samedi 22 juin 2024

Viol antisémite à Courbevoie : du crime raciste à l’instrumentalisation politique et sécuritaire

Nathan Deas

Trois adolescents ont été mis en examen après avoir violé une fille de 12 ans. Une agression sexuelle motivée par l'antisémitisme, perpétrée par des mineurs, qui a été rapidement instrumentalisée par l’extrême droite et le gouvernement avant les législatives.

Trois adolescents âgés de 12 à 13 ans ont été mis en examen, mardi 18 juin au soir, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour des faits de « viol aggravé, d’agression sexuelle aggravée, de tentative d’extorsion, d’atteinte à l’intimité de la vie privée, de menace de mort, de violences et d’injures, ces deux dernières infractions étant aggravées par leur commission à raison de l’appartenance de la victime à une religion ».

Le crime, l’âge de la victime et de ses tortionnaires, tout comme le motif raciste sont glaçants, et ont suscité un effroi et une émotion légitime. Cette affaire rappelle en effet la réalité et la brutalité que revêt l’antisémitisme dans la société française, en même temps que celle des violences sexuelles, y compris chez les mineurs.

Plutôt que d’ouvrir des discussions sur ces enjeux, l’affaire a rapidement fait l’objet d’une instrumentalisation éhontée du gouvernement, de l’extrême droite et d’organisations comme le CRIF qui s’arrogent le monopole de la représentation de la communauté juive en France. Dans les médias, les attaques contre la France Insoumise, accusée d’être quasiment responsable de ce crime, se sont ainsi multipliées ces derniers jours, dans le cadre d’une campagne des législatives très polarisée.

Mercredi 19 juin, en début d’après-midi à Paris, un rassemblement appelé par le collectif Nous Vivrons, fondé après le 7 octobre et qui mène une campagne virulente contre LFI, a rapidement viré « à l’expression de haine » contre Jean-Luc Mélenchon rapporte Le Monde. Sur place, plusieurs figures du camp présidentiel ont condamné le crime pour mieux en tirer profit, tirant un lien entre l’agression et la coalition de gauche du « Nouveau Front Populaire ».

« Après les motifs incendiaires, il y a des incendies » a lancé Dupond-Moretti, le Garde des sceaux, accompagné sur l’estrade de plusieurs figures parisiennes de Renaissance. Et de poursuivre, ciblant Mélenchon : « vos propos récurrents alimentent la haine qui mène au pire ». Même son de cloche du côté de Jean-Michel Blanquer qui a vilipendé à son tour : « Il faut être sans complaisance avec ceux qui ont de la complaisance, et il y en a eu beaucoup trop ces derniers temps ! ».

Un travail mené main dans la main avec l’extrême-droite. Quelques heures plus tôt, Marine le Pen avait dénoncé « la stigmatisation des juifs » par « l’extrême gauche à travers l’instrumentalisation du conflit israélo-palestinien ». Une récupération scandaleuse qui s’inscrit dans la continuité de la criminalisation du soutien au peuple Palestinien, sur fond d’amalgame entre dénonciation de l’Etat d’Israël et de ses crimes et antisémitisme.

Une campagne qui participe non seulement à entretenir cet amalgame, mais qui permet à l’extrême-droite de faire oublier son antisémitisme congénital, alors que celui-ci s’est exprimée crument ces derniers jours dans le cadre de révélations sur les candidats investis par le RN.. Ce « piège » se redouble par ailleurs ces derniers jours d’une surenchère sécuritaire.

Quelques jours après que Dupond-Moretti ait défendu la « détention immédiate » pour les mineurs, Gabriel Attal a réaffirmé ce jeudi sa volonté de « revoir l’excuse de minorité pour les jeunes délinquants afin de casser la récidive » et réitéré ses annonces sur le durcissement de la justice. Une logique punitive et pénale qui ne peut que renforcer la répression dans les quartiers populaires, sans remettre en cause une seconde les structures de domination à l’origine du drame de Courbevoie.

L’antisémitisme et les violences sexistes et sexuelles doivent être combattues par les organisations du mouvement ouvrier et de la jeunesse, et ce d’autant plus dans les moments de tension au Moyen-Orient, où se multiplient les expressions d’un racisme anti-juifs ancré dans la société, comme on l’a vu ces derniers mois. Mais il ne peut l’être aux côtés de celles et ceux qui cherchent à en faire un levier électoral, pour criminaliser des composantes de la gauche et des causes entières.

Face aux dangers de ces opérations qui participent à respectabiliser un peu plus l’extrême-droite, il faut des organisations capables de porter un programme offensif sur ces questions, et de les attaquer à la racine...

... en indépendance totale du régime et de ses partis, qui plient face aux pressions répressives, sécuritaires et racistes.

Révolution Permanente

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