Jean-Luc Mélenchon
Avec les évènements de Dijon, une certaine officialité et tous les
réseaux de la fachosphère pensent tenir une illustration de leurs
fantasmes racistes et xénophobes.
Bien sûr, tous en chœur, ceux-là se
dépêchent de mettre en cause ma remarque sur la nécessité de désarmer
autant que possible la police. En le faisant, les uns et les autres ont
donné des verges pour se faire battre. Car ils ont montré, une fois de
plus, qu’ils ne comprenaient rien au fonctionnement de l’État ni à celui
de la police. Et ils ont aussi manifesté un incroyable mépris pour les
élus locaux. Car ceux-là ne tiennent pas du tout le langage du récit
médiatique sensationnaliste. Ni celui des aboiements de la fachosphère.
Adjoint au maire PS François Rebsamen, élu issu du quartier mis en
cause, Hamid El Hassouni a réagi : « J’accuse le préfet d’avoir
abandonné les habitants des Grésilles ! J’accuse certains médias d’avoir
menti et véhiculé un message de haine en divulguant des mensonges : il
ne s’agit nullement de trafic de drogue ou de guerre de communautés !
Ces trois derniers jours, 8 000 habitants [des Grésilles] ont vécu
l’enfer » a-t-il déclaré. Et il ajoute : « On a eu le sentiment que les
groupes de Tchétchènes opéraient en toute liberté et que la sécurité
n’était pas garantie pour les habitants du quartier ». Selon lui, les
habitants « ont décidé de gérer eux-mêmes ce qui ne dépend pas du tout
de leur compétence, en garantissant la sécurité des habitants ». La
population a dû se défendre elle-même. Pourtant, la police à Dijon est
armée comme partout en France !
Il est temps de poser les vraies questions que ce désastre appelle.
Comment se fait-il qu’une bande armée se constitue sans que personne
n’en sache rien dans une ville de la taille de Dijon ? Comment le
renseignement intérieur a-t-il pu passer à côté de l’armement d’un
groupe de tchétchènes dont on nous dit à présent qu’ils étaient connus
de la police et de plus, parait-il, demandeurs d’asile politique ?
Pourquoi ni la police ni le préfet n’ont rien fait au point que la
population soit dans l’obligation de se défendre elle-même comme l’a
déclaré l’adjoint au maire de Dijon ?
Comment se fait-il que les passeurs de réfugiés tchétchènes en France puissent continuer leurs trafics ?
À Dijon, ce qui est en cause, c’est l’échec de l’action de police si
on considère celle-ci comme un tout où divers services doivent
intervenir pour coopérer aux missions de tranquillité et sureté
publique. Ni avant, ni pendant, ni après le début des incidents, rien ne
s’est passé comme cela aurait dû. L’armement du groupe n’a pas été
détecté, son action n’a pas été empêchée et la population a dû s’en
charger. Autant d’étapes autant d’échecs.
J’en viens aux aboiements de la fachosphère relayées par ses
commensaux médiatiques du type Éric Naulleau venu nous insulter dans une
cause à laquelle il ne connait visiblement rien. Pour couvrir les
failles que la situation a révélé, ils fabriquent un mauvais roman de
guerre ethnique et concentrent leur critique sur moi. La population des
Grésilles à Dijon est victime de son abandon. Elle s’est défendue parce
que la police ne le faisait pas. Les considérations ethniques ne jouent
pas plus de rôle dans cette histoire que n’en jouerait n’importe quel
autre facteur d’identification collective. Je n’évoquerai pas la guerre
des boutons pour montrer comment des appartenances se forment sans
besoin d’ethnicisation. Mais je dirai que j’ai habité dans une cité HLM
il y a bien longtemps et c’était déjà comme ça avec ceux de la cité d’en
face. Seuls les petits bourgeois identitaires dans leur bulle dorée
l’ignorent et on sait pourquoi.
Aux Grésilles, les gens ont eu peur et on les comprend. Ils savaient
que la police c’est juste pour les contrôles d’identité et dans leur cas
ce fut vrai. Aucun policier n’est venu faire une clef d’étranglement
aux Tchétchènes. Aucun n’est venu les dissuader en arborant son arme de
service. Et je leur donne raison. Car ce n’était pas de leur compétence.
Les tâches de police de cette nature relèvent d’abord du renseignement
intérieur, en préventif, puis, pour l’action contre une bande armée,
soit du RAID (police) ou GIGN (gendarmerie). Il faut être très ignorant
des tâches de police ou vivre dans une série B venues des États-Unis
pour se figurer qu’une police armée déboulant armes aux poings soit la
réplique adaptée à une telle situation.
Les leçons à tirer de cet évènement ne sont pas du registre de la
pauvre polémique contre moi sur le niveau d’armement nécessaire pour les
policiers affectés aux taches de gardien de la paix ou de la
tranquillité des manifestations. Ni du roman grotesque des guerres
ethniques que met en scène la famille Le Pen. Ce qui se note ici, c’est
le problème de l’action du renseignement intérieur. Certes bourré de
gadgets technologiques mais insuffisant en moyens humains hautement
qualifié en langue pour suivre les personnes issues des secteurs à
risques de notre époque. Quels sont-ils : les groupes issus des zones de
guerre et les groupuscules d’extrême droite dont la recrudescence des
violences est massive dans toute l’Europe en provenance des zones de
guerres contre les musulmans ou les Russes. Ensuite, c’est le problème
de l’affectation et du mode de déploiement des forces de police. Dans
notre pays, il y a davantage de monde mobilisé pour la sureté intérieure
(245 000 policiers et gendarmes) que pour faire face à un ennemi
extérieur (200 000 militaires hors gendarmerie), on est en droit
d’attendre que les bandes armées soient réprimées plutôt que les
manifestants. Enfin, il y a le problème grave du trafic d’armes dans
notre pays.
En effet, il y aurait entre 10 et 15 millions d’armes en circulation
en France. Mais 4 millions d’entre elles seulement seraient déclarées.
Donc six à onze millions d’armes manqueraient à l’appel ! Pourtant
seules cinq mille sont saisies par an. Où est le reste ? En toute
hypothèse, c’est là du travail d’enquête judiciaire. Mais il n’y a que
cinq mille officiers de police judiciaire. Et seulement une dizaine de
brigades prenant en charge le travail d’enquêtes longues sur le trafic
d’armes, la criminalité organisée, la drogue mais aussi la délinquance
financière, la traite d’êtres humains, la cybercriminalité, la fausse
monnaie, le trafic de biens culturels ! Pendant ce temps, l’effectif de
la seule brigade anticriminalité, BAC, mise en cause par leurs collègues
CRS pour son comportement dans la répression des gilets jaunes, est
supérieur à 7000 policiers. Or sa mission est uniquement de faire du
flagrant délit, donc de s’occuper de la petite délinquance au prix de
tous les débordements de brutalités que l’on sait, semant les rancœurs
au fil des humiliations infligées. On voit à ces exemples ce qui ne
tourne pas rond dans la police. C’est d’abord sa doctrine d’emploi et
ses priorités. Quand des milliers d’hommes et de femmes sont déployés
chaque semaine pour affronter des manifestants et que le trafic d’armes
de drogues ou la traite des êtres humains patinent, c’est que les bons
choix n’ont pas été faits au sommet.
La base alors, apeurée et mal
encadrée, chauffée à blanc par des syndicats factieux, oublie le sens
d’un métier auquel elle pensait s’enrôler pour le bien public et la
lutte contre le crime plutôt que contre des soignants, des pompiers et
autres matraqués et gazés récemment.
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