Antoine Chantin
Après avoir trouvé un accord avec les macronistes sur le PLFSS, Barnier tente de convaincre l’extrême-droite pour éviter la censure. Après avoir renoncé à l’augmentation de la taxe sur l’électricité, Barnier a lancé une nouvelle attaque contre le budget de l’Aide Médicale d’État pour satisfaire le RN.
Alors que l’ombre de la censure plane depuis une semaine sur le gouvernement, Barnier est prêt à tout pour éviter d’être renversé. Mercredi soir, au terme de sept heures de discussions en commission mixte paritaire, hier soir, le premier ministre est parvenu à ressouder le socle commun en cédant aux exigences pro-patronales des macronistes. A l’issue d’une CMP durcissant encore un peu plus le budget de la sécurité sociale, c’est désormais à l’extrême-droite que le gouvernement tente de s’adresser.
Un budget de la sécurité sociale anti-ouvrier
Sans surprise, le budget de la sécu sorti des négociations en Commission mixte paritaire est une liste d’attaque contre les travailleurs et l’accès à la santé. Parmi les mesures phares, 600 millions de coupes supplémentaires dans le budget de l’Assurance maladie et diverses taxes qui frapperont des produits de consommation de base.
Pour faire passer ce budget, Barnier y a intégré plusieurs exigences macronistes. Ainsi, les 4 milliards de coupe dans les exonérations de cotisations à destination des entreprises prévues seront finalement limitées à 1,6 milliard. Pour financer cette diminution, la CMP s’est résolue à diminuer la revalorisation des pensions : annoncée à 1,8%, les pensions n’augmenteront que de 1,6%, bien en deçà de l’inflation prévue par le gouvernement, entre 1,8% et 2% en 2025.
Ces attaques ne se limitent toutefois pas aux retraités puisque la CMP s’est également accordée sur une « taxe lapin », visant à infliger une amende à quiconque manquerait un rendez-vous médical. Sans empreinte bancaire déclarée auprès des services de santé, il deviendra donc presque impossible d’obtenir un rendez-vous médical. Cédant au chantage du patronat, visé par des hausses d’impôts minimes et qui menace de déclencher une crise sociale en représailles, Barnier finance donc les gages qu’il donne au macronisme en procédant à de nouvelles attaques austéritaires et en pénalisant les plus précaires.
Rallier l’extrême-droite pour éviter la censure
Après avoir passé l’épreuve de la première CMP ce mercredi, Barnier s’attèle désormais à convaincre l’extrême-droite pour qu’elle ne vote pas une éventuelle motion de censure dès lundi, à l’occasion du 49-3 sur le PLFSS. Le parti, qui n’a obtenu aucun gain significatif lors de l’examen du budget et ressort fragilisé par le procès qui vise ses cadres et ses dirigeants, cherche ces derniers jours à se repositionner en force d’opposition en arrachant des concessions à Barnier et en faisant planer la menace de renverser le gouvernement.
Dans un communiqué ce jeudi, le RN a réitéré sa liste d’exigences auprès de Barnier, expliquant : « le Groupe Rassemblement national invite le Premier ministre à annoncer très rapidement, qu’il renonce à l’augmentation des taxes sur l’électricité, qu’il baisse drastiquement l’AME, qu’il va négocier avec Bruxelles une baisse de la contribution de la France au budget de l’Union Européenne ainsi que toutes ou parties des économies structurelles proposées par le RN. »
Une liste de Noël que le Premier ministre semble prêt à respecter à la lettre. Après avoir annoncé jeudi vouloir limiter l’augmentation des taxes sur l’électricité, dont le prix va cependant augmenter malgré tout, Barnier a promis au RN qu’il réduirait le budget de l’AME. « Après des années de hausse, l’aide médicale d’Etat, dont le coût s’élève à 1,2 milliards d’euros, fait d’ores et déjà l’objet d’une stabilisation. Nous n’allons pas la supprimer, mais le “panier de soins” pris en charge va être sensiblement diminué ».
Au-delà du PLF 2025, Barnier promet également à l’extrême-droite qu’il initierait une réforme du dispositif dès l’année prochaine : « Nous allons engager une réforme de l’AME pour éviter les abus et les détournements ». Comme le recommandait ces derniers jours Gérald Darmanin, Michel Barnier entérine une nouvelle attaque, et se montre prêt aux concessions racistes les plus ignobles contre les travailleurs étrangers pour s’assurer que l’extrême-droite ne vote pas la censure.
Des gages qui pourraient ne pas suffire pour éviter la censure
Jeudi soir, Bardella s’est félicité de ces premières victoires, tout en soulignant que « d’autres lignes rouges demeurent », et en évoquant de nouvelles conditions : « un sérieux tour de vis migratoire et pénal doit être engagé », « un moratoire sur toute nouvelle création ou hausse d’impôt et de taxe », « des mesures en faveur de la compétitivité », etc. Même son de cloche du côté de Marine Le Pen qui évoque « quatre lignes rouges » tout en exigeant que soient précisées les mesures du gouvernement pour compenser ses reculs : « on nous annonce des annulations de hausse sans nous donner le financement. »
Des sorties qui témoignent d’une volonté de maintenir la pression sur le gouvernement et de profiter à fond du rapport de forces. D’après l’éditorialiste Cécile Cornudet, des négociations directes sont d’ailleurs en cours sur l’ensemble des sujets du RN : « un rendez-vous est prévu entre le député Jean-Philippe Tanguy et le ministère du Budget. Le Sénat pourrait opportunément se rapprocher des positions RN sur les rachats d’actions et les super-dividendes. Un correctif sur les pensions de retraite est à l’étude pour la fin 2025. »
Le gouvernement semble ainsi prêt à tout pour poser les bases d’un accord « RN-Barnier ». Pour autant, bien que la censure reste un pari périlleux pour l’extrême-droite, reculer après avoir autant affirmé son opposition pourrait être coûteux. En ce sens, la séquence actuelle aiguise particulièrement les contradictions du RN, écartelé entre nécessité de jouer un rôle d’opposition et volonté de donner des gages de stabilité aux classes dominantes. Une chose est sûre, que le RN censure ou pas, c’est une politique austéritaire et anti-ouvrière qui se poursuivra à la tête de l’État.
Dans ce cadre, il y a urgence à avancer dans la construction d’une riposte par en bas, qui affronte la crise sociale mais aussi la crise du régime, en apportant une réponse ouvrière à l’ensemble des problèmes de la situation, par les méthodes de la lutte de classes.
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