Antoine Manessis
Le projet de loi "pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration" a connu un parcours chaotique : annoncé, abandonné, réannoncé et de nouveau abandonné.
C'est finalement Emmanuel Macron qui annonce que la question de l'immigration figure au menu des "100 jours" pour relancer son quinquennat. Le chef de l'Etat promet de "renforcer le contrôle de l'immigration illégale", tout en prévoyant "des annonces fortes dès le mois de mai contre la délinquance et les fraudes sociales et fiscales".
Gérald Darmanin, plaide alors pour une reprise de l'examen parlementaire de son projet de loi et doit trouver une majorité pour le voter avec LR. Or LR défend désormais des positions semblables avec le RN.
Edouard Philippe, leader d'Horizon, son écurie présidentielle, ex-LR et ex-premier ministre de Macron, a récemment fait des déclarations où il dénonce "l'immigration subie, celle du fait accompli", et qui fait de l'islam "un sujet central, inquiétant et obsédant". On se demande bien pourquoi. Mais l'essentiel est de faire peur et de surfer sur la vague de l'islamophobie et du racisme.
Or, les droites, Macronie, RN et LR veulent toutes profiter de cette thématique dans la perspective de 2027. Coaguler l'électorat raciste peut permettre d'accéder au 2e tour. Quand Philippe fait ses propositions, RN et LR crient au plagiat.
On en est là : plus raciste que moi, tu meurs
Darmanin (macroniste et ex-LR) en arrive à reprocher à Marine Le Pen d'être trop "molle" face à l'immigration. À ce jeu là, disons-le, l'extrême-droite part avec un avantage certain. Outre son racisme qui est historique, inscrit dans ses gènes, remontant à Drumont, Maurras, Pétain, l'OAS, elle n'a pas encore été au pouvoir, ce qui "crédibilise" ses promesses.
La Macronie s'en sert aussi comme diversion. Après avoir affronté la volonté populaire et imposé les 64 ans, elle sait qu'il lui faut passer à autre chose. Plus de social, du racial. On camoufle la lutte des classes avec la lutte de races. On excite le ressentiment et la division pour oublier le "tous ensemble".
LR, broyé par l'étau Macron/Le Pen, croit pouvoir faire face en se radicalisant. Peine perdue. Tout ce qu'il obtiendra c'est de rendre incontournable son alliance avec les néo-fascistes, voire sa satellisation par le RN comme Fratelli d'Italia a satellisé Forza Italia de Berlusconi.
La gauche doit dénoncer ces manœuvres et leur nature. Expliquer l'impasse tragique où les peuples aboutissent quand le poison raciste contamine une part importante du corp social. La gauche doit refuser les facilités vers lesquelles l'idéologie bourgeoise la pousse. Depuis Rocard et "la France qui ne peut pas assumer toute la misère du monde" à Georges Marchais pour qui "Il faut stopper l'immigration officielle et clandestine", on sait que parfois elle céda à la tentation. Aujourd'hui encore les journalistes de marché nous citent en exemple le Danemark où ce sont des sociaux-démocrates qui mènent la politique raciste du RN. Ils nous citent le premier ministre britannique, Rishi Sunak, insistant sur ses origines indiennes, qui propose une loi pour restreindre drastiquement le droit d'asile, projet de loi vivement dénoncé par l'ONU : "Une violation claire de la convention de l’ONU sur les réfugiés", dénonce le HCR.
Alors que le Danemark et le Royaume-Uni entendent envoyer leurs demandeurs d’asile dans des pays tiers (le Rwanda pour le Danemark et la Grande-Bretagne), cette idée séduit de plus en plus les gouvernements européens.
Le Monde écrit "Longtemps jugée sulfureuse et moralement inacceptable, cette idée est en passe de se normaliser". L'argument cynique des partisans de la lutte contre l'immigration est qu'en menant une politique dure, on affaiblit les courants d'extrême-droite. D'abord cela reste à démontrer car on peut, au contraire, penser qu' aller dans leur direction, c'est les renforcer et les légitimer.
Mais il faut dire aussi, surtout, que si c'est la gauche qui mène une politique de droite, ou pire néo-fasciste et raciste, c'est qu'elle n'a plus de gauche que de nom. Le gouvernement du Danemark et de Grande-Bretagne ne luttent pas contre l'extrême-droite, ils agissent à sa place. Du coup quelle différence ?
Quand on voit avec quelle indifférence médiatique est perçue l'annonce de la mort de 443 personnes, enfants, femmes, hommes dans la Méditerranée, pour le seul premier trimestre 2023, on se dit que ceux qui "fabriquent l'opinion" portent une très grave responsabilité dans la montée des néo-fascismes.
Et il faut redire que le rôle de la gauche est de combattre les nationalismes, les racismes et la moindre faiblesse à leur égard de façon déterminée et radicale. Diogène, interrogé par Alexandre, lui demandant de quelle cité grecque il était originaire, répondit : "Je suis un citoyen du monde" (kosmopolitis). On peut voir que la mondialisation des logiques capitalistes n'aboutissent pas à la même conclusion que Diogène. Bien au contraire, le capitalisme c'est la guerre de tous contre tous.
Une nouvelle bataille va se livrer autour de cette loi sur l'immigration. Elle sera l'occasion de clarifier le débat et de combattre non seulement le racisme et ceux qui le portent dans tout l'arc politique mais les ambiguïtés d'où s'infiltre ce poison mortel.
C'est une question politique centrale. La gauche ne doit pas oublier l'appel du Manifeste de la Ier Internationale qui donne chair et concrétise l'intuition et la pensée de Diogène: "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!"

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