Antoine Manessis
"Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de pareils objets, les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées."
Décidément le temps passe, les siècles s'écoulent mais les Tartuffes restent les mêmes. Nous venons d'entendre aux informations que le gouvernement à l'occasion des jeux olympiques de Paris envisage la déportation en province des SDF, dont nombre de migrants et de demandeurs d'asile, de l'Île de France vers la province.
Après un gros moment de doute on jette un œil sur le calendrier, décidément non, nous ne sommes pas le 1e avril. Ce n'est pas une blague de très mauvais goût. C'est une réalité tellement choquante et obscène qu'on met un temps pour damner le type qui a pu avoir une idée aussi dégueulasse. Et surtout ceux qui envisagent un acte tellement contraire à la simple humanité. À la dignité humaine.
Que des hôteliers ne souhaitent plus accueillir les précaires car ils attendent un afflux de clientèle avec les JO, on peut l'admettre. Personne n'est obligatoirement doté d'une conscience sociale, ni même d'une conscience et dans la société du fric-roi la réaction n'est pas étonnante. Mais que le gouvernement chargé de l'intérêt général, donc y compris celui des étrangers sur notre sol, veuille céder à ces demandes, c'est une autre affaire. Du grand n'importe quoi, qui plus est puisqu'on pense bien que les réactions des principaux intéressé, SDF, migrants, demandeurs d'asile, ne seront pas forcément favorables à cette "proposition". Car on ose encore espérer qu'il s'agit de proposer et non d'imposer cette déportation.
L'histoire nous rend vigilants. On ne peut pas oublier comment la République a traité les réfugiés espagnols et leurs familles après la victoire de Franco : enfermement dans des camps de concentration dépourvus de tout, même de baraquements que les réfugiés ont du construire eux-mêmes, manque, mortel parfois, de nourriture, absence totale d'hygiène et de soins, séparation des familles etc.
Qu'on nous permette donc de douter que la Macronie n'est pas capable des mêmes hideux comportements que les chefs du "parti républicain radical et radical socialiste" de Daladier et compagnie.
Il est évidemment du devoir des élus de l'Île de France de réagir à ces projets si peu conformes, c'est un euphémisme, aux "valeurs de la République" dont se gargarisent les droites et de protéger tous les gens qui vivent sur ce territoire, y compris "sans-papiers" qui, jusqu'à nouvel ordre, sont des êtres humains à nous autres pareils.
On se souvient de Narendra Modi, le très réactionnaire et intégriste premier ministre indien, qui en 2020 avait reçu avec un faste inouï le président des États-Unis, Donald Trump. Passons sur le magnificence du décorum dans un pays où des millions de gens crèvent de faim ou vivent dans une misère noire. Mais ce qui avait frappé alors des commentateurs hexagonaux avait été la construction d'un immense mur autour du bidonville de Dev Saran. Ce dernier se trouve sur la route d’Ahmedabad, où Donald Trump devait passer. Le mur avait coûté près d’un million de dollars. Une résidente de Dev Saran avait répondu au Guardian: “Puisqu’ils dépensent tellement d’argent pour ce mur, pourquoi ne pas l’utiliser pour améliorer notre bidonville et nous fournir de meilleures installations. Pourquoi nous cachent-ils, nous les pauvres ?”
L'indignation sera-t-elle la même à l'égard du gouvernement français qui fait honte à chaque Française et Français et qui comme celui d'Inde veut invisibiliser ses pauvres ? On croyait les villages Potemkine réservés à la Russie des Tsars, on constate avec effroi qu'ils sont à l'ordre du jour dans la France de Macron. Loin, très loin des idéaux de l'olympisme, si tenté que cela veuille dire encore quel que chose dans notre monde globalisé par le capital.,
La guerre contre les pauvres et les immigré-e-s ne connaît pas de...trêve olympique.

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