dimanche 21 juillet 2024

Le plan à 150 millions d’euros du milliardaire Pierre-Edouard Stérin pour faire gagner l’extrême-droite

Tristane Chalaise

Ce vendredi, l’Humanité révèle le plan de bataille élaboré par le milliardaire Pierre-Edouard Stérin pour la « victoire idéologique, électorale et politique » de l’extrême-droite. Un projet à 150 millions d’euros étalé sur 10 ans, dont le RN est le principal bénéficiaire.

Dans un document publié ce vendredi, l’Humanité révèle des extraits du plan du milliardaire français et exilé fiscal en Belgique Pierre-Edouard Stérin pour faire gagner l’extrême-droite. Sous l’intitulé « Projet Périclès », acronyme pour « Patriotes / Enracinés / Résistants / Identitaires / Chrétiens / Libéraux / Européens / Souverainistes », le plan du milliardaire vise trois objectifs : « la victoire idéologique, la victoire électorale et la victoire politique » de l’extrême-droite et du libéralisme le plus conservateur.

Pierre-Edouard Stérin, un grand patron milliardaire qui se rêve en missionnaire de l’extrême-droite

Co-fondateur et principal actionnaire du groupe SmartBox, spécialisé dans la vente de coffrets cadeaux, mais aussi propriétaire du groupe d’investissement Otium Capital et du Fonds Bien Commun, Pierre-Édouard Stérin occupe la 94e place au classement des grandes fortunes françaises, pour un total évalué à 1,4 milliard d’euros en 2024.

Une fortune qu’il n’hésite pas, depuis plusieurs années, à mettre au service de ses idées. Se définissant comme un homme de droite et un adversaire de la gauche, un défenseur de « la plus grande entreprise du pays, c’est-à-dire le pays lui-même » et un adversaire des « dépenses publiques », « nouveaux impôts » et « délires racialistes, antisémites, wokistes ou intersectionnels », le milliardaire a déjà été épinglé par Médiapart et l’Express pour sa conception particulière de la « charité », qu’il définit lui-même comme « patriotique ». Parmi les destinataires de ses financements, on trouve ainsi des structures dénoncées pour leur racisme, comme le groupe d’écoles privées Espérance banlieue, qui cible spécifiquement la jeunesse des quartiers populaires pour leur inculquer « l’attachement à la culture française », ou des associations anti-IVG et identitaires, comme le projet Canto, qui s’est illustré par son large répertoire, incluant des chants militaires du IIIe Reich.

À travers le Fonds Bien commun, le milliardaire est aussi l’organisateur, depuis 2015, d’« apéros » rassemblant investisseurs, acteurs du monde associatif catholique et responsables politiques de droite et d’extrême droite. Avec, pour objectif, faire le « tour du marché politique » pour trouver la perle rare, qui permettra de rassembler l’extrême-droite et la droite libérale et conservatrice. De Marion Maréchal à François-Xavier Bellamy, en passant par Bruno Retailleau, Eric Zemmour et Nadine Morano, tous ont déjà rencontré le milliardaire pour parler business plan politique.

Dans le même temps, Pierre-Édouard Stérin semble vouloir emboîter le pas à Vincent Bolloré, auquel il a tenté de racheter la maison d’édition Editis, avant que le contrat ne soit finalement accordé au milliardaire tchèque Daniel Křetínský. Autre opportunité manquée, le rachat du journal Marianne, qu’il a dû abandonner suite à une grève de la rédaction. En cause, les liens entre Stérin et le Rassemblement National, et la crainte d’une extrême-droitisation de la ligne éditoriale.

Le « projet Périclès » où le business plan à 150 millions de Stérin pour faire gagner l’extrême-droite

C’est depuis 2021 que le milliardaire murmure plus directement à l’oreille du Marine Le Pen, à travers son bras droit et n°2 d’Otium, François Durvye, devenu le principal conseiller économique du Rassemblement National. Une stratégie de consulting amenée aujourd’hui à s’étendre et se diversifier, avec la création de la plateforme Périclès.

Les extraits publiée par l’Humanité donnent ainsi à voir les grandes lignes et les objectifs du plan du milliardaire : « Notre projet découle d’un ensemble de valeurs clés (liberté, enracinement et identité, anthropologie chrétienne, etc.) luttant contre les maux principaux de notre pays (socialisme, wokisme, islamisme, immigration). Pour servir et sauver la France, nous voulons permettre la victoire idéologique, électorale et politique. Pour cela, Périclès prévoit de déployer environ 150 millions d’euros sur les dix prochaines années via le financement ou la création de projets. » Avec, en objectifs prioritaire, la « guérilla juridique » et le « conseil auprès des politiques ».

Entre étude chiffrée et plan de bataille structuré offert sur un plateau a l’extrême droite, la lecture des extraits du plan de Stérin s’avère glaçante.

Déjà 3,5 millions d’euros investis pour la « victoire idéologique » de l’extrême-droite et des libéraux conservateurs

On y apprend ainsi que, pour assurer la « victoire idéologique » de l’extrême-droite et des conservateurs libéraux, c’est 3,5 millions d’euros qui ont déjà été engagés sur plus de 40 projets, avec un classement en fonction des priorités : wokisme (35 %), immigration (30 %), socialisme (12 %), culture et morale chrétienne (10 %), islamisme (8 %), autres (5 %).

De même, pour assurer la « guérilla juridique », le collectif Justitia, qui rassemble aujourd’hui 16 avocats, se donne pour objectif de lancer plus de 20 procédures par an, sur des thèmes « médiatiques contre l’islamisme, l’immigration, l’attaque à la liberté d’expression, la théorie du genre », et se félicite d’avoir déjà lancé 9 procédures de ce type.

Livrer sur un plateau d’argent, un plan de bataille à Marine Le Pen pour gagner les présidentielles en 2027

Du point de vue électoral et politique, les objectifs sont là encore clairs et chiffrés : influencer les sujets traités lors des européennes (2024), aider à remporter plus de 1 000 mairies avec au minimum 300 villes (2026), aider à remporter la présidentielle et la majorité absolue (2027). Pour cela, Périclès mise pour l’instant sur le RN, avec pour objectif de transformer les bons résultats des dernières élections en victoires lors des municipales, afin de construire pour le parti de Marine Le Pen l’ancrage local qui lui manque. La plateforme d’extrême-droite ne s’interdit pas toutefois de « lancer dans les prochains mois des missions similaires correspondant aux besoins de chacun (par exemple, recrutement de candidats pour LR) ».

Pour professionnaliser l’extrême-droite, et en réponse, probablement, aux nombreux cas de « brebis galeuses » qui ont entaché la campagne des législatives, le milliardaire propose de financer la formation des futurs dirigeants politiques, en formant au moins 1000 futurs maires de petites et moyennes communes. La première promotion est ainsi prévue dès le mois de septembre 2024, et aurait déjà le soutien de 4 élus en exercice.

Construire une organisation d’extrême-droite qui dépasse les clivages entre le RN, Reconquête et les dissidents LR

Pire encore, pour ancrer la présence de l’extrême-droite au-delà des victoires électorales conjoncturelles, la plateforme Périclès annonce la mise du think tank qui manquerait à l’extrême-droite, avec pour proposition d’intégrer des structures libérales et conservatrices déjà existantes, telles que l’Institut Thomas-More ou la Fondation du Pont-Neuf. Il s’agit aussi de « recenser les postes clés à exercer dans l’administration centrale et dans les établissements publics pour transformer durablement le pays », tout en formant des dirigeants d’extrême-droite et de droite libérale et conservatrice capables de les occuper.

Le plan liste ainsi les figures politiques à approcher, dans l’objectif que d’ici la fin de l’année 2024, « 80 % des profils prioritaires [soient] en relation de confiance et influence réelle, contre 30 % aujourd’hui. » Parmi ces personnalités définies comme prioritaires, Jordan Bardella et Marine Le Pen (RN) dont ainsi classés en « relation de confiance et influence réelle », Éric Ciotti, Laurent Wauquiez, David Lisnard, François-Xavier Bellamy (LR) et Marion Maréchal (Reconquête !) en « relation active mais pas de réelle influence » et Nicolas Sarkozy (LR) et Éric Zemmour (Reconquête !) en « pas de relation activable à date ».

Les milliardaires et l’extrême-droite main dans la main pour une société toujours plus libérale, conservatrice et autoritaire

Alors qu’à l’échelle européenne, les liens entre extrême-droite et milliardaires se renforcent, et, qu’en France, Bolloré et sa chaîne CNews font déjà les choux gras de l’extrême-droite, un autre milliardaire apparaît être le généreux soutien de Marine Le Pen, Jordan Bardella, Eric Ciotti, Marion Marécal et consorts.

Ce n’est pas un hasard si une partie du patronat mise aujourd’hui sur un parti politique qui, ces dernières années, s’est illustré, à rebours de son discours prétendument « antisystème », en votant contre l’augmentation du SMIC, le gel des loyers, l’indexation des salaires sur l’inflation, l’augmentation des moyens pour lutter contre la fraude fiscale, l’instauration des prix planchers dans l’agriculture et le rétablissement de l’ISF, mais pour la suppression du repos dominical pendant les JO, la privatisation de la RATP et l’augmentation des budget militaires.

Les échanges de bons procédés entre Pierre-Edouard Stérin et le parti de Marine Le Pen viennent une fois de plus illustrer le camp social pour lequel joue le Rassemblement National. Loin de se confiner aux urnes, c’est ainsi dans la rue et sur nos lieux de travail que doit se mener la lutte contre l’extrême-droite...

...à travers la lutte pour les salaires, les conditions de travail, mais aussi contre toutes les politiques autoritaires, austéritaires, racistes, sexistes et xénophobes qui ne servent qu’à diviser pendant que le patronat, lui, ne fait que mieux régner.

Révolution Permanente 

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