Antoine Manessis
Bernard Arnault, les Bettencourt et quelques autres possèdent des milliards. Hôtels particuliers, yachts, jets et de belles voitures qui ne ressemblent pas aux nôtres.
La fille de Bernard Arnault* ou Françoise Bettencourt Meyers** hériterons ou ont hérité, comme - le plus souvent - leurs parents avant eux, de milliards qui les mettent à l'abri du besoin.
Bernie Sanders propose de prendre tout ce qui dépasse les 999 millions de dollars. Estimant avec ironie, "qu'il est possible de s'en sortir" avec 999 millions.
Jean-Luc Mélenchon est plus dur "Au-delà de 12 millions, je prends tout" disait-il en 2022.
La revue progressiste étasunienne Jacobin donne un exemple parlant qui plaide en effet pour une attitude plus rationnelle devant certaines inégalités que rien ne justifie : "Le travailleur moyen à temps plein chez Walmart*** gagne entre 25 000 et 30 000 dollars par an. Jim Walton, le patron de Walmart, encaisse environ 5 milliards de dollars par an, soit près de 167 000 fois plus que le haut de cette fourchette. Il ne reçoit pas tout cet argent parce qu'il est 167 000 fois plus intelligent ou plus talentueux ou moins remplaçable que n'importe laquelle des personnes qui font le travail pour faire fonctionner Walmart. Il l'obtient parce que les relations de propriété capitalistes lui en laissent la possibilité."
Redistribuer davantage, prendre l'argent des milliardaires, des très riches par le biais d'une fiscalité progressive est de bon sens. L’économiste Thomas Piketty propose une taxe mondiale de 80% sur le revenu de plus de 500.000$ et le rétablissement d'un ISF, avec un rendement beaucoup plus important.
De telles propositions ont aussi l'avantage d'être très rassembleuses et d'élargir la base de masse favorable au changement social et démocratique. Bien entendu le partage des richesses n'est pas radical.
Pour aller à la source du problème, à sa racine, il faut poser la question de la propriété des entreprises, de leur possible propriété collective. De leur socialisation. On préfère ce terme à nationalisation qui, elle, peut être envisagée par le capitalisme dans le cadre de son classique "socialisation des pertes, privatisation des profits" mais aussi parce que la nationalisation peut conduire à l'étatisme. Or nous avons chèrement payé pour savoir que l'étatisme produit des contradictions qui peuvent être fatales au processus de transformation sociale.
De toute manière chaque pas en avant consolide le suivant. Nous savons qu'en finir avec le capitalisme est un processus. Et qu'à chaque étape les forces de l'émancipation doivent s'assurer non seulement le soutien du plus grand nombre, au-delà même des majorités mathématiques, mais de la participation de l'écrasante majorité du peuple au processus.
Ce soutien et cette participation, cette véritable démocratie qui inventera aussi ses institutions nouvelles, sont le seul moyen d'isoler politiquement et idéologiquement l'ennemi principal et de rendre inutile ses très envisageables tentations putschistes anti-démocratiques. Cela ne peut se faire qu'en s'appuyant sur un rapport des forces qui paralyse, au moins atténue, celles de l'adversaire.
Le "passage pacifique au socialisme" n'est pas un dîner de gala
C'est un titanesque affrontement de classe où les armes principales des forces populaires sont la conscience politique et le nombre. Comme le dira Gramsci c'est "une guerre de positions". Engels déjà écrivait "Il faut que le prolétariat progresse lentement de position en position dans un combat dur, obstiné".
Il ajoutait : "Le temps des coups de main, des révolutions exécutées par de petites minorités conscientes à la tête des masses inconscientes, est passé. Là où il s’agit d’une transformation complète de l’organisation de la société, il faut que les masses elles-mêmes y coopèrent, qu’elles aient déjà compris elles-mêmes de quoi il s’agit, pour quoi elles interviennent".
Sans doute n'avons-nous pas encore assimilé toutes les conclusions stratégiques de ces réflexions. Les uns continuant à proclamer que "le pouvoir est au bout du fusil", les autres en prêchant "l'harmonie universelle".
* fortune personnelle: 216 milliards USD (2023) selon Forbes
** fortune personnelle: 86,3 milliards USD (2023) selon Forbes
*** Walmart Inc. est une multinationale américaine de vente au détail qui exploite une chaîne d'hypermarchés

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