L’hémorragie industrielle et agricole qui se
poursuit mine les bases de notre protection sociale et aggrave toutes
les insécurités de vie. Moins de personnes au travail, ce seront moins
de recettes pour les caisses de la sécurité sociale.
C’est dans ce
contexte qu’a jailli, à grand renfort de propagande, cette fausse bonne
nouvelle de la fin prochaine du fameux « trou de la sécurité sociale ».
Au moment même où nos hôpitaux perdent leur sang, qu’un nombre
croissant de nos concitoyens ne peuvent plus se soigner correctement, la
ministre de la Santé a déclaré : « En 2017, le trou de la Sécu aura
disparu », rajoutant « la gauche fait le job ». Mais de quel « job »
parlez-vous au juste, Madame la Ministre ?
Si d’un point de vue purement comptable, l’annonce peut satisfaire
ceux qui ne voient le monde qu’à travers les chiffres, on aurait
souhaité un peu de retenue et de franchise. Car, pour tout « job », ce
résultat procède d’un véritable travail de sape d’un des ferments de la
République sociale, inscrit dans nos institutions grâce aux combats
syndicaux, portés de tout temps par la gauche.
Heureusement que les médecins et personnels hospitaliers ont un tout
autre sens des responsabilités. Ils alertent, avec leur cœur et la
passion de leurs nobles missions, sur la situation extrêmement dégradée
de la santé publique, dénoncent la surchauffe des hôpitaux et la
pression terrible qui s’y exerce sur les salariés.
Car pour parvenir à son objectif l’année prochaine, le gouvernement
ne compte pas faire cotiser les revenus du capital mais au contraire
tenir la barre d’une diminution drastique des crédits accordés à la
santé publique. Ainsi, pour le budget des hôpitaux jusqu’en 2017, trois
milliards d’euros d’économies sont prévues, dont 860 millions issus de
la « maîtrise » de la masse salariale, ce qui va se traduire par la
suppression de 22 000 postes, soit 2% des effectifs. À cette mesure
s’ajoute une chasse aux lits dans les hôpitaux, ce qu’on appelle dans le
jargon libéral « une évolution maîtrisée du développement de la
chirurgie ambulatoire ».
Avec les suppressions d’emplois qui s’accélèrent à un rythme soutenu
dans les hôpitaux publics et les avantages croissants accordés aux
cliniques privées, le service public hospitalier est au bord de la
rupture. Désormais, le secteur privé lucratif représente 34 % de
l’activité hospitalière en France. Un record !
S’agissant des autres branches de la sécurité sociale, la situation
est identique. La droite revendique d’ailleurs la paternité des réformes
engagées, notamment concernant les retraites, et promet d’aller encore
plus loin, plus vite et plus fort !
Une politique progressiste devrait prendre le contre-pied de ces
orientations et s’engager dans la création d’un pôle public du
médicament qui permette, de la recherche à la distribution, une maîtrise
publique de ce secteur très lucratif. Les profits colossaux des
multinationales du médicament sont réalisés grâce à des stratégies
commerciales qui ont tout à voir avec l’argent-roi et rien avec des
objectifs de santé publique. Pourquoi ne pas considérer que si un
produit est efficace, il doit être remboursé à 100% alors que se
multiplient les remboursements partiels de médicaments, dont une bonne
part a des vertus curatives loin d’être évidentes.
Ces attaques ont leur cohérence, à savoir une opposition au principe
même d’une socialisation des richesses produites. Chaque année, on en
trouve la trace dans les ponctions opérées lors du vote de la loi de
financement de la sécurité sociale. La conception même de cette loi
annuelle s’inscrit dans les thèses libérales et les objectifs du capital
financiarisé, qui tournent les dos à l’ambition des concepteurs de la
protection sociale, dans un pays pourtant exsangue au lendemain de la
seconde guerre mondiale.
Il est d’ailleurs étrange que l’on s’attaque aux fondements de la
sécurité sociale, à ses missions et à son financement au moment où, aux
Etats-Unis, monte l’exigence d’un véritable système de santé publique.
Rappelons que dans ce pays où la santé est libéralisée, les dépenses qui
lui sont liées représentent 17% des richesses produites, avec des
résultats médiocres alors qu’en France, elles ne représentent que 11% de
nos richesses nationales !
Or, amener les caisses de protection sociale à l’équilibre voire
excédentaires est possible. Le plein-emploi réel y contribuerait
grandement, tant les cotisations sont dépendantes du niveau de chômage
et de précarité. La fraude aux cotisations patronales, quant à elle,
représente aujourd’hui plus de 20 milliards d’euros. Et imaginons ce
qu’apporterait une politique contributive visant à créer de nouvelles
recettes grâce à une participation des entreprises, modulée selon
qu’elles créent de l’emploi, aident à la formation ou s’engagent pour le
bien commun. Parallèlement, les exonérations de cotisations seraient
supprimées et les revenus du capital financier mis à contribution. Sans
parler de la manne que dégagerait une chasse conséquente à l’évasion
fiscale comme le montre abondamment ce numéro de notre magazine.
Bref, un nouvel âge de la protection sociale est possible. Elle est
indispensable notamment pour répondre au grand enjeu de l’autonomie des
personnes âgées. C’est à un nouveau progrès de civilisation, à inscrire
dans la mémoire collective d’une Nation, auquel il faut s’atteler et non
à un cri, triomphal et comptable, mais de bien peu de poids humain !
C’est toute la différence avec ce qui pourrait être un acte fondateur
d’une sortie de l’enfer néolibéral dans lequel sont plongées nos
sociétés avec une gauche de plain-pied dans les potentialités qu’offre
notre époque, respectueuse de ses combats historiques et de l’héritage
de ses ainés, parmi lesquels le Ministre communiste Ambroise Croizat.
Tel est le débat, Madame la Ministre !
patrick-le-hyaric.fr
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