Une nouvelle directive
sur le détachement est en négociation à Bruxelles. Manuel Valls demande
à la Commission européenne d’harmoniser par le haut les cotisations
sociales versées sur les salaires des travailleurs détachés et menace de
ne plus appliquer les directives européennes. Chiche ?
Il n’est en effet pas question d’une
telle harmonisation dans le projet présenté par la Commission
européenne en mars dernier, qui aménage les directives de 1996 et 2014
sur le détachement, en proposant par exemple de limiter à 24 mois la
durée du détachement (délai au-delà duquel l’ensemble des règles du pays
d’accueil viendraient à s’appliquer) ou d’accorder aux travailleurs
détachés l’égalité de rémunération (primes incluses) avec les salariés
locaux. Actuellement seul le salaire minimum du pays d’accueil est dû…
Les États membres auraient même la possibilité d’imposer au
sous-traitant étranger de payer l’équivalent de la rémunération des
salariés de l’entreprise nationale donneuse d’ordre.
Cela en est déjà trop
pour les pays de l’Est européen qui refusent de telles modifications
susceptibles de renchérir le coût de la main-d’œuvre qu’ils détachent
vers la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. La France, qui soutient
le projet, joue pour sa part la surenchère. C’est qu’entre-temps le
Brexit est passé par là : il faut répondre aux craintes des opinions
publiques parfaitement conscientes que l’Union européenne est elle-même
responsable du dumping social, et de plus en plus sensibles aux
arguments xénophobes du travailleur détaché voleur du pain du
travailleur national, récemment repris ici même par Mélenchon (voir l’Anticapitaliste n°346).
Le Premier ministre
français entend ainsi dire aux pays de l’est de l’Europe qu’ils
risquent gros à ne pas accepter un durcissement des règles (la fermeture
du marché français). Sur la scène politique intérieure, cela lui permet
de retrouver un peu de crédit à gauche en s’érigeant en défenseur de la
cotisation sociale, tout en occupant le terrain sur lequel le FN
domine.
Sa position
relève pourtant largement de l’esbroufe. Les directives de 1996 et 2014
ont été transposées dans le Code du travail et l’abrogation de ces
dispositions exposerait la France à de lourdes sanctions financières. La
France se placerait en outre en rupture avec l’un des principes
fondamentaux des traités européens, la liberté de prestation (et de
faire des profits) sur tout le continent. Pousser le bouchon un peu trop
loin contribuerait à approfondir la crise de l’Union, à l’heure où les
bourgeoisies nationales s’affrontent sur la manière de gérer le Brexit
ou cherchent, à l’instar de la Hongrie, à s’affranchir de certaines
règles.
L’ironie de l’affaire,
c’est que Valls se prend au piège de sa propre politique. Début
juillet, le rapporteur général au budget pointait ainsi que, grâce au
CICE et au pacte de responsabilité, un salarié français payé au SMIC,
cotisations sociales comprises, était désormais moins cher qu’un
travailleur détaché polonais, roumain ou portugais payé au même niveau
(en théorie du moins puisque les assiettes de cotisation varient d’un
pays à l’autre). L’alignement par le haut des cotisations sociales
supposerait donc que le gouvernement en finisse avec sa politique
d’exonération à haute dose…
Cela nous irait très bien,
et c’est pourquoi la gauche devrait mettre Valls au défi de tenir bon
et d’aller jusqu’au bout de la logique : la suppression du dispositif du
détachement, forme légale de marchandage, et l’embauche des
travailleurs étrangers par les entreprises donneuses d’ordre avec les
mêmes droits que les travailleurs nationaux.
Comité inspection du travail Île-de-France
Le
mécanisme du détachement permet à toute entreprise d’un État membre de
l’Union européenne de faire travailler dans un autre État membre ses
salariés (quelle que soit sa nationalité), en principe pour des
prestations ponctuelles. L’entreprise étrangère doit alors appliquer une
partie de la réglementation du pays d’accueil (santé-sécurité, durée du
travail, salaires minimaux) mais continue à verser les cotisations
sociales au taux du pays d’origine.
Conscience Citoyenne Responsable
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