vendredi 31 mai 2024

Surenchère : pour Macron, l’Ukraine doit pouvoir frapper la Russie avec les missiles français

Cathu Isnard

La France veut autoriser l’armée ukrainienne à utiliser ses missiles pour frapper des sites militaires en Russie. Une surenchère militariste du président français qui franchit une nouvelle étape après l’ouverture du débat autour de l’envoi en Ukraine de soldats occidentaux fin février.

Macron a profité du sommet franco-allemand du 28 mai pour exprimer son souhait que l’armée ukrainienne puisse utiliser les missiles français pour viser les « sites militaires depuis lesquels l’Ukraine est agressée » en référence aux attaques en cours dans la région de Kharkiv depuis l’espace aérien russe. Si le président français applique ses déclarations, l’armée ukrainienne pourrait utiliser le matériel et les munitions fournis par la France, dont les missiles sol-air Mistral et Scalp, pour viser le territoire national russe. 

Si l’usage de ces missiles français devrait se limiter aux sites militaires russes impliqués dans les attaques aériennes de la dernière offensive réactionnaire du gouvernement russe contre le nord-est de l’Ukraine et Kharkiv, il reflète la tentative de Macron de réaffirmer la place de la France sur l’échiquier international en pesant davantage dans la guerre en Ukraine. L’impérialisme français, qui voyait déjà sa position être bousculée dans ses anciennes colonies depuis quelques années, Burkina Faso, Niger et Mali notamment, traverse en effet une nouvelle phase périlleuse avec les révoltes actuelles dans sa principale colonie du Pacifique, la Kanaky. Cela pousse le gouvernement à tenter de raffermir sa position de puissance impérialiste via d’autres théâtres internationaux, comme celui de la guerre en Ukraine. L’objectif évident du gouvernement français est de faire apparaître la France comme jouant un rôle important au niveau international, quitte à risquer l’embrasement avec la Russie et poursuivre dans une surenchère guerrière.

L’effet d’annonce escompté par Macron n’a pourtant pas eu lieu pour le moment, avec un Olaf Scholz, présent au moment des déclarations du président français, qui a pour le moment refusé de suivre la politique du président français avec le matériel livré par l’Allemagne. Quelques mois après l’ouverture des débats autour de l’envoi de troupes des pays occidentaux sur le sol ukrainien par E. Macron, ses déclarations ont donc à nouveau mis en relief les dissensions et débats au sein de la bourgeoisie impérialiste occidentale mais aussi le rôle moteur du régime français dans l’escalade guerrière actuelle. Après l’Estonie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, la France souhaite à son tour lever la prohibition de ses armes sur le territoire national russe, quitte à exagérer encore davantage les tensions avec le Kremlin.

Macron, irresponsable chef de file de l’escalade militariste en Europe

L’utilisation des armes françaises sur le sol russe n’est pas la seule mesure souhaitée par le gouvernement Macron nourrissant l’escalade guerrière en Ukraine. Mardi, une rumeur ni confirmée ni démentie par le président français faisait état d’un possible envoi d’instructeurs français sur le territoire ukrainien à la suite d’un accord bilatéral entre les deux pays, ce qui marquerait une nouvelle étape importante. En effet, les militaires ukrainiens sont jusqu’ici formés par l’armée française en dehors de l’Ukraine, comme les pilotes de chasse formés par l’armée de l’air sur la base aérienne de Cazaux (Gironde) par exemple.

Ces mesures placeraient la France comme le soutien le plus radical au régime ukrainien parmi les pays impérialistes occidentaux. Bien qu’un vif débat soit en cours au sein du gouvernement et de l’establishment américain sur la position à adopter, les États-Unis refusent pour le moment de lever la prohibition de l’utilisation de leurs armes sur le sol russe. L’Allemagne, qui n’exclut rien pour l’avenir, se range derrière cette position plutôt que derrière celle de la France ou de l’Italie, refuse beaucoup plus frontalement de s’engager davantage dans un conflit en forme d’impasse. Le Royaume-Uni et la France sont ainsi les deux seuls pays impérialistes à suivre pleinement les recommandations de l’OTAN, dont le secrétaire général Jens Stoltenberg plaidait récemment contre la prohibition de « l’emploi des armes occidentales sur le territoire russe » dans The Economist.

Si les désaccords actuels sur la ligne à tenir entre la gouvernance de l’OTAN et celle des États-Unis montrent les débats qui secouent l’establishment américain et reflètent les intérêts parfois contradictoires des différentes bourgeoisies impérialistes, ils permettent à la France de tenter de se placer en chef de file des principaux soutiens à l’Ukraine, dont la Suède, intégrée en mars à l’Otan et qui a annoncé une aide militaire de 1,16 milliards d’euros à l’Ukraine. Sur le terrain intérieur, cette position ouvertement guerrière et atlantiste doit permettre au gouvernement Macron de voler des électeurs à Raphael Glucksmann pour les élections européennes. Le candidat du Parti Socialiste, ouvertement pro-OTAN, réclame en effet depuis de nombreux mois davantage de renforts militaires à l’Ukraine, réclamations auxquelles Macron consent lui-même à l’approche du scrutin. 
 
Aux yeux du président français, ces différents enjeux permettent justement de nourrir la surenchère guerrière actuelle, en provoquant ouvertement le régime réactionnaire de Poutine, qui n’a pas tardé à réagir. Ce mardi, le président russe a ainsi menacé de représailles les pays européens et notamment les pays baltes : « Cette escalade permanente peut avoir de graves conséquences. En Europe, en particulier dans les petits pays, ils doivent réfléchir à ce avec quoi ils jouent. Ils doivent se souvenir qu’ils sont bien souvent des États ayant un petit territoire et une population très dense. » 

Cette nouvelle étape dans l’escalade guerrière démontre que les travailleurs ne peuvent laisser entre les mains de Poutine ou des va-t-en-guerre comme le président français le futur du continent.

Révolution Permanente 

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