lundi 27 mai 2024

Macron à Nouméa : négation du fait colonial

Antoine Manessis

Macron : "Ce n'est pas le Far-West !". Obsession de l'ordre.

"En même temps" le président de la République écarte un "passage en force" de la loi électorale. Chaud et froid.

Un voyage pour rien ? Les jours à venir nous le diront. Difficile de lire les véritables intentions françaises. Ce dont on peut être à peu près sûr c'est que les Kanak devront faire preuve d'un grand sens politique pour parvenir à desserrer l'étau colonial. Le rapport entre les forces militantes des indépendantistes et les forces de répression de l'Etat est défavorable aux Kanak. Politiquement la situation est plus complexe. Le mouvement indépendantiste est un front donc avec diverses composantes. Cela étant cette diversité est à la fois force et faiblesse. Reste que le combat pour l'indépendance possède des atouts dont la violence de l'Etat ne peut venir à bout. Le temps des colonies, c'est fini.

Macron tente de nier la situation coloniale avec des raisonnements spécieux. Ainsi il déclare "On est quand même un drôle de pays. En France, on a permis le vote des étrangers (européens) aux élections locales… Et là on dit à des gens, qui sont là depuis dix ans, qu'ils n’ont pas le droit de voter aux élections locales". Voilà l'exemple même de la négation du fait colonial. 

Rappelons l'anecdote que nous a livré notre camarade indépendantiste dans son interview "Un histoire circule parmi le peuple kanak qui dit en substance ceci : dans une case, un Kanak offre l'hospitalité à un Français, arrive un second français, puis un troisième, puis un quatrième. Une question se pose alors : à qui appartient la case. À moi dit le Kanak. Passons au vote, dit le Français". Elle résume parfaitement la situation et elle montre le mensonge dont est porteuse la réflexion de Macron. 

Confondre le droit de vote dans un pays comme la France avec le vote dans une situation coloniale est une escroquerie intellectuelle. Et demandons plutôt pourquoi Macron refuse toujours de donner le droit de vote aux étrangers non-communautaires vivant en France régulièrement et depuis au moins 10 ans. 

Prenons un autre exemple : l'Australie* britannique coloniale a exterminé la population aborigène. Désormais la population qui compose très majoritairement le pays est composé de descendants des colons (volontaires ou pas). La colonisation de peuplement, accompagnée du génocide des aborigènes, a permis à l'Empire britannique de dominer l'Australie qui est d'ailleurs, aujourd'hui encore, parfaitement alignée sur les positons de l'impérialisme occidental. On comprend donc que ce genre de perspective (colonisation de peuplement) soulève l'indignation et la colère des Kanak. Macron et les loyalistes, c'est-à-dire les colonialistes, le savent parfaitement.

Les indépendantistes tentent toujours de faire triompher leur droit sans violence

Le CCAT, promet de "maintenir une mobilisation pacifique". Il rappelle que le mot d'ordre est "pas d'armes à feux sur les points de ralliement, pas d'alcool, pas d'affrontement avec les forces de l'ordre."

Bien entendu les provocations du régime macroniste, en particulier le dégel du corps électoral et le reniement des accords de Nouméa, et celles des milices loyalistes, ne pouvaient pas ne pas entraîner des violences incontrôlées. La situation sociale, en particulier celle des Kanak (le niveau de vie médian des Kanak est deux fois plus faible que celui des non-Kanak) et la tentative du gouvernement de maintenir une situation coloniale en Kanaky-Nouvelle Calédonie se sont combinées pour créer une situation explosive. Un peu comme le meurtre du jeune Nahel par un policier, l'été dernier, a déclenché des situations incontrôlées et regrettables.

Mais il doit être clair que la responsabilité incombe à l'Etat français. Et ce ne sont pas les blindés, les hélicoptères et le GIGN qui vont résoudre un problème politique.

Plus vite la pleine souveraineté de la Kanaky sera une réalité, meilleures seront les chances d'un partenariat mutuellement profitable entre la Kanaky et la France.

*En 1788, les Britanniques commencèrent à coloniser l’Australie, bouleversant la vie et la culture des peuples aborigènes. Les colonisateurs ont apporté avec eux des maladies et ont pris les terres et les sources de nourriture des autochtones. Il existait également une pratique courante consistant à violer les femmes autochtones et à en capturer beaucoup pour les réduire en esclavage. Plus tard, il y a eu une grande campagne "d’assimilation" au cours de laquelle les enfants ont été arrachés à leurs familles (comme au Canada et aux Etats-Unis avec les enfants des Amérindiens). Les" guerres de frontières" et le génocide étaient un mouvement visant à tuer la résistance indigène. Des rapports indiquent que 100.000 indigènes ont été tués pendant plus d'un siècle. Au fil des décennies, les peuples autochtones ont été confrontés à des politiques racistes, semblables aux lois de l’ère Jim Crow aux Etats-Unis, et se sont appauvris. Aujourd'hui encore, les groupes autochtones luttent toujours pour leurs droits et contre des politiques qui ne tiennent pas compte de leur héritage culturel et de leur histoire.

Antoine Manessis

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