le chômage, tant “structurel” que “conjoncturel”, il est temps de
lancer le mot d’ordre de l’échelle mobile des heures de travail : Le
travail disponible doit être réparti entre tous les ouvriers existants,
et cette répartition déterminer la longueur de la semaine de travail ».
Source : Henri Wilno
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