L’attitude du gouvernement vis-à-vis des immigrés s’inscrit dans "une
tradition socialiste" de fourvoiement en période de crise politique et
morale.
L’attitude actuelle des socialistes, à la tête de l’Etat, du
gouvernement et du parti, vis-à-vis des principes républicains, de
l’immigration, et de l’« autre » pas tout à fait français, a de quoi
susciter l’étonnement. La gauche politique n’est-elle pas porteuse de
valeurs humanistes ? Des dirigeants comme François Hollande et Manuel
Valls ne trahissent-ils pas une longue tradition de combats en faveur de
la justice et des droits humains ?
En Europe, le socialisme parlementaire a, certes, constitué un groupe
de pression efficace en faveur des classes laborieuses, tout au long du
XX ème siècle. En période de stabilité et de prospérité économique, il a
obtenu des acquis non négligeables en faveur de son électorat : au
pouvoir ou dans l’opposition il a notablement contribué à la formation
de l’Etat-providence moderne.
Cependant, lors des graves crises politiques et morales, il a failli à
se situer du côté de la justice universelle, et de la solidarité
humaine. Ceci a pu se vérifier à l’occasion de quatre crises décisives,
dans l’histoire politique de la France : l’Affaire Dreyfus, la première
guerre mondiale, l’accession de Pétain au pouvoir, et la guerre
d’Algérie.
Le camp socialiste face à l’Affaire Dreyfus
Lorsqu’Emile Zola a publié son « J’accuse », au début de 1898, le
monde politique s’est scindé entre les partisans de la révision du
procès de Dreyfus, et leurs opposants conservateurs issus de toutes les
nuances de l’arc politique. Ce n’était nullement un clivage entre une
gauche socialiste et une droite bourgeoise.
En cette même année, dès le 19 janvier, le groupe socialiste à la
Chambre des Députés avait formulé une importante déclaration de
principes, rejetant toute intervention dans l’Affaire, au motif qu’il
s’agissait de l’affrontement de deux fractions de la bourgeoisie, entre,
d’un côté, la bourgeoisie catholique et réactionnaire, tandis que :
« De l’autre côté, les capitalistes juifs, après tous les scandales qui les ont discrédités, ont besoin, pour garder leur part de butin, de se réhabiliter un peu. S’ils pouvaient démontrer, à propos d’un des leurs, qu’il y a eu erreur judiciaire et violence du préjugé public, ils chercheraient, dans cette réhabilitation directe d’un individu de leur classe, et d’accord avec leurs alliés opportunistes, la réhabilitation indirecte de tout le groupe judaïsant et panamisant. Ils iraient laver à cette fontaine toutes les souillures d’Israël. »
Et si Jean Jaurès rejoignit, avec un certain retard, le camp des
dreyfusards, il fit, en cela, figure d’exception au sein du camp
socialiste, dont les principaux dirigeants : Jules Guesde et Edouard
Vaillant, tout comme la majorité de leurs soutiens, demeureront des
antidreyfusards conséquents, durant tout l’affrontement.
La Première Guerre mondiale... et l’enthousiasme de la SFIO
Le même Jean Jaurès consacra, comme l’on sait, les dernières années
de sa vie à la lutte contre le militarisme et les menaces de guerre qui
se faisaient jour : le lendemain même de son assassinat, éclatait la
première guerre mondiale. On ne sait pas quelle eût été sa position à ce
sujet : s’y serait-il opposé, à l’instar, notamment, de Romain Rolland,
d’Albert Einstein ou de Rosa Luxemburg, ou bien se serait-il rallié,
dans l’enthousiasme, à l’Union sacrée de guerre, comme le firent tous
les députés socialistes SFIO ?
Le nationalisme l’ayant emporté sur l’internationalisme, les
travailleurs de tous les pays se sont bien unis sous la direction des
mouvements socialistes, pour s’entretuer ! Marcel Sembat et Albert
Thomas, représentants du « prolétariat » devinrent ministres dans les
gouvernements de l’Union sacrée.
De plus, en 1915, Jules Guesde, ministre socialiste aussi, envoya en
Italie son compagnon Marcel Cachin, avec pour mission d’encourager les
socialistes italiens, encore hésitants, à se joindre à la guerre. C’est
ainsi que le socialiste Cachin rencontra le socialiste Benito Mussolini,
alors en rupture de parti sur fond de campagne en faveur de la
participation de son pays à la guerre. Marcel Cachin fournit au
dirigeant démagogue les fonds nécessaires pour conforter « Il Popolo
d’Italia », l’organe du bellicisme nationaliste et du fascisme en train
de se constituer.
Certes, il y eut bien un député socialiste comme Jean Longuet, le
petit fils de Karl Marx, pour se joindre, non sans un certain retard,
aux opposants à la guerre, mais jusqu’à 1917 il fut plutôt seul et
marginal dans son parti. La principale opposition à la poursuite du
massacre provenait des rangs du syndicalisme révolutionnaire.
170 parlementaires socialistes pour Pétain
Le 10 juillet 1940, l’Assemblée Nationale et le Sénat votèrent les
pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Parmi les 669 députés et sénateurs
présents, 569 se prononcèrent « pour », dont 170 parlementaires
socialistes, soit la grande majorité du groupe SFIO, emmenée par Paul
Faure, secrétaire général du parti et Charles Spinasse, ancien ministre
de l’Economie du gouvernement du Front Populaire. Une partie non
négligeable des politiciens socialistes, et pas seulement les dissidents
des années 1930 (tels Marcel Déat et Adrien Marquet), s’intégrèrent
sans difficulté dans la honteuse saga politique et culturelle de Vichy.
Seule une petite minorité, Léon Blum en tête, s’était courageusement
prononcée contre l’attribution des pouvoirs à Pétain. Très peu de
parlementaires SFIO rejoignirent effectivement la Résistance ; la lutte
contre l’occupant et la collaboration étant principalement menée par les
gaullistes et les communistes.
Quand l’armée française torturait en Algérie
En 1956, lorsque l’insurrection anticoloniale en Algérie atteint une
phase décisive, Guy Mollet, secrétaire du parti socialiste (SFIO), et
nouveau chef du gouvernement, décide d’intensifier la répression afin de
conserver, coûte que coûte, le territoire français d’outre-mer. Il
obtient, pour cela, le soutien de la majorité absolue de son parti et
nomme son camarade Robert Lacoste « ministre résident et gouverneur général de l’Algérie ».
Ce dernier autorisera ouvertement l’armée à recourir à l’usage de la
torture. Cette époque est aussi marquée par le recours énergique aux
décapitations, afin de dissuader les insurgés.
Dans ces circonstances, une petite minorité de socialistes, emmenée
notamment par André Philip, s’est élevée contre ces mesures sanglantes
prises au nom de la nation, de la terre, et de la patrie. Le poids de
cette opposition minoritaire s’est toutefois avéré négligeable, et seule
l’arrivée au pouvoir du général De Gaulle, issu de la droite, a rendu
possible la mise à l’écart des socialistes et de leurs alliés (dont
François Mitterrand, alors ministre de la Justice), et l’évacuation de
l’Algérie.
François Hollande et Manuel Valls ne dérogent donc pas à la tradition
socialiste. Ils ne sont pas des enfants illégitimes de la gauche
politique, et l’on peut parfaitement voir en eux d’authentiques
héritiers de Jules Guesde, Marcel Sembat, Paul Faure et Guy Mollet. Il
semble bien qu’on ne puisse guère attendre d’eux la mise en œuvre d’une
nouvelle politique qui réfrénera la montée de l’islamophobie et
préservera la France comme pays des droits de l’homme et du citoyen.
UJFP
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