dimanche 23 juin 2024

Recomposition à droite ? Vers l'extrême-centre

Antoine Manessis

Edouard Philippe, leader d'Horizons, l'aile juppéiste de la Macronie, se dit prêt à créer une nouvelle majorité parlementaire qui "ne peut pas être exactement la même chose qu'avant." 

Il considère que le président Macron a "tué la majorité présidentielle. Il l’a dissoute, ce n’est pas moi qui suis parti, ce n’est pas les frondeurs qui l’auraient énervé" Il souhaite que l'ex-majorité macroniste "passe à autre chose. Autre chose, ça ne peut pas être exactement la même chose qu’avant, c’est créer une nouvelle majorité parlementaire qui fonctionnera sur des bases différentes de l’ancienne majorité présidentielle". Il plaide "pour une recomposition d’une toute nouvelle majorité parlementaire."

Son objectif est en effet de constituer un pôle central après le scrutin ; on se souvient qu'Alain Juppé son mentor a théorisé sur l'omelette dont on ampute les deux bouts, les "extrêmes". Macron avait, et a sans doute toujours, le même objectif et on se demande un peu comment et pourquoi cela serait plus simple pour Philippe que pour Macron.

Certes Macron avait récupérer une partie du centre du PS et une partie du centre des LR. Mais cette base de masse a certes été suffisante en 2017 et même en 2022 en jouant le rôle de barrage au RN. Mais aujourd'hui le bilan et la politique de Macron est trop unilatéralement favorable au capital et sa base s'effrite (14% des exprimés aux Européennes).

Les LR se sont auto-pulvérisés, les uns, comme Philippe, Le Maire, Darmanin... en rejoignant la Macronie ; les autres, comme Ciotti, en prônant une union des droites avec un pôle néo-fasciste dominant. Un peu comme Forza Italia avec Fratelli d'Italia. Le MODEM  de Bayrou ne semble pas attiré par la perspective Horizons qui est trop en concurrence avec lui pour imaginer une entente au moins dans une phase qui va déterminer qui sera le candidat du bloc central en 2027.

Avec qui donc Philippe veut-il recomposer ce bloc central  après le deuxième tour des législatives? On peut imaginer que les LR "maintenus" seront tentés mais ça ne fait pas une "Grande armée". D'autant que, de la Macronie elle-même, apparaissent des successeurs potentiels, comme Gabriel Attal, positionnés à droite toute. 

Finalement ce bloc central, "cercle de la raison" ou "rassemblement des raisonnables", est très à droite. Tant par son programme, sa base sociologique et électorale, son idéologie. Cela étant, il se heurte à la dynamique RN qui veut apparaître comme le grand parti hégémonique de la droite et qui ratisse plus large que les droites traditionnelles avec une fraction des classes populaires de droite, raciste et islamophobe (dans un contexte social particulier), avec une fraction de la bourgeoisie réactionnaire (Marion Maréchal Le Pen-Reconquête- étant son rabatteur), avec une fraction de la petite-bourgeoisie enragée et menacée de déclassement (un classique des troupes fascistes). 

Les raisonnables ne le sont guère et auront du mal à le faire croire. Quand on voit que les soi-disant modérés préférer les néo-fascistes à la gauche, le RN au nouveau Front populaire, on se dit que l'espace politique d'une droite disons pompidolienne ou chiraquienne n'existe plus. Quand Luc Ferry, ex-ministre de l'Education nationale (!) et sans doute admirateur d'Adolphe Thiers, qui voulait que l'armée fasse feu sur les Gilets jaunes, nous dit que le RN c'est la "droite populaire, nationaliste, républicaine". On comprend que le bloc central est devenu l'extrême-centre. Néolibéral et autoritaire. Envisageant sans scrupules une alliance formelle ou de fait (ce sont les rapports de forces qui décident) avec le fascisme.

Dans ses Mémoires (Flammarion 1953 p.141-142) Franz Von Papen* a justifié l'alliance du centre et de la droite avec Hitler, sans l'ombre d'un remord, de la façon suivante "La menace d'une alliance socialo-communiste nous avait mis dans l'obligation de prendre des mesures radicales." Tous les ténors de la Macronie et des LR nous le disent comme Luc Ferry : "Le pire serait une victoire du Nouveau Front populaire!". Exactement ce que les droites disaient en 1936 "Plutôt Hitler que le Front populaire", juste avant Pétain. 

Vous savez donc ce qu'il vous reste à faire.

Né dans une riche famille d' aristocrates catholiques a été chancelier d'Allemagne en 1932, puis vice-chancelier sous Hitler de 1933 à 1934. Il était dirigeant du Zentrum, le grand parti du centre allemand. L'extrême-centre, déjà. 

Antoine Manessis

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