dimanche 28 mai 2023

Loi de Programmation Militaire

Antoine Manessis

En France, un budget de pas moins de 413 milliards d’euros sur sept ans, hors aide militaire à l’Ukraine, est en discussion à l'Assemblée nationale.

"Historique", se félicite le ministre de la Défense, qui s’engage à rentrer dans les clous des 2 % du PIB exigés par l’Otan à compter de 2025, avec un montant total bien supérieur à la précédente loi de programmation, qui prévoyait 295 milliards pour la période 2019-2025.Une enveloppe totale de 413 milliards d’euros donc, pour les sept années à venir, soit une hausse de plus de 30 %.

"L'argent magique" comme dit le président de la République ce n'est pas pour l'hôpital et /ou l'école, mais en revanche c'est pour préparer les conflits "de haute intensité" annoncés par les chefs de l'armée, pour nos expéditions néo-coloniales et impérialistes (OPEX).  Il s'agit aussi de se mettre à jour sur le cyber, l'intelligence artificielle, les armes à énergie dirigée, l'arsenalisation de l’espace, l' hypervélocité, la dronisation de tous les milieux… 

On se rappelle que Donald Trump, alors président des E-U, avait exigé cet effort de +2% du PIB pour l'armée. À l'époque il y avait eu quelques grognements parmi des vassaux. On constate une fois de plus que les souhaits de nos maîtres étasuniens sont des ordres.

Macron considère que "Les efforts du pays en faveur de ses armées seront, dans les années qui viennent, à proportion des dangers, c’est-à-dire considérables." Et pour une fois il tient parole, le budget de la défense aura plus que doublé au cours des deux lois de programmation durant ses mandats. Du coup, le très lucratif marché des armes se porte bien et les industries de l’armement sont à la pointe de la concentration capitaliste, merci Macron. Et les marchands de canons en profite : un char Leclerc est facturé à l’armée française 10,2 millions d’euros quand son prédécesseur, l’AMX 30, coûtait 2 millions d’euros et un Rafale est proposé à 142 millions quand un Mirage 2000 coûtait 9,4 millions.

Personne ne va comparer la soudaine prodigalité de l'exécutif avec les 12 milliards que le gouvernement dit chercher désespérément pour justifier son projet de réforme des retraites...Il semblerait bien que le pouvoir macroniste nous prend pour des imbéciles.

Sans compter qu'on nous explique que notre armée, pourtant grande engloutisseuse de milliards, ne tiendrait pas très longtemps dans un conflit de "haute intensité". Devons-nous en conclure que, loin de construire une défense pour l’intérêt général, n'est là que pour générer des profits pour les actionnaires des industries de guerre. Et peut-on se demander si les résolutions diplomatiques des conflits ne reviendraient pas moins cher - à tout point de vue - que la  priorité mise sur la dissuasion.

Globalement, on peut dire qu'à gauche, on considère qu’on en fait trop, et notamment avec l’OTAN, dont la France est de plus en plus prisonnière et à droite, que ce n’est pas assez, en ces temps de conflit majeur en Ukraine. La combativité des députés de gauche sur ces questions de défense est remarquable, et notamment ceux de la France insoumise (FI), qui met en avant deux de ses députés, Bastien Lachaud et Aurélien Saintoul, très au fait des dossiers :

• ils ont par exemple qualifié de "théâtre d’ombres" et "d’exercice bâclé" la préparation de la LPM*, qui a souffert de sa précipitation, dictée par la conjoncture ukrainienne.
• contestent la référence à "l’Indopacifique", un concept "américain à géométrie variable", qui ne rend pas compte des intérêts français dans les deux océans.
• s’en prennent également à la notion de "puissance d’équilibre", mentionnée dans la LPM, lui préférant le non-alignement ou l’indépendance.
• appellent à ce que la France devienne observatrice au Traité sur le désarmement nucléaire, à défaut de s’y rallier.
• demandent un bilan de la réintégration de la France au sein du commandement militaire de l’OTAN (décidée en novembre 2007, sous Nicolas Sarkozy…), ne retirant un amendement qu’en échange d’une promesse de mission d’information.
• contestent les prétentions françaises ou européennes à une "autonomie stratégique" rendue impossible par l’articulation organique avec l’OTAN.
• dénoncent les projets "d’externalisation" (dans la sécurité, les images satellites, etc.), domaines qui devraient rester "souverains".
• réclament la nationalisation des usines d’armement, et en tout cas des assurances sur le long terme pour les filières industrielles.
• jugent le Tchad infréquentable, car objet d’un coup d’État et d’ingérences permanentes, etc.

Enfin, rappelons que les dangers et les menaces qui justifient ces dépenses gigantesques ne tombent pas du ciel. Ils et elles sont le résultat d'un monde dominé par le capitalisme et qui voit les affrontements inter-impérialistes gagner en intensité et en dangerosité. Les guerres se multiplient aux quatre coins du monde. Des guerres dont les médias parlent, mais aussi celles dont ils ne disent mot.

Dans ce domaine aussi il faut éviter les postures trop faciles et partir du réel pour proposer des alternatives* aux projets de la bourgeoisie dans le sens de la souveraineté et de la paix. 

Sachant qu'en finir avec le capitalisme, "porteur de la guerre, comme les nués portent l'orage", reste l'objectif stratégique des forces de paix, ici comme partout dans le monde.

* LPM loi de programmation militaire.

* Lire le contre-projet de la France Insoumise :

https://lafranceinsoumise.fr/2023/05/22/loi-de-programmation-militaire-notre-contre-projet/

Antoine Manessis

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