Jonathan Hampel
Dans quelques semaines, le parlement allemand votera pour savoir s’il
faut armer les véhicules aériens télécommandés Heron TP fabriqués en
Israël, que l’armée allemande utilise en Afghanistan et au Mali.
Ces
drones israéliens ont été fournis à l’armée allemande en 2018 dans un
marché d’un milliard d’euros, malgré d’énormes manifestations publiques
en Allemagne. Ce marché a été approuvé parce que les drones n’étaient
pas armés et ne pouvaient donc pas servir à des attaques. Les soldats
allemands sont entraînés en Israël pour manoeuvrer ces nouveaux drones.
Les marchés sécuritaires et militaires avec Allemagne nous sont
familiers, principalement à cause de l’acquisition de sous-marins
allemands et des prétendues violations qui y ont été associées (Cas
3000). Ces transactions ont été très largement critiquées en Israël et
en Allemagne, mais on a peu parlé ou écrit au-delà sur l’exportation
d’armes vers l’Allemagne. Pourtant, depuis le début des années 2000, il y
a eu beaucoup de ventes d’armes avec l’Allemagne, y compris
l’exportation de 3.000 missiles antiaériens Spike et de 20 systèmes de
navigation pour avions de chasse fabriqués par Rafael. Cette information
provient de l’Institut International de Recherche de la Paix de
Stockholm.
Le marché de drones d’Israël avec l’Allemagne a débuté en 2009, quand
il a pour la première fois loué des drones à l’armée allemande pour
qu’elle les utilise en Afghanistan. Sept ans plus tard a eu lieu une
transaction similaire, cette fois-ci pour faire marcher les drones au
Mali. À ce moment là, l’armée allemande a décidé que la toute dernière
technologie israélienne pour les drones l’intéressait, le Heron TP,
connu en hébreu comme l’Eitan. C’est un drone spécialement grand, qui
peut attaquer depuis les airs et transporter une charge de plusieurs
tonnes. Le marché a été retardé d’environ cinq ans à cause de
l’opposition politique et publique en Allemagne, où perdure une
opposition à l’utilisation de drones d’attaque à cause du risque de
blesser des civils.
On s’est beaucoup exprimé sur les problèmes dus à l’utilisation des
drones d’attaque et des risques qu’ils comportent pour les civils. Nous
pouvons rappeler l’assassinat de quatre garçons en 2014 à Gaza, ou celui
de trois jeunes hommes en 2009 à l’école Asma, pour comprendre les
dangers inhérents.
En 2009, Human Rights Watch a déterminé que les attaques réalisées
par les drones israéliens pendant l’Opération Plomb Durci et les
nombreux décès dans la population civile de Gaza étaient des violations
du droit international. L’Eitan a été utilisé en 2009 par l’armée de
l’air israélienne pendant cette opération.
Que va faire le drone d’attaque israélien en Afghanistan ? L’armée
allemande est depuis 2001 en Afghanistan dans le cadre des activités
américaines là-bas. D’après un rapport de l’association des Médecins
Internationaux pour la Prévention de la Guerre Nucléaire, plus de
100.000 non-combattants ont été tués en Afghanistan depuis lors. On ne
sait pas combien d’entre eux ont été tués par l’armée allemande, même
si, en 2009, plus de 120 personnes ont été tuées par le bombardement
allemand sur la ville de Kondoz. Cet événement a été largement rapporté
et a eu un grand écho en Allemagne. Dix ans plus tard, d’après le
journal allemand Die Welt, il y avait plus de civils tués en Afghanistan
par les armées étrangères, dont l’armée allemande, que par les
Talibans. L’utilisation de drones d’attaque, dont la preuve a été faite
qu’elle augmentait le nombre de morts chez les civils, provoquerait de
terribles dommages dans un pays comme l’Afghanistan.
L’année 2020 sera une année où les décisions allemandes impacteront
directement les citoyens afghans. En mars, le gouvernement a prolongé sa
présence militaire en Afghanistan d’une année supplémentaire.
Maintenant, il cherche l’autorisation d’armer les drones israéliens qui y
seront déployés. Jusqu’à maintenant, les dommages causés aux civils
afghans par les forces allemandes étaient de la seule responsabilité de
l’Allemagne, mais, si ce projet se concrétise, il sera aussi de notre
responsabilité en tant qu’Israéliens.
C’est pourquoi nous devons nous
opposer à cette démarche maintenant, et dire clairement qu’en tant
qu’Israéliens qui se soucient des droits de l’être humain, nous exigeons
du parlement allemand qu’il empêche ce désastre prévisible et
n’autorise pas l’armement des drones.
Jonathan Hampel est chercheur pour une association internationale de droits de l’homme.
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : Haaretz
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire