samedi 3 août 2024

Ukraine : petits pas vers une sortie de crise diplomatique ?

Antoine Manessis

Vladimir Zelenski, évoque des négociations possibles avec la Russie pour mettre fin à la guerre, dans un entretien accordé au Monde, à Libération, à L’Equipe et à l’Agence France-Presse.

Il laisse entendre que des négociations pourraient mettre fin au conflit "si la Russie le veut". Il a même précisé que la Russie doit être représentée au prochain sommet de la paix. "Autrement, nous n'arriverons pas à des résultats importants". Ce qui semble évident... Poutine a d'ailleurs attendu plus de précisions. Même s'il dit ne pas reconnaître la légitimité du régime ukrainien, la porte reste entrouverte.

Sur la Chine, Zelenski adopte une position ambiguë :  "Si la Chine le veut, elle peut forcer la Russie à arrêter cette guerre. (...) Je ne veux pas d'elle comme d'un médiateur, je veux qu'elle fasse pression sur la Russie" En fait, il sait que la Chine, tout en soutenant Poutine, a son propre agenda. L’impérialisme chinois défend les intérêts des capitalistes chinois, y compris la protection de leurs marchés d’exportation en Occident. 

La Chine, qui partage avec la Russie la volonté de constituer un contrepoids face aux États-Unis, n'a jamais condamné l'invasion russe et accuse l'Otan de négliger les préoccupations de Moscou en matière de sécurité. Les Chinois  ont néanmoins aussi appelé l'an passé, dans un document sur la guerre, au respect de l'intégrité territoriale de tous les États, et donc de l'Ukraine.

Soufflant le chaud et le froid, Zelenski a critiqué ses alliés occidentaux, leur reprochant de lui interdire d'utiliser librement les armements livrés pour frapper des cibles militaires en territoire russe.

En revanche il a déclaré que renoncer à des territoires ukrainiens est "une question très, très difficile". Ce qui est sans doute vrai mais surtout qui ouvre la voie à une solution diplomatique. Chacun sait que la Crimée est russe mais que les Ukrainiens (russophones ou pas) vivants dans le Donbass ou d'autres régions litigieuses doivent s'exprimer démocratiquement et sous contrôle international afin de définir leur statut futur. 

Concernant la perspective d'une victoire de Donald Trump aux États-Unis, Zelenski s'est dit assuré de s'entendre avec tout président élu en novembre. En réalité, Trump, dont la proximité avec Poutine est connue, ouvre la porte à une solution qui se dessinerait entre Moscou et Washington sans consulter Kiev. On sait que Trump, contrairement à Biden, veut concentrer son attention sur l'adversaire stratégique à savoir la Chine et non la Russie. Trump pense que sa proximité idéologique d'extrême-droite avec le président russe, et à condition de tenir compte de certaines demandes russes, permettrait de rompre l'alliance forcée entre le Kremlin et Pékin. 

Calcul qui vaut ce qu'il vaut mais qui inquiète l'Ukraine, "un risque" ose Zelenski dont la survie dépend de l'aide étasunienne (en avril dernier une aide de plus de 61 milliards de dollars a été adoptée  par les Etats-Unis se rajoutant au reste soit une aide militaire de 43 milliards). À titre d'exemple d'une utilisation plus intelligente de telles sommes rappelons que 100 milliards, c'est la totalité de l'aide annuelle des pays riches aux pays pauvres pour lutter contre le dérèglement climatique, selon le principe pollueur= payeur. 

Un long chemin reste sans doute à faire. Mais la situation sur le front, où l'Ukraine est en situation "difficile" reconnait Zelenski, et l'évolution des opinions tant dans les pays belligérants qu'internationalement, obligent les gouvernements russe et ukrainien (et ses soutiens financier, militaire et politique) à envisager avec sérieux une solution diplomatique.

Une guerre nucléaire ne nous parait pas menaçante. Elle signifierait la destruction mutuelle garantie (DMG ou MAD en anglais). Il est évident qu’une telle guerre ne serait pas dans l’intérêt des banquiers et des capitalistes. Ni Etasuniens, ni Chinois, ni Russes, ni Européens. En revanche, la poursuite, et même la multiplication, des guerres régionales peut être l'expression de l'exacerbation des contradictions inter-impérialistes, la réorganisation des rapports de force entres les multiples pôles impérialistes (Etats-Unis, Union européenne, Japon, Chine, Russie, Inde...).

C'est pourquoi les forces de paix et de progrès doivent soutenir tout pas en avant vers la pacification des conflits en cours, quelles que soient les raisons qui contraignent les impérialismes à envisager des solutions diplomatiques.

Les récents propos de Zelenski vont dans ce sens. 

Antoine Manessis

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