lundi 17 juin 2024

Nouveau Front Populaire : 250.000 à Paris

Antoine Manessis

La dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron est un tremblement de terre. Celui-ci est suivi de répliques, certes d'une amplitude moindre, mais dont les médias nous abreuvent à leur façon. Alors disons la nôtre.

L'évènement le plus important des dernières heures est sans conteste la mobilisation de masse dans les rues de France de centaines de milliers de manifestants contre le néofascisme et avec le nouveau Front populaire. À Paris 250.000 (75.000 selon la police) personnes battaient le pavé. À Grenoble nous étions 8.500 (7.000 selon la police).

La CGT et les syndicats sont à l'initiative de cette journée du 15 juin. Il faut souligner le changement de ton de la CGT depuis que Sophie Binet a été élue à la tête de la confédération et son approche beaucoup plus pertinente et offensive à l'égard du politique.

Le nouveau Front populaire, pour sa première expression de masse, a donné un signal positif et encourageant. Le Front populaire historique, répétons-le, fut un processus politique et une dynamique sociale. Le Parti communiste français en fut à l'initiative, vite suivi par la IIIe Internationale. Ce virage à 180° des communistes fut sans doute l'expression de la catastrophe allemande, de la réaction populaire anti-fasciste et unitaire au 6 février 1934 et aux traditions révolutionnaires nationales-populaires. 

Dès le 12 février 1934 le processus s'amorce. Lors des élections d'avril-mai 1936 c'est une coalition du PCF, de la SFIO et du Parti radical qui porte les couleurs du Front populaire. Rappelons aux sectes, jdanovienne (PRCF) ou troskiste (LO), qui trouvent que le nouveau Front populaire est trop ceci ou pas assez cela, que le rapport des forces entre les composantes du FP historique  étaient les suivantes sur le plan électoral :167 radicaux, 147 socialistes et 72 communistes.  L'écrasante majorité était donc sur des positions modérées. Comme d'ailleurs le programme du Front populaire qui est très timoré, nullement anti-capitaliste. 

Mais, et c'est là ce qui de toute évidence échappe au crétinisme gauchiste, le Front populaire a créé une situation politique nouvelle et les masses se sont emparées de cette opportunité qu'était un gouvernement de gauche. Le vaste mouvement de grèves et d'occupation des lieux de travail ont abouti aux conquêtes sociales qui restent encrées dans la conscience populaire.

Le Front populaire fut d'ailleurs décevant à bien des égards. Ce sont les socialistes de Blum qui se sont soumis à la non-intervention en Espagne. C'est le Front populaire qui, malgré quelques velléités, n'a rien changé au sort des peuples colonisés. Mais il reste un moment fort de notre histoire pour avoir stoppé la marche du fascisme vers le pouvoir. Il lui faudra attendre la défaite et l'occupation du pays pour s'emparer du pouvoir. 

On peut donc dire que les choses ne se présentent pas plus mal pour le NFP. En fait tout dépend de la mobilisation populaire tant sur le plan électoral que social et politiqueLe programme adopté par la gauche comporte des aspects des mesures extrêmement progressistes, comme l'indexation des salaires (avec un Smic à1600 euros) et des retraites à l'inflation, le blocage des prix de produits de première nécessité, l'annulation de la contre-réforme macronienne des retraites et des lois anti-chômeurs et anti-immigrés. 

Bien d'autres choses pourraient être ajoutées et améliorées dans ce programme. Si nous devions, nous, en décider des modifications sensibles seraient apportées. Mais primo c'est une vaste coalition anti-fasciste qui a élaboré ce programme et non trois révolutionnaires dans leur cuisine. Et secundo c'est le mouvement social, le mouvement populaire qui fera, ou non, que la politique d'un gouvernement de gauche, avec ses divergences et ses contradictions, soit plus ou moins radicale, sociale, écologique et anti-capitaliste.

On peut, bien sûr, du haut de son oeuvre révolutionnaire future et suivi par une poignée d'hallucinés, proférer des imprécations excommuniant le nouveau Front populaire en éructant qu'en son sein "aucun ne veut mettre en cause la dictature des capitalistes" (LO) et qu'il représente "la fausse gauche social-impérialiste" (Prcf). Mais cela, c'est du néant politique. 

Que cela nous plaise ou non nous n'avons pas d'autre outil pour empêcher le pire que le nouveau Front populaire et nos luttes. Les deux ne sont pas incompatibles elles sont même dialectiquement et indissolublement liées. 

Antoine Manessis 

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