mardi 4 juin 2024

Ursula von Hindenburg *

Antoine Manessis

La présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, membre de la CDU le parti de droite d'Angela Merkel, une des dirigeantes du PPE (parti populaire européen) composante la plus importante du parlement européen considère qu'une coalition entre son Parti populaire européen (PPE) et les néo-mussoliniens de Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni est une "option définitive" précisant que "la première ministre italienne remplit trois critères pour de futurs partenaires : elle est pro-UE, contre le Russe Vladimir Poutine et pour l'État de droit".

Cette prise de position est passée presque inaperçue. Pourtant elle est d'une très grand importance. C'est l'aveu, par l'une des personnalités les plus importantes des droites en Europe, qu'une alliance entre droite et extrême-droite est parfaitement ,"définitivement" envisageable.

Le néo-fascisme, comme son ancêtre le fascisme historique des Mussolini et Hitler, est invité à la table gouvernementale par la droite. Rappelons que les fascismes historiques sont parvenus au pouvoir par des alliances avec les droites, tant en Italie qu'en Allemagne. Dans les années 1920-1930 il s'agissait d'imposer une politique favorable au grand capital tout en élargissant la base de masse de la droite en direction surtout de la petite bourgeoisie. Contrairement à des idées reçues la classe ouvrière ne fut pas séduite par le fascisme et le nazisme. Il s'agissait aussi de combattre le communisme vécu comme un danger existentiel par les capitalistes et ses fondés de pouvoir. Même si le danger de révolution était fortement exagéré. Ni en Allemagne, ni en Italie les rapports de forces ne permettaient d'envisager la révolution. Quant à la République des soviets, sa politique n'avait absolument rien d'expansionniste. Mais il fallait bien désigner un ennemi y compris "de l'intérieur". 

En revanche, "l'exemple" mussolinien puis hitlérien séduit une fraction importantes des bourgeoisies. Des régimes fascistes, fascisants, de droite autoritaire se rependirent dans toute l'Europe (Pologne, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Grèce, Portugal...on en oublie).. En Espagne, ce fut au prix d'une guerre civile meurtrière. En France, le Front populaire parvint à stopper le fascisme. Au moins un temps. Et il fallu l'occupation allemande pour permettre à l'extrême-droite de prendre le pouvoir avec le régime de Vichy, même si "l'arc républicain" de l'époque (parti radical, droite et même une fraction de la SFIO) était gravement contaminé par le virus brun dès 1938-1939.

En tous les cas von der Leyen nous prévient d'une alliance droite-extrême-droite en Europe parfaitement assumée. La présidente allemande de la Commission cible de sa bienveillance le groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR) qui comprend Vox en Espagne, Reconquête en France et Fratelli d'Italia en Italie. Pas moins fachos que l'autre groupe Identité et Démocratie (ID) avec le RN de Le Pen  et la Ligue de Salvini.

Pour faciliter cette alliance droite-néo-fascisme, en renforçant l'ECR qui a eu la bénédiction de von der Leyen, il semble que Marine Le Pen tente un rapprochement avec Meloni, commencé par un éloignement de l'AfD qui gêne la CDU de von der Leyen.

Le rapprochement de l'Allemande et de l'Italienne laisse aussi  espérer aux néo-mussoliniens d'accéder aux postes les plus importants au sein des institutions de l’UE. 

La social-démocratie est effrayée de voir son alliance avec la droite mise en cause au parlement européen. Mais sa façon de réagir n'augure rien de bon puisqu'elle consiste à donner un brevet de démocratie à von der Leyen ce qui est pour le moins discutable. Un des chefs de file de la S-D, Nicholas Schmit, a déclaré à von der Leyen  "L'idée [de Meloni] de l'Europe n'est pas la même que la vôtre". Ce à quoi von de Leyen a répondu qu'elle "veillerait aux trois critères" cités plus haut...Avec ça, on est sauvé. 

La dirigeante Verte Terry Reintke a demandé un signal très clair de ne pas traiter avec les partis d'extrême-droite, évoquant le souvenir des années 1930. Mais le bellicisme des Verts sur l'Ukraine gâche son conseil avisé. "Si nous ne donnons pas aux gens une vie digne, un logement décent et un emploi sûr, nous ne parviendrons pas à vaincre l'extrême droite en Europe" a déclaré, au sujet de cette montée du néo-fascisme en Europe, Walter Baier, militant du Parti communiste autrichien (KPÖ) et président du Parti de la gauche européenne. En effet.

Et ne pensons pas que les fascistes seront "achetés" par des postes. Certes, leur part du gâteau au sein d'institutions "confortables" n'est pas à négliger. Mais cela se paye par une extrême-droitisation de toutes les forces politiques hors gauche de gauche. Et cela est une très mauvaise nouvelle pour l'avenir démocratique du continent.

La nécessité de voter le 9 juin pour qu'une vraie gauche soit présente au parlement européen s'impose à toute personne censée. Alors laissons  François Asselineau et les apologistes du Frexit dans leur petit bac à sable. 

Dans une semaine votons massivement pour l'Union populaire, la liste animée par Manon Aubry, Rima Hassan, Jean-Luc Mélenchon et leurs camarades.

 *  Paul von Hindenburg fut maréchal et homme d'État allemand. Il dirigea l'armée impériale allemande pendant la Première Guerre mondiale. Puis il devint président de la République allemande de 1925 jusqu'à sa mort en 1934. Durant sa présidence, il joua un rôle clef dans la venue au pouvoir des nazis en janvier 1933 lorsqu'il nomma Hitler chancelier d'Allemagne.

Antoine Manessis 

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