samedi 13 juillet 2024

La sénilité de Biden révèle la crise de la démocratie bourgeoise aux États-Unis

Sasha Yaropolskaya

La désastreuse intervention de Biden au débat avec Trump a provoqué une onde de choc au sein du camp démocrate, conscient de se diriger vers un désastre en novembre. Mais l'appareil du Parti démocrate est aussi inerte que son candidat et pourrait échouer à trouver une alternative.

Ultra vieux. Complice du génocide. Sénile. L’image que renvoie Joe Biden à l’échelle internationale révèle le déclin de la puissance de l’impérialisme états-unien. Regarder ce pauvre vieillard arriver lentement vers les podiums pour y prononcer des discours non seulement incohérents et incompréhensibles mais qui, de surcroît, réaniment régulièrement des personnes mortes depuis des décennies est un régal tragicomique hors-pair. À l’instar de Brejnev, Eltsine ou encore de Bouteflika, Biden incarne par sa personne, dans sa chair et dans ses discours, le pourrissement du régime qu’il est censé gouverner.

L’absurdité de la situation ne vient pas du simple constat que "le roi est nu". Que le dirigeant de la première puissance économique et militaire du monde semble avoir perdu une grande partie de ses capacités cognitives. Elle est d’abord liée à l’incapacité du système politique qui a produit ce personnage à regarder en face cette situation et à lui trouver un remplaçant. Depuis le débat catastrophique face à Trump le 27 juin dernier, la problématique est au cœur des débats politiques outre-Atlantique, alors que Biden s’exprimera au sommet de l’OTAN jeudi pour tenter de démontrer sa capacité à être candidat.

There’s no alternative ?

L’absurdité du maintien de la candidature Biden a plusieurs explications. D’abord, l’ego du personnage qui après l’âpre fiasco de Hillary Clinton en 2016 et la victoire aux primaires puis aux élections générales en 2020 semble être convaincu, en dépit de toutes les difficultés, d’être le seul Démocrate capable de remporter face à Donald Trump. Ensuite, le verrouillage de la machine du parti Démocrate qui permet aux fidèles de Biden de changer les règles de la procédure de la nomination du candidat comme bon leur semble.

Par exemple, pour éviter que la convention des Démocrates en août, dernière opportunité pour le parti de changer de cheval, ne se transforme en grand tribunal de Biden, les organisateurs ont déplacé en ligne le vote des délégués censés confirmer la candidature. Enfin, la fraction des Démocrates « raisonnables » conscients de la déroute quasi certaine de Biden en novembre ne mène pas pour le moment une opposition conséquente au-delà de quelques déclarations des députés de la Chambre des représentants et d’un seul sénateur.

Si certains donateurs du parti ont publiquement critiqué la candidature après l’échec au débat et ont fait des menaces de retirer leurs financements à la campagne, ce chantage ne s’est pour le moment pas concrétisé et risque, par ailleurs, de ne pas avoir un grand impact face au trésor de guerre considérable déjà récolté pour la campagne. D’autant que, alors que des alliés de longue date de Biden comme Jen Psaki, l’ex-porte-parole de la Maison blanche, ou encore l’acteur George Clooney qui a récolté des dizaines de millions de dollars en faveur de la campagne Biden, ont exprimé leurs doutes sur la viabilité du candidat, l’establishment Démocrate, de Chuck Schumer à Nancy Pelosi en passant par Barack Obama, reste loyal à Biden.

Des partis vieillissants et déliquescents

Les jours où la démocratie bourgeoise états-unienne était capable de présenter des jeunes technocrates avec un véritable star power hollywoodien, à l’image de Bill Clinton et Barack Obama, semble être révolue. L’appareil vieillissant des deux grands partis capitalistes est en panne de renouvellement. Certes, la sénile Nancy Pelosi a cédé sa place à la tête du groupe démocrate à la Chambre des représentants au jeune et vif Hakeem Jeffries. Certes, le sénile Mitch McConnell à la tête des Républicains au Sénat a promis de partir à la retraite en fin d’année, pour arrêter de créer des malaises aux conférences de presse. Mais dans le domaine des courses présidentielles le système ne réussit plus à fabriquer des nouvelles figures de masse.

En novembre, c’est ainsi que se jouera un rematch très peu excitant entre un homme de 78 ans qui se présente pour la troisième fois depuis 2016 et un vétéran de 81 ans qui fait de la politique depuis 50 ans et a passé plus de 12 ans déjà à la Maison blanche. Les ambitions du jeune libertarien d’extrême-droite Vivek Ramaswamy, 38 ans, ou du néolibéral progressiste Pete Buttigieg, 42 ans, devront attendre, du moins pour le moment. Pour qu’un nouveau cycle démarre, il s’agirait d’attendre la mort des gérontocrates.

L’hypothèse du remplacement se heurte également à la déliquescence du parti Démocrate. Son aile gauche progressiste, incarné par Bernie Sanders ou encore le Squad, est globalement pro-Biden depuis l’échec aux primaires 2020 et n’a pas présenté de candidature dissidente aux primaires de 2024. Malgré les critiques que les parlementaires de l’aile gauche ont pu exprimer à l’égard de la politique de la Maison blanche sur la question palestinienne, Alexandria Ocasio Cortez, Bernie Sanders, Ilhan Omar et Pramila Jayapal ont tous apporté leur soutien à la candidature de Biden. Une prise de position qui témoigne de la continuation de l’intégration totale de ces figures qui prétendaient réformer le Parti démocrate, Ilhan Omar allant jusqu’à qualifier Biden de « meilleur président de ma vie ». Seule la députée palestinienne Rashida Tlaib, qui a subi un vote de sanction l’automne dernier, soutenu par une partie des Démocrates, à la Chambre des représentants pour ses discours défendant le peuple palestinien, s’est pour le moment retenue de soutenir Biden.

Même dans l’aile majoritaire centriste et libérale il n’y a personne avec le calibre nécessaire pour aller au-delà des critiques de Biden et se mesurer à lui dans un processus de primaires. Celles qui se sont déroulées début 2024, avec deux opposants largement inconnus, ont offert à Biden une victoire écrasante avec 14 millions de votes des électeurs Démocrates. Une assise très large sur laquelle Biden s’est appuyé pour défendre sa candidature dans une lettre aux Démocrates critiquant sa vieillesse : les suffrages ont parlé, il n’y a aucune raison que je parte.

Vers une défaite du Parti démocrate, et après ?

Alors que Biden s’exprimera ce jeudi au Sommet de l’OTAN, et veut faire de cette conférence de presse une démonstration de ses capacités cognitives, les scénarios qui se dessinent sont sombres pour le parti Démocrate. Les conséquences risquent même d’être bien plus lourdes que celles de la défaite de Hillary Clinton en 2016. Le parti se dirige en effet vers un iceberg que tout le monde voit se rapprocher, mais la bureaucratie et l’absence d’opposition interne (y compris depuis l’aile gauche cooptée) l’empêchent de tourner le volant.

La défaite en novembre risque de détourner des millions d’électeurs progressistes du parti Démocrate, comme l’a déjà fait à une moindre échelle le mouvement pour la libération de la Palestine dont le peuple Joe Biden et son administration aident activement à massacrer. En difficulté, le parti Démocrate tente déjà de mener une fois de plus une campagne en négatif mettant l’accent sur la menace portée par Trump à la démocratie et aux droits reproductifs. Pour la troisième fois depuis 2016, il faudrait aller aux urnes pour repousser la menace fasciste et protéger les restes de la démocratie. Il est minuit moins le quart, ce sont les élections les plus importantes de notre vie… On commence à connaître ce discours par cœur dans la plupart des démocraties bourgeoises en pourrissement.

Cependant, si cette méthode avait fait ses preuves en 2020, permettant au Parti Démocrate de canaliser le puissant mouvement Black Lives Matter dans le soutien à Biden, malgré son soutien historique aux politiques racistes et sécuritaires, en 2024, les jeunes et travailleurs pro-Palestine qui ont baptisé Biden « Genocide Joe » seront, semble-t-il, plus méfiants. Une crise des deux partis bourgeois qui n’ont jamais représenté les intérêts des travailleurs et de la jeunesse états-unienne qui doit permettre d’ouvrir des perspectives pour la construction d’organisations révolutionnaires, capables d’être un outil d’intervention politique pour la génération qui se syndique, s’organise sur ses lieux de travail et d’études...

... et commence à engager un combat de plus en plus acharné contre l’impérialisme.

Révolution Permanente

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