jeudi 25 mai 2023

Vous avez dit violence ?

Antoine Manessis

Un discours sur la violence qui envahirait la vie politique, sociale et même parlementaire se déploie depuis quelques temps en particulier dans les médias de masse. 

Que ceux -ci soient dans les mains du capital ou de son Etat doit bien sûr nous rendre immédiatement vigilants. Quand les chiens de garde aboient, l'écume aux lèvres sur C-News ou la mine faussement accablée sur BFM-TV, pour dire la même chose à savoir que, décidément, la Loi et l'Ordre sont menacés par les violents, il nous faut enfiler nos gilets pare-balles. Gilets pare-balles idéologiques s'entend. 

D'autant que cette dénonciation médiatique de la violence s'accompagne de la désignation des responsables de cette épidémie de violence : pour une part des commentateurs c'est clair : la France Insoumise est la principale coupable. Pour d'autres plus nuancés, ou plus vicieux, ce sont "les extrêmes" qui portent le mal. Une façon d'enfoncer un clou idéologique central de la Macronie qui tente d'amalgamer le néo-fascisme et la gauche de gauche.

Pourtant si l'on résiste avec un minimum de bon sens au pilonnage, un fait frappe immédiatement. Nous venons de sortir d'une mobilisation sociale d'une très grande ampleur, avec des millions de gens dans les rues de toutes les villes, grandes, moyennes et petites, de notre pays. Cela a duré plus de trois mois et d'une certaine façon, rien n'est encore fini. Or, ce qui ne peut que frapper un observateur lucide et honnête, c'est justement l'absence de violence du mouvement.

Qu'on cesse de nous raconter des histoires avec trois poubelles qui flambent et des députés qui s'engueulent. Qu'on cesse d'essayer de nous faire croire que Jean-Luc Mélenchon et les députés de la FI appellent à l'insurrection et fourbissent leurs armes dans des caves. La seule chose qui peut nuire à ces porteurs de bobards, c'est le ridicule de leurs propos. Qu'on cesse de prétendre voir un appel au meurtre dans l'humoristique "Louis XVI on l'a guillotiné, Macron on peut recommencer", là encore c'est de la stupidité à 24 carats. Qu'on cesse de voir dans les casserolades "du fascisme à l'état pur" comme le dit Benjamin Griveaux, dont on comprend mieux, à l'aune de cette remarque, qu'il ait pu exhiber son sexe comme démonstration de son intelligence. Et que dire du silence sur la violence des groupes fascistes et des violences policières qui sont même niées, contre toutes les évidences, par une Macronie radicalisée et autoritaire, au point qu'elle adopte une loi sans vote de l'Assemblée nationale comme une vulgaire dictature.

Mais si l'on doit parler de la violence, parlons-en sérieusement. Quand des travailleuses et des travailleurs sont jeté-e-s par milliers comme des kleenex par les patrons, détruisant des familles, des vies ce n'est pas de la violence, c'est la loi du marché. Quand des jeunes sont exploités à la limite de l'esclavage avec des contrats précaires et des salaires de merde, ce n'est pas de la violence. Quand on attend des heures pour être soigné dans des urgences débordées, ce n'est pas de la violence. Quand une personne sur six ne mange pas à sa faim, soit 16 % des Français (étude du Crédoc 17 mai 2023-Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) ce n'est pas de la violence. Quand la police contrôle 20 fois plus les jeunes Noirs ou Arabes, ce n'est pas de la violence. Quand Macron, président de la République, considèrent qu'il y a "Les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien", ce n'est pas de la violence.

La France Insoumise est une fois encore la cible principale de cette campagne politico-médiatique. "On ne jette des pierres qu'aux arbres qui portent des fruits". Hommage du vice à la vertu, et en tous les cas la preuve que cette satanée France Insoumise est utile dans le combat de classe.

Antoine Manessis

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